Double je

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Je m'aime. Voilà comment commence mon autoportrait. J'aime ce que je suis, mon parcours, mes chutes et les marches gravies, les sommets atteints et ceux que je vise, les gravats qui me sont tombés sur la tête et ceux qui ont réussi à me faire sombrer, puis les prises sur lesquelles je me suis rattrapée. Me voici encore à la cime d'une des montagnes de ma vie. 

 

Ali, c'est moi. C'est ma fâcheuse tendance à me définir par rapport à l'écriture. Je suis une petite plume qui aimerait voler de mes propres ailes. Moi-même ayant cette sensation de contrainte, je montre une grande importance à la liberté. Est-ce ainsi que j'ai choisi d'écrire ? Les mots courent où leurs pieds les mènent. Je couche des poèmes sur la page, à défaut d'avoir des mouchoirs en papier. Ali, c'est la liberté d'esprit et celle du corps, c'est l'évasion de toute une vie, peut-être un phantasme, le mirage d'un avenir qui reste encore incertain à ce jour. Pourtant, c'est l'écriture qui m'a choisie et non l'inverse. Elle s'est présentée à moi, unique main tendue pour me sauver du ravin dans lequel j'allais tomber. Depuis, j'ai le sentiment de lui être redevable. Alors j'écris, pour la remercier, et pour honorer son geste : celui de m'avoir rendue la vie.

 

Ali, c'est aussi mon apparence indifférente. Je ne montre pas l'importance que les autres ont pour moi ; j'ai appris très tôt qu'en leur donnant cela, ils prennent aussi l'occasion de me blesser. Alors je me fais discrète et détachée. Les mots tranchent plus que l'épée, j'ai dû faire d'Alicé mon bouclier. Mais si certains pensent que mon cœur est une pierre, je leur conseille de la retourner ; ils trouveront alors ma sensibilité et mes larmes, cachées du grand public. Ils découvriront, s'ils se concentrent assez, tout l'amour que j'ai en moi. Celui que je reçois et celui que je suis prête à donner.

 

Il est vrai que je suis dure parfois. Envers les autres, souvent. Envers moi, tout le temps. Agressive, toujours sur la défensive, moralisatrice, voire extrémiste. Tels sont les adjectifs que l'on m'attribue. Le politiquement correct ne m'intéresse guère. Ou du moins, c'est ce que j'essaye de me faire croire. Mais, en réalité, je suis habituellement trop épuisée pour les conflits, fatiguée de me répéter, de voir les Hommes se diviser au lieu de s'unir et d’œuvrer ensemble. Oui, je suis lasse de l'Humanité. Je n'en veux plus. Je veux la rendre. Alors qu'auparavant j'aurais foncé tête baissée dans les problèmes, maintenant je les contourne, trop faible pour les affronter.

 

Je m'efface volontairement du décor. Que mon jardin secret soit bien gardé, c'est l'une de mes principales volontés. L'anonymat est mon confort, Alicé un refuge. Aucun de mes proches ne connaît ne serait-ce que son existence. Et, toi qui lis ceci, tu ne sais pas non plus grand chose  sur elle. J'accorde rarement un sourire, mais lorsque cela arrive, je le ravale immédiatement, car c'est déjà trop. Il ne faut pas me connaître, mais plutôt m'imaginer. Je ne suis jamais aussi belle que lorsque l'on me pense. 

 

Il est vrai, je me trouve belle. Je vois en moi une jolie personne, et il est doux de se décrire d'une manière positive. Mes croyances sont un baume pour le cœur, puisque j'avance vers la paix. Je crois à l'action collective et à ce petit quelque chose que chacun apporte dans ce monde. J'aime être moi-même, c'est-à-dire comme les autres. Au fond, je fais partie de la masse, et ça me plaît. Cela peut sûrement s'expliquer par mon manque d'assurance, j'ai besoin de directives, de marcher sur des traces de pas. Quel paradoxe je fais ! L'autonome dépendante. J'aime cet oxymore que j'incarne.

 

Je m'aime. J'aime mon ventre flasque et mon nez disgracieux. J'aime mon mauvais caractère et ma mauvaise foi. J'aime mon côté artiste et mon attirance envers la littérature. J'aime ma naïveté de penser un jour faire partie des grands. J'aime ma solitude et mon optimisme quant aux valeurs de l'humanité. J'aime débattre et m'obstiner à contredire l'autre, en sachant pertinemment que j'ai tort. Et j'aime Alicé. Parce qu'Ali, c'est moi.

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