Chapitre 3

8 minutes de lecture

« La différence entre l'Homme et le cheval, c'est que le cheval est humain. »

Je saute dans la voiture de mon père, qui part une fois que je suis attachée. Le paysage défile, la forêt que je connais bien laisse place à la ville alors qu'on roule en direction du lycée. J'aimerais sécher les cours pour être avec Orion mais ma mère me tuerait et personne ne retrouverait mon corps avec tous ces hectares de forêt à fouiller.

En plus, c'est un endroit protégé, il est donc interdit d'y fouiller.

Comment allait l'étalon ce matin ?

La voix de mon père me sort de mes pensées et je tourne les yeux vers lui. Il détourne les yeux de la route pour me jeter un petit coup d'œil rapide.

- Il allait bien. Toujours stressé et sur ses gardes mais il avait mangé le foin et les friandises que je lui avais donnés.

- C'est bon signe.

- Je suis plutôt confiante. Je sais que cela prendra du temps mais il a l'air d'être assez intelligent pour savoir qu'on ne lui veut pas de mal. Je passerai du temps avec lui après les cours.

- Tu ne rentres pas avec Maxime et Jade ? Questionne-t-il.

- Si mais ils montent dans le cours de dix-neuf heures, j'irai à ce moment-là !

- D'accord. Tu fais attention.

- Toujours !

Je rassure mon père avec un sourire alors qu'on se gare sur le parking du lycée. J'embrasse sa joue, lui souhaitant une bonne journée avant de sortir de la voiture, n'oubliant pas de lui demander des messages au sujet de Orion. Ma réplique l'amuse alors qu'il me promet de le faire, me rappelant, cela-dit, de ne pas utiliser mon portable en cours.

- Promis ! Je lui crie en claquant la porte.

Sac en bandoulière sur l'épaule, je marche vers l'entrée du lycée pour attendre mes amis. Mes yeux parcourent la foule d'élèves, disant bonjour aux personnes que je connais. Le nombre de personnes attendant l'ouverture des portes ne fait que grandir et je me dis que la construction d'un deuxième lycée pourrait faire du bien à la population présente au mètre carré.

- Ophélie !

Je reconnais la voix de Maxime, alias Max, à travers la foule alors qu'il court vers moi. Ses boucles brunes volent dans l'air, lui barrant la vue. J'ai toujours été en admiration devant sa petite touffe bouclée qu'il coiffe selon ses humeurs, en ce moment ils sont assez courts, formant un petit tas sur le sommet de son crâne. Cela nous amuse beaucoup avec Jade. On passe notre temps à lui ébouriffer les cheveux.

- Coucou, il s'exclame une fois devant moi.

Je lui souris, lui demandant comment il va et les nouvelles de son après-midi de la veille, hâte que Jade arrive pour leur raconter la mienne. Enfin, ça ne sera sûrement pas avant la pause de dix-heures et demi, Jade a la sale manie d'arriver en retard. Maxime me raconte son après-midi avec Rox, le petit jack Russell de sa grand-mère. Cette dame est un vrai sucre, toujours le sourire, toujours gentille... Je l'aime beaucoup. Nous nous connaissons depuis gamin tous les trois, alors, nous faisons tous partie intégrante de nos familles respectives.

- Salut !

Jade arrive vers nous en courant, l'air essoufflée et les joues rouges de l'effort. Elle ne vit pas loin du lycée alors elle vient tous les matins à pied, enfin, en courant aujourd'hui. Dans un geste habitué elle attache ses longs cheveux noirs en un chignon mal fait, râlant sur le fait que son réveil l'ait une fois de plus laissé tomber. Aucun de nous n'a le temps de parler plus que la sonnerie nous oblige à partir dans notre classe. Nous traversons le lycée pour rejoindre notre premier cours de la journée, discutant des cours.

Les couloirs me paraissent si long alors qu'on se fait bousculer par des secondes qui courent vers leurs classes. Nous sommes qu'au début de l'année et certains sprints comme s'ils allaient être en retard.. Nous atteignons notre salle de français, sans aucune pression. Certains diront que c'est comme ça qu'on reconnaît les terminales.

C'est avec le sourire que nous sortons enfin de notre dernier cours de la matinée. J'ai hâte de leur parler de Orion depuis le début de la journée mais je me retiens, ne parlant que de choses légères et basiques. Mon père m'a, comme promis, envoyé un message ainsi qu'une photo pour me confirmer qu'il allait bien. Il m'a dit qu'il était resté loin de lui lorsqu'il a réapprovisionné en eau et en foin mais qu'il n'avait pas pris peur, ce qui est bon signe, bien que Orion regardait la fourche d'un mauvais œil.

- Enfin, je meurs de faim.

- Tu as toujours faim, Max, fait remarquer Jade pendant que nous posons nos plateaux sur la table.

- Il faut que je vous raconte quelque chose de dingue.

- Ouh là... Tu nous fais peur, Ophélie, rigole Jade.

- Est-ce que c'est quelque chose d'étrange ?

- Il y a des choses bizarres qui te passent par la tête Max.

Je me tais, regardant mes deux amis débattre sur ce que j'ai à leur dire plutôt que de m'écouter. Je les adore mais parfois, ils me font penser à un vieux couple alors qu'ils ont à peine dix-huit ans et qu'ils ne sont même pas ensemble. Qu'est-ce cela donnerait si c'était le cas ? Un cauchemar sûrement.

- J'imagine que vous ne voulez pas savoir...

- Excuse-nous. On t'écoute.

Je remercie Jade d'un signe de tête, faisant râler notre ami qui croque dans une pomme, boudant à moitié.

- Hier, en sortant Dalia, un étalon est apparu devant nous. J'ai réussi à le ramener aux écuries mais c'était étrange. Il montre des signes de mauvais traitement et de malnutrition.

- C'est inhumain ! Où l'as-tu trouvé ? s'exclame Jade.

- Dans la forêt, il est arrivé de la partie qui touche la route au fond de la propriété. Ce qui est étonnant car tout est fermé par du grillage pour protéger la réserve. S'il est passé, c'est qu'il doit y avoir un trou quelque part.

- Tu vas aller voir ?

Maxime me regarde avec un air suspicieux. Il me connaît bien. Mes parents ne m'en ont pas parlé donc je ne suis pas certaine qu'ils y aient pensé, trop occupés par le potentiel vol de Orion et le côté justice. C'est donc à moi d'enquêter.

C'est excitant comme sensation.

Je ne sais pas encore quand, mais j'irai oui. D'abord je veux essayer de gagner la confiance de l'étalon, expliquais-je.

Maxime s'apprête à m'engueuler mais Jade lui coupe la parole :

- Ophélie a raison. S'il y a un trou dans le grillage, les animaux de la réserve sont aussi en danger. C'est notre devoir de les protéger.

- Notre ?

Je lève un sourcil, un sourire au coin des lèvres.

- Si tu pars enquêter, nous aussi.

- Vous êtes sûr ?

- Jade a raison. On ne peut pas te laisser seule. De toute façon même si nous t'en empêchons, tu le feras quand nous aurons le dos tourné. Autant t'aider.

- Vous êtes fou. Mais merci, je vous adore.

- Quand est-ce que nous commençons ? interroge Jade.

Tout de suite à la sortie des cours, la mère de Maxime nous dépose aux écuries avant de repartir, nous souhaitant une bonne soirée, mes amis restant pour la nuit. Ce n'est pas rare qu'ils restent en semaine, souvent c'est mon père qui nous emmène en cours le lendemain. Nos parents respectifs nous font confiance, de plus, Max et Jade adorent aider aux écuries. C'est un peu leur façon de remercier mes parents. Je passe du temps dans leur famille aussi mais notre passion commune nous fait passer le plus clair de notre temps libre dans les écuries.

- Tu montes avec nous ce soir ? Demande Max tout en marchant vers la sellerie pour voir les chevaux qui leur ont été attribués.

- Non. Je vais aller voir l'étalon, il faut lui tenir compagnie. Il est tout seul.

Max et Jade se jettent un coup d'œil inquiet avant de me regarder d'un air triste.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu es sûre qu'il faut que tu t'occupes de lui ? Je veux dire... Avec le départ brutal de Vaillant... Nous ne voudrions pas que tu t'effondres à nouveau si ce cheval vient à partir... Ou pire...

Jade pèse ses mots. Je le sens. Pourtant, mon cœur se brise à nouveau :

- Ne vous inquiétez pas pour moi. Je veux aider ce cheval. Maintenant, dépêchez-vous où vous serez en retard.

Je n'attends pas leurs réponses pour partir de la sellerie, caressant les chevaux qui sont rentrés dans leur box respectif pour grignoter le foin qui s'y trouve. Ma course m'emmène en direction du hangar où je récupère des carottes puis je pars vers le rond de longe. Je croise les derniers cavaliers de la journée qui terminent de seller leurs chevaux respectifs. Je salue ceux que je croise tout en continuant ma route.

- Coucou Biscotte.

Je salue le petit shetland qui vadrouille en liberté dans la propriété. Je caresse sa tête noire alors qu'il cherche à attraper les carottes dans mes poches. Je rigole avant de lui en donner un petit bout. Je continue mon chemin, le shetland sur les talons.

- Coucou mon grand.

Orion sursaute. Il est sous l'abri, mangeant son foin. Il se retourne pour voir la tête hirsute de Biscotte qui hennit. L'étalon le fixe, les oreilles en avant, l'air curieux. La compagnie de Biscotte pourrait lui faire du bien, cela l'aidera peut-être à prendre confiance. Que cela soit en moi où en son nouveau lieu de résidence. Je décide de m'éloigner de quelques pas, laissant le charme de Biscotte opérer.

Orion finit par s'approcher, la curiosité étant plus forte que la peur à cet instant précis. Biscotte semble content de découvrir un nouvel ami, passant presque sa tête entre les barres en métal. Je souris en le voyant tendre le nez le plus loin possible pour essayer de toucher celui d'Orion qui reste sur la défensive, l'observant de loin. Je m'éloigne pour les laisser faire connaissance sans faire peur à l'étalon qui s'approche en faisant des foulées presque plus petites que celles du petit shetland. Je l'entend ronfler un peu et Biscotte approche son nez au plus près, quitte à se tasser contre la porte en métal.

Après de longues minutes, Orion finit par s'avancer. Ils se sentent. Biscotte ne bronche pas, lui qui n'est pas toujours très agréable, il semble comprendre que l'étalon est terrifié. Je n'ose pas bouger, les laissant faire connaissance. Si je pouvais les laisser tous les deux, ça serait génial pour Orion.

- Carottes, les garçons, cela vous dit ?

A l'entente de ce mot, Biscotte me saute presque dessus et je me rapproche pour lancer des morceaux de carottes à Orion, qui s'est reculé en vitesse. Je souris en le voyant manger, imitant le shetland qui quémande des caresses. 

- Un jour, tous les trois, on partira en balade. Je vous le promets. Un jour, tout ira mieux, Orion. 

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire etoilesjumelles ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0