Vous m'en direz tant...
Dandy un jour, dandy toujours…
Il se présenta comme à son habitude, revêtu d’un de ses plus beaux costumes, quelque peu « too much » avec les cheveux gominés, son porte cigarette à la main qui lui conférait l’élégance de la canne à pommeau.
- Bonjour, Madame la comtesse est-elle là ?
- Bonjour Monsieur le Baron, je vais la querir
Prendre le thé dans le petit salon était toujours un cérémonial qui indiquait que les gens de qualité c’était eux, leur rappelant leur rôle à jouer dans cette cour. L’essentiel était le maintien, le pas furtif et léger, sorte de révérence sourde et puis ce petit « je ne sais quoi » d’une parole introductive surfaite, d’une ouverture gracieuse du corps qui l’accompagne, avant la déférence finale qu’un léger mouvement de la tête accomplit.
Monsieur le Baron de « je ne sais quoi », dans un monde parallèle à celui du commun des mortels, cultivait cette entrée en matière…
Ce jour-là, l’effleurement d’un vase chinois, alors même qu’une affaire en cours avec Madame la Comtesse était sur le point de se réaliser, notons l’acquisition du domaine de la Larelle de la Biscottière et rêve immobilier de Monsieur le Baron…, à deux doigts de conclure l’affaire après des mois de tractations diverses et variées dans les sphères aristocratiques, l’improbable arriva ...
En effet, son pas de danse, pourtant si étudié et millimétré pour accomplir la prouesse de s’exécuter tout près du vase pour réaliser la salutation rituelle, dévia légèrement, ce qui eut comme conséquence désastreuse de renverser un vase chinois acquis chez un antiquaire, d’une valeur inestimmmââââble !
Au vu des débris, irrecuperââââble ! Mon Dieu !
- Que puis-je faire pour me faire pardonner sursauta Monsieur le Baron, ce vase est certainement assuré n’est-ce-pas ?
Madame la Comtesse affolée, s’exclama :
- « Un vase Ming de la plus haute dynastie ! la réparation est impossible ! »
- Si je puis me permettre, Madame la Comtesse, ce vase exceptionnel aurait mérité la place d’honneur sur la commode Louis XVI du hall d’entrée, le choix de l’avoir placé près de la porte du petit vestibule représentait un risque que votre opulence financière pouvait couvrir !
- Comment osez-vous ! reprit Madame la Comtesse
Les invités de ce jour, alerté par cet incident, se pressèrent vers l’endroit…
- Madame la Comtesse, reprit Monsieur le Baron, vous avez compris qu’il s’agit d’un compliment qui vous remplit de gloire et vos invités jugeront de la valeur du fait !
- Monsieur le Baron, expliquez-vous, somma Madame la Comtesse d’un air dubitatif…
- Le choix, tout à votre honneur, de placer des objets précieux en prévalant une décoration parfaite, signe votre immense fortune et vaut son pesant d’or.
Je vous assûûûûre que cet incident sera relayé dans tous les salons ! vous serez la coqueluche du tout Paris, sans compter le fait que votre magnanimité sur cette affaire dénotera votre grandeur, qui bien que connue sera amplifiée !
- Magnanimité Monsieur le Baron ?
- Exactement Madame la Comtesse, nous sommes comptables de nos réactions par rapport à l’imprévu, plus le vase est cher plus la magnanimité est grande. Voyez-y une opportunité d’accéder à une richesse supplémentaire. Ainsi, je vous prie de bien vouloir accepter toutes mes excuses et passons-là s’il vous plait, l’incident ainsi traité vous fera accéder à une plus grande distinction morale, valeur qui ne peut pas s’acheter !
- Nous organisons un dîner samedi soir, serez-vous des nôtres Monsieur le Baron…
conclut Madame la Comtesse.
Dandy un jour, dandy toujours….
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