Des réseaux sociaux

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Aujourd'hui, j'ai enfin supprimé mon compte Face de Bouc. Le sentiment insidieux d'être espionné en permanence m'était devenu insupportable.
En clair, je deviens parano au-delà du possible.
Effet indésirable de cette pandémie imaginaire ?

La période que nous traversons est vraiment et définitivement très étrange. Au moins, je me sens de plus en plus "hors du monde". L'univers dans lequel je vis ne ressemble plus à rien. L'absurde à pris le dessus sur tout le reste, selon moi.

Je précise "selon moi" parce que j'ai de plus en plus le sentiment d'être un indécrottable réfractaire à la "logique" de notre vie quotidienne. Masque, interdictions de plus en plus stupides, amendes pour quiconque prétendrait se dresser contre les consignes d'un monde politique qui persiste dans la folie destructrice d'une société qui est en train, fatalement, de perdre l'intégralité de ses repères. Ses repères et ses libertés !

Il y a quelques jours, je suis allé à la boulangerie. C'était un samedi. Corvée de croissants. Les semaines précédentes aussi, j'y étais allé. Et pour les mêmes produits.
Pendant toutes ces semaines précédentes, Madame La Boulangère, une matronne aux joues couperosées, planquée derrière son panneau de plexiglas enrobé d'épaisses couches de film transparent, me recevait avec amabilité pendant que nous échangions quelques commentaires anodins, le temps pour elle de préparer ma commande, le temps pour moi de combler le silence qui se serait inévitablement installé...

Mais, pour samedi dernier, une chose avait changé. Masque obligatoire.

La matronnne en était métamorphosée. En guise d'accueil, j'eus immédiatement droit à un regard furibond parce que, bien sûr, je ne portais pas de masque, comme d'habitude. Cette pétasse, elle ne méritait dès lors plus d'autre qualificatif de ma part, me reçu avec force commentaires aigres-doux, me demandant si j'était totalement indifférent aux risques mortels que j'imposais à "ma boulagère".

- Mais qu'est-ce qui a changé depuis la semaine dernière ? lui demandais-je d'un ton froid.

- La loi ! proféra-t-elle sans barguigner.

La conversation, pour brève qu'elle fut puisque je pris vite la décision de quitter sa boutique, devint orageuse. Et mémère d'en rajouter, se permettant de me traiter d'inconscient, presque d'assassin.

Quand elle me vit faire demi-tour, elle dit qu'elle acceptait malgré tout de me servir.

Et ce fut bien sûr l'instant divin que j'attendais pour sévir avec le baton qu'elle venait benoîtement de m'offrir. Alors, très calmement, je me payais sur la bête :

- Madame, je m'en voudrais de vous infecter et d'attenter à vos jours. Vos croissants, vous pouvez vous les mettre au cul. Et pensez quand même à laisser un peu de place pour le jour où on vous demandera d'y ajouter une plume pour vous protéger de la grippe.

Son boulanger de mari entendit mes propos et fit mine de vouloir contourner le comptoir pour exiger réparations. Quand il réalisa qu'il n'aurait pas fait le poids, il se ravisa et retourna en maugréant dans son laboratoire. La mémère, quant à elle, ne sut plus quoi me dire.
Petite victoire facile, je sais. Pourtant, enfiévré d'une rage que j'avais du mal à contenir, je retournais à ma voiture, privé de croissants.

Elle ne fit pas sa vente, perdit un mauvais client. Je perdais une boulangère et des croissants. Nous étions tous les deux les perdants d'une politique qui vise à séparer les gens, à les monter les uns contre les autres. Quelque part, une entité invisible remportait ce match stupide.

Une fois encore, la capacité de soumission des gens les plus crédules me laissa pantois.
Mais le plus curieux, c'est que je me retrouvais dans la position du méchant, du tueur potentiel, du réfrataire, de l'insoumis. Bref, je n'étais peut-être déjà plus très loin de mériter la guillotine...

Bordel, qui d'elle ou de moi avait tort ou raison ?

Les mensonges maintes fois réitérés de nos dirigeants ont définitivement brisé le peu de confiance que je leur accordais encore au début de la démence mondiale qui nous emprisonne depuis des mois. Ce masque, symbole particulier qui matérialise leur mépris et leur cynisme, est aujourd'hui la marque de la propagande d'état. Notez aussi que je ne prends plus la peine de mettre un majuscule à "état". Mépris pour mépris, je fais avec le peu dont je dispose pour renvoyer la politesse. Je sais, c'est ridicule. Cependant, j'aime à me dire que ce n'est pas plus stupide que toutes ces fadaises dont on nous serine à longueur de journée. Je fais ce que je peux pour ne pas sombrer dans la bêtise qu'on semble attendre de moi.

Et Face de Bouc, me demanderez-vous ? Quel rapport ?

Celui-ci :

Tout perturbé par ma mésaventure, je me suis mis à consulter tout et n'importe quoi sur les réseaux sociaux. Tout ça pour réaliser que les liens sociaux qui nous unissent habituellement étaient en train de se dissoudre dans une mélasse immangeable de peur et de contradictions épouvantables. Blessé plus que je ne saurais l'admettre, dans ma dignité, dans mon honorabilité d'homme respecteux des lois, je découvris avec stupéfaction qu'il aurait suffit d'un rien pour faire de moi un malfaisant, un de ceux qu'on montre du doigt avec dégoût.

Tout cela manquait faire chanceler mes convictions, mes repères, mes conclusions personnelles sur une situation mondiale encore jamais vue.

Et Face de Bouc me montrait avec clarté les incroyables dissensions qui fracturent notre société. Je ne connaissais que le "fossé des générations". A présent, je découvrais les haines culturelles, la violence de la guerre des classes, la profonde ignorance de gens qui prennent tout pour argent comptant. Peu importe la vérité des faits : la rumeur l'emporte sur tout le reste. La propagande bat son plein, relayée par des médias vendus, expliquée par des intellectuels suffisants, des savants grassement rémunérés par ceux qui s'apprêtent à encaisser des fortunes colossales, le tout basé sur un mensonge de dimension mondiale.

Mais le doute, ce foutu doute, celui qui sacrifie toutes les chances d'aboutir à la raison, à la vérité nue, hanta quelques jours mes réflexions.

Alors, prolongeant ma folie de ne plus vouloir m'abreuver aux messages télévisuels des mercenaires de la désinformation, il me sembla soudain évident de me tenir aussi éloigné que possible de toutes ces masses insupportables d'informations bidons ou réelles, de vidéos truquées ou non, de procès en sorcellerie de toutes sortes, de propagandes vicieuses, de manipulations grossières.

J'avais besoin de reprendre mon souffle. Celui que ces putains de masques coupent pendant qu'ils se transforment en bouillon de culture.

Pour conclure, je n'aurais plus qu'à dire ceci : si prendre conscience se fait par le regard que les autres portent sur soi, alors je ne veux plus rien savoir de ce qu'on pourrait dire de moi. Peu importe. Une chose reste profondément ancrée en moi : l'instinct de survie.

A suivre...

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