Lettre d'un amour étranger à l'amour
À Toi,
Sans doute, ne sais-tu même pas qui je suis. Moi-même, j'ai peine à le savoir par moment. Je ne te demande qu'une seule chose : lire cette lettre, d'une seule traite puis, sans plus attendre, la brûler et ne plus y penser.
Parfois, je n'attends qu'une seule chose. Que tu te retournes, captes mon regard et le soutiennes sans faillir. Un sourire eût été superflu mais bienvenu.
Mais jamais cela n'arrivera. Tu passes devant moi sans tourner la tête, tel un automate guidé par son programme. Je connais ce sentiment qui fixe le regard au loin lorsqu'on le voudrait tout près, qui l'empêche de dévier là où il nous aspire. Car j'ai beau te blâmer, c'est aussi ainsi que j'ai toujours réagis. Je passe près de toi, lorsque je n'en ai pas le choix, et je me sens attirée dans ta direction comme deux aimants d'un pôle identique : on a beau les pousser l'un vers l'autre, une force invisible se joue d'eux pour les séparer.
Après tout, je ne t'en veux pas de passer sans me voir. Quel droit ai-je sur toi ? Suis-je même autorisée à songer à toi ? J'ai le sentiment que ce n'est le droit que de ceux qui t'aiment. Puis-je y prétendre si je ne sais pas ce qu'est l'amour ? Est-ce de la joie ou du désespoir ? Serait-ce une combinaison de toutes les passions du cœur humain ? Ou bien est-ce seulement un mot comme un autre que l'on aime couvrir d'éloge ? Je ne sais pas et je ne le saurai peut-être jamais.
Les mots sont souvent trompeurs. Je ne t'aime pas, je t'admire. Je ne t'observe pas, tu m'intrigues. Si je te disais la vérité, tu ne me croirais pas. Alors je me contente de platitude : Bonjour, oui la salle quatorze est par là, de rien... Et je m'en mords les doigts.
Souvent, j'ai peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur. Alors je me tais et me dis que ça passera. Mais ça n'est jamais passé. Trois ans sont partis aujourd'hui sans un pas en avant et je n'ai pas changé. Mais toi si, sûrement. Je te vois marcher et rire avec elles, puis une autre elle et d'autres elles, comme une boucle qui se répète sans que j'y sois admise. Je n'ose poser ces questions qui me harcèlent : êtes-vous uniquement de simples amis ou ton cœur bat-il plus vite près d'elle ?
Ma plus grande crainte est de me retrouver près de toi car je ne saurai réagir. Si tu savais comme j'appréhende l'année prochaine ! Dans le même temps, je ne veux pas t'approcher mais je ne voudrais pas te quitter. Est-ce toujours aussi contradictoire ?
Alors j'essaie de t'oublier, de chasser ton visage de ton esprit. Peine perdue. Pourquoi suis-je aussi récalcitrante à effacer ta personne ?
Avec tout mon amour - n'est-ce pas un comble pour quelqu'un qui ne sait ce que c'est ?,
Moi
Annotations
Versions