Tim était sur le point de conclure une affaire très importante pour un gros client, depuis plusieurs mois il n'avait que cette journée en tête. Mais alors qu'il marchait dans la ville en direction du palais de justice, tout son travail lui futdérobé sous ses yeux sans qu'il n'ait le temps de dire ou faire quoi que ce soit.

En effet, un homme d'une trentaine d'années, habillé d'une veste noire et d'une paire de lunettes de soleil, venait de se jeter sur lui. L'individu lui arracha violemment des mains sa sacoche contenant son ordinateur professionnel et quelques rapports, le poussa brutalement au sol et prit la fuite. Tim, légèrement sonné et confus, se releva rapidement et poursuivit son agresseur sur quelques mètres mais très vite essoufflé il abandonna.

Il faut dire que Tim n'était pas la description même de l'homme parfait. Haut d'un mètre quatre-vingt-un, c'était un jeune homme assez banal ; quelques kilos en trop laissaient apparaître des petites poignées d'amour le long de ses hanches. Sportif occasionnel, il possédait de larges épaules qui supportaient sa tête aux traits ronds. Doté cependant d'un très joli nez droit, de beaux yeux verts et de soyeux cheveux couleur châtain, il n'en n'était pas moins un bel homme.

Après avoir repris son souffle, il se mit à marcher le long de la route, le regard triste, dévasté, tant de mois de dur labeur, de sacrifices et de nuits blanches pour rien. Tout s'était envolé en un instant, quel pourcentage de chance avait-il pour qu'un quelconque voleur s'attaque à lui ? Était-ce un vol prémédité ? Le destin avait visiblement décidé d'un autre avenir pour lui.

Mais alors qu'il continuait d'avancer tout en traînant les pieds sur le trottoir, un scintillement dans le coin de son œil le gêna. Il tourna la tête vers la gauche et aperçut une feuille de papier volante ainsi que sa sacoche éventrée sur le bord de la chaussée. Il se précipita pour la récupérer et constata que le voleur avait gardé l'ordinateur et simplement laissé les rapports.

Une fois le sac en main, Timothée en panique, sortit son téléphone de sa poche et appela Claire son assistante, lui demandant de gagner du temps en négociant un report de la date de l'audience et lui expliqua ce qu'il s'était passé.

- Ça ne sera pas possible Tim, nous avons déjà reporté deux fois, si nous la reportons encore, quelle image de la société allons-nous donner ?

Nous allons passer pour des amateurs sans dossier solide et nous perdrons toute crédibilité pour les affaires suivantes, tu sais que ce n'est pas du tout ce que ton père souhaite.

Il faut que tu retrouves ton matériel au plus vite, si les informations du client viennent à être divulguées cela risque de nous coûter très cher, tu aurais du les mettre sur une clé sécurisée, je t'avais pourtant dit de ...

Tim légèrement agacé raccrocha sans même finir d'écouter Claire, il ne voulait surtout pas entendre son « je te l'avais pourtant dit » qui montrerait de nouveau l'incompétence du futur successeur de la société. Il était vrai que ces derniers mois n'avaient pas été très faciles pour lui, après s'être fait renvoyer au milieu de dernière année de sa prestigieuse école de droit, Reagan Hargreaves, son père avait décidé de lui donner une seconde chance en l'embauchant en tant qu'avocat au sein de son cabinet.

Le père de Tim était un homme très fier avec une grande allure, il se déplaçait toujours le dos bien droit, le buste vers l'avant, avec détermination. Il ne faisait jamais un pas de travers, il agissait toujours après avoir soigneusement calculé toutes les options qui s'offraient à lui.

M. Hargreaves était aussi un directeur très apprécié de ses employés, il faisait très attention à l'image qu'il renvoyait lors des audiences, des interviews et d'autres rendez-vous publics. Il contrôlait toute sa vie très rigoureusement, enfin presque toute sa vie... Son fils était son seul échec.

En effet depuis le décès de sa mère lorsqu'il avait quatorze ans, le jeune ado était entré dans une phase de rébellions interminable envers son père. Maintenant âgé d'une vingtaine d'années son caractère rebelle s'adouciçait légèrement au fil des ans, mais leurs rapports ne s'amélioraient pas pour autant et leurs échanges restaient souvent tendus.

De plus, Tim ne montrait que très peu d'intérêt pour l'entreprise familiale, tous les soirs après le travail il jonglait entre les boîtes de nuit de la ville, enchaînait les conquêtes amoureuses et les multiples altercations, ce qui avait le don de mettre en colère son père surtout lorsque ses escapades nocturnes engendraient des médisances qui nuisaient fortement aux affaires. Et c'est exactement ce qui s'était passé lors de son dernier anniversaire, Timothée avait cette fois encore beaucoup trop bu, après avoir créé une échauffourée à l'intérieur d'un bar, il en était ressorti complètement ivre, les poings légèrement couverts de sang et le regard rempli de rage. Il était même devenu agressif envers les inconnus qu'il croisait. Ce fut un passant et ami de son père, après l'avoir reconnu, qui avait appelé M. Hargreaves afin qu'il puisse venir récupérer son fils et éviter que cela ne s'ébruite davantage.

Malheureusement la scène ayant été filmé, la vidéo avait fait le tour du web et la réputation du cabinet en avait souffert et en souffrait encore . De moins en moins de client potentiels avaient fait appel aux services d'« Hargreaves Compagny » et Reagan avait été dans l'obligation de licencier certains de ses employés.

Depuis cet incident, Timothée n'était plus le bienvenu sur son lieu de travail et malgré tous les efforts que son père entreprenait pour rétablir la situation, il ne se passait pas une journée sans que chacune de ses actions, ou chacune de ses paroles ne soit scrupuleusement jugée par l'ensemble de ses collègues. Tous attendaient impatiemment le jours où il donnerait sa démission et les quitterait définitivement.

Notre jeune Hargreaves avait certes quelques défauts mais la naïveté n'en faisait pas partie, il se rendait pertinemment compte que le comportement des employés envers lui n'était pas sans raison. Heureusement c'était un homme intelligent et déterminé, c'est pourquoi il faisait tout son possible pour ne plus les décevoir car le métier d'avocat demandait une certaine renommée qui s'acquière dans un premier temps grâce aux proches collaborateurs. Alors il ne pouvait pas se permettre de laisser passer l'affaire la plus importante de la carrière du cabinet à cause d'un simple voleur...

Toujours sur le bord de la chaussée, Tim s'assit pour réfléchir à la manière dont il allait récupérer son dossier. Il regarda droit devant lui et vit d'immenses immeubles de béton entourés d'arbres à peine plus hauts que des réverbères. Un ciel menaçant surplombait la ville, le vent s'était levé et les premières gouttes de pluie annonciatrices d'une longue averse venaient de tomber appelant les passants à sortir leur parapluie...

Lorsqu'il était enfant, lui et sa mère avaient pour habitude de les compter en fonction de leurs couleurs et c'est instinctivement qu'il se mit à les quantifier dans sa tête.

- Un rouge, deux bleus, trois blancs, un troisième bleu etc.

Il continua ainsi tout en regardant le nuage s'éloigner de la ville quand soudain, il vit sur le trottoir d'en face, deux hommes à l'allure suspecte, portant la même veste et la même paire de lunettes de soleil noire que son agresseur, mais ceux-là étaient bien plus grands et plus trapus que lui. Intrigué, il tenta d'intercepter leur conversation et se faufila derrière eux discrètement.

- Il est sûr que personne ne l'a suivi ?

- Oui, le garçon l'a pourchassé mais Grubert l'a très vite semé.

- Bien. Et le garçon ne se doute de rien ?

- Je ne pense pas, il doit être en train de gagner du temps au près du juge, ce qui nous laisse quelques heures pour appliquer la suite du plan.

- Bien. Maintenant allons-nous mettre à l'abri, je déteste être trempé.

Tim n'en croyait pas ses oreilles, il comprit très vite que cet homme ne s'était pas jeté sur lui par hasard, et se demanda pourquoi il était la cible de ces voleurs ? Et pourquoi ils avaient volontairement volé son travail ? Mais il décida de résoudre un problème à la fois et se mit à les suivre dans l'espoir de retrouver son ordinateur...