Des hauts... et débats !

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J'ai pas aimé son discours...

Ce ne sera une surprise pour personne, bien entendu (depuis le temps que je vitupère contre cet hydrocéphale au teint passé à la toile émeri, c'est une évidence, non ?)
Cependant, je dois avouer que pour une fois ce président-despote a parlé posément, avançant ses arguments avec facilité. J'ai peur que les plus crédules ne se fassent encore une fois enfariner le tarin sans réellement comprendre les enjeux que tout complotiste de bon aloi, et j'ai prétention au titre, entrevoit sans effort. Il a fait des progrès dans l'art de la rhétorique, le mec. Et pas qu'un peu. Au point, d'ailleurs, qu'il est difficile de trouver les techniques d'ingénierie sociale employées. Donc, si je tire un peu une tronche de six pieds de long, c'est parce qu'il a trop bien enveloppé son fumeux projet sociétal dans des volutes bien brumeuses, denses et sournoises.

Tous les journaleux applaudissent, trop heureux de pouvoir parler des "bonnes nouvelles" concédées pour la fin de cette année. Et les débats ne manquent pas pour chanter les louanges d'un monarque républicain qui, en plus de soigner nos écrouelles, nous autorise à festoyer en famille, sous réserve d'ouvrir régulièrement nos fenêtres pour ventiler nos miasmes (et de continuer à volatiliser notre pognon à chauffer inutilement nos modestes masures) et de bouffer la dinde en gardant nos masques sur le groin.

Alors, et surtout parce que je ne suis pas en mesure de combattre seul les arguments de ce fieffé maffieux globaliste, j'ai estimé préférable d'appeler quelques spécialistes pour débroussailler cette jungle verbale venue du haut de l'Olympe parisien.

Oh, pas des chroniqueurs de la radio, de la tévé, ou pire encore, de la presse écrite. Non, ceux-là sont trop occupés à redorer l'image de marque d'une équipe politique en fort mauvaise posture pour les prochains scrutins. Non, j'ai préféré faire appel à cette vermine sociale qui orbite en même temps que moi et à la même altitude autour d'un monde qui rejette celles et ceux qui méritent à peine de ne pas être euthanasiés en masse pour soulager les craintes et les névroses de ceux qui, trop encombrés de privilèges, préfèreraient nous savoir transformés en sacs de phosphate et d'engrais pour les pare-terres de leurs châteaux.

Alors, j'ai ressorti mon barnum du fond du garage, barnum que j'ai remonté sans trop me souvenir de la méthode, puis j'ai installé la vieille table d'été, celle qu'on sort pour nos grandes réunions familiales. J'ai dépoussiéré les chaises en plastique blanc, si belles sur les photos des catalogues mais qui jaunissent et se salissent aussi vite que les fonds de culotte des petits garnements qui découvrent les joies du rugby sur pelouse. Quelques verres, deux trois bouteilles de jus de fruits’ surtout pas d'alcool, des cendriers pour calmer les coups de sang à venir et des biscuits appéritifs pour étouffer les méchantes remarques qui pourraient sortir sans prévenir du gosier des lascars que j'ai contactés.
Pour finir, et je vous conseille d'en faire autant, bien sûr, une musique en sourdine qui tourne en boucle. Cette fois-ci, ça me paraît convenir à la situation, ce sera le thème musical du "Clan des Siciliens" d'Enio Morricone. L'ambiance ainsi créée me semble tout à fait conforme à cette sensation de réunion clandestine... Pas de masques, bien sûr.

Ne me reste plus qu'à attendre mes convives.
Ne me reste plus, aussi, qu'à vous les présenter dans l'ordre de leur arrivée.

Fidèles à eux-mêmes, ils se font attendre comme autant de princesses ou de stars du cinéma. Au moins, le soleil est là, même s'il ne grimpe par très haut pour mieux réchauffer la terrasse de marbre blanc, et c'est heureux parce qu'un sournois petit vent du nord tourbillonne mollement autour de moi, soulevant les pans tout en plastique de mon pauvre barnum.

Mais voici que la baie vitrée s'ouvre et laisse passer mon premier invité...

Pas de surprise, il s'agit une fois encore de Socrate. Le vieux Grec arrive, pieds nus, s'aidant d'un bâton d'olivier aussi vermoulu que lui. Il a le souffle un peu court et dans ses yeux je décèle une lueur de reproche. Un léger nuage de vapeur s'échappe d'entre ses lèvres ridées.

  • Petit vaurien, tu aurais quand même pu penser à mes vieux os et nous recevoir autour d'une bonne flambée !
  • Pour que vous m'empêchiez de voir Grey's anatomy ? râle en souriant ma femme.
  • J'ignore ce que c'est, répond Socrate.
  • Une série télé qui parle des états d'âme des médecins !
  • Oh, intéressant ! rétorque le vieux, curieux comme une pie. Et sont-ils au courant des risques qu'ils prennent ?
  • Ils sont surtout inquiets de savoir où ils finiront par glisser leur service trois pièces ! gloussé-je, ironique et un poil méprisant.

Il tourne sa tête chenue vers moi et, pour bien me signifier qu'il a compris qui décide de la bonne marche des choses dans ma maison, me demande d'un air innocent :

  • Nous devrons affronter le froid d'automne parce que tu n'as pas eu l'autorisation d'occuper ton salon ?

J'éclate de rire et lui frappe doucement sur l'épaule.

  • C'est rigoureusement exact, mon ami ! Que veux-tu, des décennies de militantisme ont rendu aux femmes cette inflexible autorité qui nous rejette hors des limites de leur domaine privé ! Mais nous parlerons peut-être de ceci une autre fois. En attendant, que dirais-tu de vider quelques verres, le temps que les autres nous rejoignent ?

Trop content de trouver une chaise à l'assise assez ronde pour se soulager le coccyx , il obtempère comme lors d'un contrôle d'identité de la milice macronienne. Je lui laisse le temps de reprendre son souffle parce que de nouveaux convives se pointent. J'en profite pour prendre une couverture que je poserai ensuite sur les genoux du vieux pépère.

  • Aah, te voilà, toi ! fait une grosse voix éraillée alors que la porte d'entrée laisse le passage à la grande silhouette dégingandée d'un de mes meilleurs amis sur Terre. J'espère que tu m'as pas déplacé pour rien, que sinon tu vas t'en rappeler, mon gars !

Venant de Raymond, je ne pouvais attendre meilleure entrée en matière. Eh oui, Raymond est venu à ma rescousse ! Son bon sens populaire, la verdeur de ses mots et la hargne de ses idées m'aideront peut-être à mieux saisir l'importance des jours que nous vivons.

Et il n'est pas venu seul, bien sûr.
Voilà Agathe, toute pimpante dans son par-dessus écossais des années quarante, laissant un petit rond de terre et de boue sur le carrelage du séjour à chaque pas qu'elle fait avec sa jambe de bois.

  • Bonjour, mon petit ! Comme je suis contente de te rencontrer enfin ! Tu sais, tu permets que je te dise "tu" bien sûr ? que Raymond ne tarit pas d'éloges à ton propos ! Il m'a dit mille fois, au moins, que tu es le seul à bien comprendre ce qui peut se passer dans sa sale caboche de vieux con !

Bon... C'est dit ! Je souris largement et j'évite adroitement ses bras tendus, bien crasseux, qui voudraient m'étreindre pour une vigoureuse accolade. De la main gauche, j'attrape une manche, pendant que de la main droite je la chope par la taille et lui imprime une rotation lente pour la délester de son manteau d'avant Jésus-Christ. Surprise et un peu étourdie par la manœuvre , elle roucoule déjà des conneries, comme quoi qu'il suffirait d'un rien pour que je l'invite à danser, voire plus...

Ma chère et tendre me jette un oeil complice et vient tout de suite à mon aide, dirigeant d'un ton doux la vieille Agathe vers la terrasse.

  • Moi aussi, je suis contente de faire votre connaissance, fait- elle. Installez-vous pendant que je vous apporte une petite couverture à vous aussi.
  • Oh, mais c'est inutile, mon enfant ! proteste la vioque. Nous revenons tous les quatre d'un long séjour en Norvège où on s'est pelés le cul par moins trente-cinq degrés dans des pampas de merde, que même les caribous locaux refusaient de pisser contre les arbres pour pas se geler les noyaux !
  • Tous les quatre ? s'étrangle ma femme. Mais...?
  • Ben ouais, quoi ! intervient Raymond. On n'allait pas viendre en couple seulement, alors que not' pote semble dans une misère intellectuelle profonde, ma jolie ! Ils sont un peu à la bourre, mais y a encore René et Conardus qui sont coincés à un contrôle d'alcoolémie au carrefour, en haut de votre rue !
  • Les quatre mousquetaires, en somme ? résume ma femme en rigolant un peu jaune.
  • C'est ça ! confirme Agathe depuis la terrasse. Les quatre moustiquaires, et sans les bloches !

Raymond éclate de rire. Pour ma part, je ne dis rien pourtant je suis heureux de les retrouver ceux-là. J'ai le coeur qui bat un peu plus fort, comme quand, enfant, je savais qu'une cousine absente depuis trop longtemps venait passer quelques jours chez nous.
On emporte rapidement notre petit monde sur la terrasse et je file dans la cuisine pour amener quelques verres de plus. Et quelques bouteilles, aussi. Mais quand Raymond me voit arriver, armé de deux bouteilles de jus de pomme, il me regarde d'un oeil sourcilleux...

  • Dis-donc, mon gars, j'espère que t'as pas que ce jus de chaussette à nous offrir, hein ! J's'us pas vacciné contre ce genre de virus, moi, tu sais bien !
  • Ben...commencé-je pour ma défense, je me suis dit qu'il serait mieux de garder l'esprit limpide pour discuter.

Mon air penaud ne change évidemment rien à l'affaire. Un silence pesant s'instaure soudain, qui me paraît durer des siècles. Les retrouvailles commencent mal ? Le vieux continue de me regarder de son air mauvais puis, ondulant une ou deux fois du prose sur sa chaise, il me sourit, l'air content de lui. Et il extrait deux boutanches de picrate de ses profondes !

  • Tu te doutes bien qu'on me la fait pas, à moi ! Hein !

Presque soulagé, je confirme d'un coup de menton malgré la sourde alerte qui hulule au fond de moi. Adieu, conversation paisible... Mais je n'ai pas le temps de m'appesantir sur cette petite déconvenue. René et Conardus arrivent enfin, déjà pas mal touchés par un excès visible d'alcool...
Ma femme, presque épouvantée de découvrir que Conardus porte effectivement des écailles de stégosaure sur le dos de sa peau maintenant toute verte, me lance un regard furibond.

  • Ce n'est rien, ne t'inquiète pas ! lui glissé-je à voix basse, pendant que je me précipite pour attraper illico presto les deux pochetrons.

Je les propulse dans le jardin, direction le barnum. Raymond est déjà en train de s'escrimer à ouvrir sa bouteille de rouge. Comme le bouchon résiste, il cherche du regard un objet qui serait plus efficace que son tire-bouchon. Il aperçoit la canne de Socrate, mais je l'arrête d'un geste brusque.

  • Fais pas ça, Raymond, il tomberait sur le carrelage ! Bouge pas, je vais te chercher une vis et une pince...

Combine facile apprise auprès de lui : il me vote un regard approbateur, presque fier de son enseignement.

  • Fais ça, tu as raison, mon fils. Et puis, en revenant, tu me diras qui c'est, ce vieux débris.

J'opine en fonçant dans l'atelier au fond du jardin, constatant avec une petite pointe de déception qu'il ne connaît pas Socrate.

  • A la limite, ce n'est peut-être pas plus mal ? me dis-je, reprenant espoir en pensant au choc que risque de provoquer la confrontation de deux énergumènes aux caractères bien trempés.

J'ignore si Socrate sacrifiera aussi aux rites de Bacchus... Quand je rapplique avec mes outils, Conardus s'est installé au bout de la table, seul endroit assez vaste pour l'accueillir avec ses écailles dans le dos. Il observe notre petit groupe sans rien dire. Il garde probablement le silence parce qu'il doit être à ce point pété qu'il doit mal se souvenir du langage terrestre ! Alors, ainsi que devraient le faire tous les journalistes quand ils ne savent rien, il se tait.

Tout le monde est réuni. Ouf ! Au moins, ma femme a-t-elle pu refermer la baie vitrée, la verrouillant discrètement. Elle plonge sur son canapé préféré, allume la télé...puis s'offre illico une petite sieste tranquille !

René et Raymond, assis de part et d'autre du vieux grec qui dort à point fermé, lui aussi, l'observent et commentent :

  • T'as vu, Raymond, comme il a le nez tordu, ce vieux chibre ? On dirait un clébard qui s'est farci un camion !
  • Et les poils sur le cailloux qu'il a, tu vois aussi ? Sacrée patinoire à mouches, hein ?
  • Bronzé comme il est, je serais pas étonné qu'il arrive du fin fond du Sahara, ou un truc de ce genre, continue René qui mène son enquête du haut des quelques degrés d'alcool qui roulent encore dans ses veines.
  • Ou alors, il aura abusé des salons à rayons bronzants ?
  • Sais pas. Pense pas, quand même : les poils qui lui sortent des narines et des esgourdes me font pencher pour un mec qui penserait du bulbe sans bouger pendant des heures...
  • Mouais... Faut dire que l'jeunot nous a fait viendre pour cogiter, à c'qu'i' paraît. S'rait logique, en somme.
  • En attendant, je sais pas dans quelle poubelle il est allé nous le chercher, celui-là ! renifle Agathe.

N'y tenant plus, je leur coupe la parole :

  • Z'êtes vraiment des ânes ! L'homme qui nous fait l'honneur d'être là est rien moins que le fondateur de la philosophie !
  • Et il file ou ? rigole René, pas impressionné pour deux ronds.
  • Il vient de te le dire, rajoute Raymond, il file au zoo-phie !

Et les deux vieux rigolent, contents de leur connerie... Puis, ils percutent !

  • Tu veux dire...qu'il est Grec ?
  • Ben oui, c'te connerie ! fais-je sans voir venir le piège.

Et les deux se lèvent précipitamment, les mains sur les joues, mimant deux folles éperdues de terreur !

  • Vite, allons nous planquer avant qu'il essaie de nous composter le dargeot !

Et ils se marrent de plus belle, ces tordus !

  • J'ai peur que vous ne soyez déjà bien trop fripés pour me servir de gitons, fait alors Socrate sans ouvrir les yeux.

Du coup, mes deux pochetrons la bouclent, pris au dépouvu. Alors Conardus profite du silence pour nous en caser une :

  • Euh, perso, j'ai pensé qu'il serait pas inutile de venir les mains vides. Alors, pendant que René endormissait les pandores au carrefour, j'ai fait un saut rapide dans le temps pour vous ramener un autre penseur...
  • Ouh là...! fait Raymond qui n'aime pas les invités surprise, même s'il n'est pas chez lui. Et c'est quoi, ton penseur à la mords-moi le noeud ?
  • Rodin ? fait René qui voudrait soudain briller un peu.
  • Ben, en fait, j'l'ai vu sur l'Agora, à Athènes. Faut comprendre : j'avais que quelques secondes alors j'ai chopé le premier venu. Mais il a l'air sûr de lui, vous trouvez pas ? Grosse tête, grosse barbe, l'air d'avoir inventé l'eau chaude, le fil à couper le beurre et les serrures sans clé, voyez le genre ?
  • Euh...une grosse gonfle, quoi ? hasarde René.
  • Ouais, genre. Mais modèle supérieur, vous voyez ? Je veux dire, celui-là, je pense qu'il vous expliquera tout et son contraire, juste pour avoir raison.
  • Du sérieux, donc ? fais-je, un peu inquiet.
  • Très ! Voire pire que ça !

Socrate, sans faire un geste sauf celui de lever une paupière, observe et écoute sans rien dire.

  • Et il a un blaze, ton zig ? demande Raymond.
  • J'crois, ouais. Mais j'ai pas bien compris quand je le lui ai demandé... s'excuse Conardus, moins sûr de son choix face à notre circonspection.
  • Vas-y... Annonce la couleur, soupire encore Raymond.
  • Arpigote, ou un truc de ce genre, propose Conardus, tout penaud.
  • C'est pas un nom , ça ! s'esclaffe René. Ou celui d'un légume, à la rigueur !
  • Euh...interviens-je, et il est où, ton bonhomme ?
  • Oh, quel con ! C'est vrai, j'allais oublier de le sortir de mon sac ! fait Conardus l'étourdi. Attendez une seconde...

Et il farfouille dans une poche de sa veste spatiale. Faut quelques minutes... Plein de poches dans ces fringues-là... Finalement, après bien des recherches, voilà qu'il nous sort d'une poche, comme un magicien ferait surgir un lapin de son chapeau, un vieux bonhomme au front dégarni, au nez droit et aux joues un peu creuses ! Pas bien grand, comme la plupart des méditerrannéens, il nous regarde avec curiosité, pas plus surpris que ça de se retrouver parmi nous...

  • Il jacte le français, bien sûr ? demande René, déjà prêt à râler.
  • Aucun problème pour ça, nous rassure Conardus. J'ai un traducteur incorporable que je peux lui foutre dans le cul !
  • Bah, on n'aura pas tout perdu, rigole René.

Je me retourne vers Socrate, dont je pense qu'il sait mieux que nous autres.

  • Connais-tu cet homme, mon ami ?
  • A vrai dire, pas du tout. Il m'a l'air d'un de ces petits prétentieux qui sont nés après ma mort, en fait. Il me semble reconnaître un peu des postures qu'un de mes anciens disciples prenait souvent pour se donner de l'importance... Laisse-moi lui parler, juste une minute, que je me fasse une idée, tu veux bien ? Une seule questioin devrait me suffire pour comprendre.

Bien sûr que je consens ! Alors, le vieil homme se place face à l'inconnu et lui demande, en grec antique :

  • N'aurais-tu pas connu un homme du nom de Platon ?
  • Certes, j'ai connu ce Maître, répond l'autre.
  • Ok ! fait Socrate.

Puis, il ne demande plus rien.
Nous, on attend !

  • Alors ? demandé-je après quelques secondes de silence. C'est qui ?
  • Je sais pas ! répond Socrate. Mais il a connu un de mes élèves, comme je le pensais.
  • Et ?
  • Et rien du tout. Tant que ce con ne vous dira pas son nom, il me sera aussi inconnu qu'à vous-mêmes !
  • Ah... fais-je un peu déboussolé. Et tu peux lui demander son nom ?
  • Non ! Je parle pas aux trous du cul ! rétorque Socrate en croisant ses bras sur son ventre rond.
  • Merde... On va avoir du mal à avancer, là... tenté-je sans avoir l'air d'y toucher. Conardus ? Tu peux nous aider ?
  • No problemo ! René et Raymond : chopez-le et mettez-lui le cul à l'air, s'il vous plaît...
  • Euh... fait René, interloqué. On va pas le miser sur la table, quand même !
  • Mais non, poireau ! Je vais lui fourrer mon traducteur dans le prose. Comme ça, il pourra répondre à toutes vos questions et vous comprendrez ce qu'il vous bonnira ! Allez, au boulot ! conclue-t-il d'un coup de menton vers l'inconnu.

Celui-ci n'a rien compris de ce qui vient d'être proféré sur le ton de la rigolade. Aussi, quand les deux le chopent par les aisselles et le coince vite fait, penché en avant sur la table, sous le nez d'Agathe qui ne rate rien du spectacle, il est trop tard pour qu'il proteste.
Conardus, conscient qu'il doit faire vite pour s'épargner toute gesticulation inutile, agit d'un geste rapide et précis. Pour ma part, face à l'inconnu, je soutiens sans le vouloir son regard qui s'arrondit soudain quand le traducteur prend sa place...

  • Mais que m'avez-vous fait ? demande-t-il en français, deux secondes plus tard.
  • Mazette ! s'exclame René. Ton truc marche du tonnerre !
  • Incroyable ! s'amuse Raymond. Voilà le premier cul humain francophone !

La remarque est tellement saugrenue que nous ne pouvons nous empêcher d'exploser de rire, tous ensemble, et pendant de longues minutes. L'inconnu, quant à lui, se masse les meules et tente maladroitement de trouver la bonne posture. Quelques minutes plus tard, alors que l'ambiance se calme un peu, je profite d'un court instant de silence pour poser ma question :

  • Bonjour, monsieur. Auriez-vous l'obligeance de nous communiquer votre nom ?

Le mec se méfie, faut comprendre... Il nous observe en serrant les fesses, bien calé sur sa chaise !

  • Bon alors ? Tu craches ta pastille, machin ? C'est quoi ton p'tit nom ? explose Agathe, morte d'impatience.
  • Silence, femme ! Je ne t'autorise pas à m'adresser la parole, rétorque l'intéressé d'un ton péremptoire.
  • Ah ouais ? riposte la vieille. Et ma jambe de bois dans ton fion, ça m'autorisera ? menace-t-elle aussi sec.
  • Nous ne somme pas assez intimes pour ce genre de jeu, répond l'inconnu avec mépris.

C'est à ce moment que je m'interpose parce que je sens qu'une grosse algarade risque d'arriver. Et si ça devait réveiller mon épouse, ce serait râpé pour notre petite réunion que je voulais dédiée à la réflexion.

  • La ferme, Agathe ! intimé-je. Et toi, Raymond, écrase !

Mais tout notre petit monde se resserre lentement sur lui, comme pour bien lui faire comprendre que ma question exige une réponse, et vite !

- Je m'appelle Aristote, précepteur d'Alexandre le Grand ! crache-t-il enfin avec suffisance.

Pour moi, c'est comme une bombe atomique qui viendrait d'exploser à l'angle de ma rue. Pour les autres, ça ne fait rien du tout, sauf peut-être à Conardus qui soulève un sourcil curieux.

  • Bon...bah je pense que le débat peut commencer, fais-je, totalement incrédule.

A suivre...
(en serrant les fesses !)

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