3.1 Patienter

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Trois mois que la rébellion s'organise pour survivre depuis la capture d'Inès. Ils doivent attendre que tout le monde soit prêt. Leur plan est simple. Patienter pour frapper un grand coup afin de minimiser les pertes. Agir tous ensemble, tous les rebelles de tous les États, en même temps, communément. De cette manière, les Alphas et leurs troupes seront submergées et les rebelles auront une chance de gagner, enfin.

Les garçons s'impatientent. Chen et Peter sont intenables. Quand ils voient les émissaires d'autres groupes pas encore prêts, ils les engueulent copieusement. Ils veulent tous aller aider Inès, reprendre le pouvoir aux cinq despotes en place. Ils ont hâte et s'énervent vite. Irène et Igor ont de plus en plus de mal à les faire tenir en place. Tout comme eux, les leaders rebelles veulent agir, toutefois, ils sont plus raisonnables et patients. Le temps leur a appris que l'impulsivité n'est jamais bonne conseillère.

Il devient de plus en plus dur de se fournir en vivres et de se cacher. Les rafles sont de plus en plus nombreuses. Dans les états sous contrôle d'Alphas partisanes d'Inès, les choses avancent. Les Alphas semblent essayer d'aider les rebelles à leur manière. On dirait qu'elles ont conscience de l'horrible nature des cinq nouvelles Leaders. Les Alphas soumises ont peur pour leur propre vie. Elles savent qu'elles ont une chance de survie avec les rebelles. Alors, comme elle peuvent, elles soutiennent ou aident Igor et ses troupes à l'insu de leurs dirigeantes.

Dans les états des quatre lieutenants, la progression et la préparation stagnent, voire reculent. Trop de surveillance et de répression. Malgré l'aide provenant des autres Etats, ils subissent des pertes immenses. Igor enrage contre eux, même s'ils n'y sont pour rien. C'est là qu'ils doivent frapper le plus fort, dans les Etats des cinq leaders. Les quatre lieutenants et surtout Sophie doivent être faites prisonnières dès le début, pour limiter les pertes et forcer les armées à se rendre.

Tout le monde réfléchit pour trouver une solution. Plusieurs Deltas rebelles jouent un double jeu pour être placées à des postes stratégiques. Elles veulent pouvoir livrer des informations. C'est difficile et long. Les choses avancent très lentement. Tout le monde est sur les nerfs. Ils se sentent inutiles et inefficaces.

Rudolf est parti en mission avec Peter. Ils doivent retourner à l'ancien domicile d'Inès, pour trouver les fameux documents compromettants envers Cassandra. Igor veut savoir ce qu'elle a fait. Le chef rebelle sent les monstruosités. Chen et Peter sont trop à cran, trop haineux des femmes et reconnaissants envers Inès. Ils sont traumatisés à un point qu'Igor n'a jamais vu. Igor veut savoir et faire éclater la vérité au grand jour.

Ni Chen, ni Peter, ni Bruce ne veulent parler. Les soldats des Alphas ont fouillé, mais n'ont rien trouvé. Elles sont reparties les mains vides. Ni la maison, ni le bureau, ni l'ordinateur d'Inès ne contenait d'informations utiles. Les données sur les rebelles, les données sur les femmes et les hommes. Tout avait disparu. Rien n'était exploitable. Même l'ancienne maison de la femme suicidée avait été nettoyée, comme si Inès savait ce qui allait se passer.

Cela n'étonne pas les rebelles. Inès a toujours eu une longueur d'avance. Pourtant, elle s'est fait prendre et est en prison en ce moment. Avant de partir au conseil, Inès semble avoir tout caché, tout effacé. Elle a pris ses précautions, évitant que ce qu'elle savait ne tombe entre de mauvaises mains. Igor ne comprends pas comment elle a pu se faire capturer avec tout ce qu'elle savait. Ou alors, c'est justement qu'elle en savait trop et devenait dangereuse pour les Alphas despotiques qui ont agi avant qu'Inès ne devienne Suprême.

Peter et Rudolf rentrent. La maison a été mise à sac. Tout est par terre, les tiroirs sont ouverts et renversés. Les garçons cherchent une cachette secrète. Ils cognent les murs, cherchent des doubles fonds aux meubles. Le coffre-fort a été ouvert. Il ne contenait qu'un mot : « Allez vous faire foutre les salopes !». Même si les soldats ont fouillé, Rudolf espère trouver quelque chose. Il fouille méthodiquement.

Igor, Irène, Sibylle, Nadia, Bruce et Chen les rejoignent. Rudolf s'énerve. Les garçons ont vécu plusieurs mois avec elle et aucun d'entre eux n'est pas capable de savoir où elle aurait pu cacher ses documents. Chen proteste. Inès est vraiment intelligente. Si elle a caché des informations, personne ne saura où. Elle suivait à la trace les rebelles dieu seul sait comment. Inès a des côtés machiavéliques. Personne ne sait ce qu'elle a dans la tête.

Peter s'énerve lui aussi. Il ordonne à Chen de se taire et de ne pas critiquer Inès. Peter hurle à Chen qu'il ne mérite pas une fille aussi merveilleuse qu'Inès. Les deux garçons se disputent violemment. Ils sont tous les deux amoureux d'Inès. Elle leur a sauvé la vie à tous les deux. Elle est la seule à savoir ce qu'ils ont subi. Elle les a soignés et remis d'aplomb. Ils ne peuvent pas aller la sauver. Ils compriment leur rage. Ils haussent la voix et vont commencer à se battre.

Bruce tente de les séparer en vain et manque de se prendre un poing en pleine face. C'est Nadia qui les remet à leur place. Elle hausse la voix et les sermonne. Dans la même situation, Inès enragerait intérieurement, mais utiliserait sa rage pour trouver des solutions plutôt que de se battre avec ses alliés. Les deux amoureux se calment. Nadia a raison.

Ils reprennent leurs recherches. Chen tombe sur un chemisier d'Inès par terre dans la chambre. C'est lui qui lui a offert. Il se met à pleurer. Elle lui manque. Il a sacrément merdé avec elle. Il voudrait qu'elle soit là en face de lui pour l'engueuler. Il voudrait lui présenter ses excuses. Il met le chemisier à son nez pour respirer son odeur. Quoi que dise Peter, Chen sait qu'il est le seul qu'elle ait aimé. Le seul avec qui elle prenait son bain. Peter arrive. Il sait à quoi pense Chen. Il lui tape sur l'épaule en guise de soutien.

Gaël et Rudolf rentrent à leur tour. Gaël ramasse un soutif et le pose sur son torse. Il tente de plaisanter pour calmer l'atmosphère.

— Putain, elle a l'air d'avoir de sacrés nibards la frangine. T'as dû te rincer l'œil Chen.

Chen sourit. Oui, Inès a une belle poitrine. Chaque fois qu'il la voyait habillée ou en sous-vêtements, il doit admettre qu'elle était agréable à regarder. Elle ne s'est jamais montrée nue devant lui. Inès n'est pas spécialement pudique, toutefois, elle n'est pas exhibitionniste non plus et comme Chen a du mal avec la nudité, elle le respectait et gardait ses sous-vêtements, y compris lors des douches ou des bains à deux. Inès respectait la pudeur de Chen. Elle lui manque tant. Il a tellement merdé.

— OOOOOOOHHHHH et après on dit que c'est moi l'obsédé. Mais t'es pire que moi frangin.

Rudolf ricane et se chamaille avec son frère. Comme d'habitude. On voit qu'ils ont été élevés par leur mère. Ils n'ont pas de gêne à dire ce qu'ils pensent. Même s'ils pensent souvent au sexe. Un peu trop souvent même. Ils se font rembarrer gentiment par les filles. Dans le fond, ce sont de grands gamins pas bien méchants.

Ils se dirigent tous vers la salle de bains. Des flacons cassés, l'étagère à gel douche renversée. Ici aussi, les soldats ont tout fouillé. Chen ramasse une éponge de douche. La jaune. Celle qu'elle avait acheté rien que pour lui. Pour le laver quand il prenait son bain avec elle. Les souvenirs affluent dans sa tête et Chen verse de nouveau quelques larmes silencieuses.

Sa tondeuse est posée à côté du miroir. Que fait-elle là ? Il l'avait oublié en partant. Il ne la rangeait pas à cet endroit. Inès vivait avec Peter, mais il n'avait pas accès à cette salle de bains. Bruce et Peter étaient interdits de séjour ici. Chen demande confirmation aux garçons. Ils lui assurent n'être jamais entrés dans cette pièce et n'avoir jamais touché à sa tondeuse. Elle est trop bien disposée pour que ce soit normal. Les soldats ont tout mis à sac. Quelqu'un est rentré après eux et a posé la tondeuse en évidence. Chen essaye de comprendre. Aucune marque. Aucun indice.

Soudain, Chen s'élance. Après s'être tondu, il jetait les cheveux dans le feu. Il fouille la cheminée. Rien. Le tiroir à cendres. Rien. Il reste une bûche à moitié consumée. Il regarde mieux les cendres. Des prospectus sans intérêt. Chen croyait avoir une piste. Elle râlait tout le temps qu'il se coupait les cheveux trop courts. Revenir ici lui rappelle une tonne de souvenirs. De bons souvenirs. Chen a toujours le chemisier à la main. Il retourne dans la salle de bains, au cas où il aurait manqué quelque chose.

Il refait les gestes de fois, il se tondait. Non rien. Et lorsque c'était elle qui lui coupait les cheveux ? Il pose le tabouret là où elle avait l'habitude et regarde le sol. Rien. Chen regarde en l'air comme quand elle plaçait sa tête contre sa poitrine. Il entendait son cœur battre. Il a l'impression de sentir son parfum. Le bisou qu'elle ne manquait pas de lui voler sur le front. Le plafonnier. Quelque chose cloche dans le plafonnier. Un des spots semble cassé. Il l'avait réparé juste avant de partir. Il ne devrait pas être cassé de nouveau. Chen se met debout sur le tabouret. Il démonte le spot. Une clé tombe du plafond.

Chen ramasse l'objet. C'est une clé de casier de piscine sans numéro. Il sait de quelle piscine il s'agit et de quel numéro il s'agit. Pas besoin de chercher. Elle lui a fait tester toutes les piscines de l'État en attendant que celle de la maison soit remise en fonction et même après. Il y en a une seule où ils ont pris leur douche ensemble, complices. Le jour où il a su nager sous l'eau sans paniquer. C'est là. C'est forcément là. Chen en est sûr.

Ils ressortent tous. Chen fonce à la piscine, seul. Elle est fermée, mais peu importe. Il escalade la grille et trafique le boîtier d'entrée. Il rentre dans la bâtisse en prenant garde au système d'alarme. Il se dirige devant le casier 97. L'année de naissance d'Inès. Elle prenait toujours les casiers 97, de partout. Soi-disant, parce qu'elle avait une mémoire de poisson rouge. Bingo. Le casier est fermé. Chen l'ouvre avec la clé. Dedans, un sac à dos avec de nombreux papiers. Un paquet de crackers comme il mangeait toujours en sortant de la piscine. Il ramasse tout, puis rentre à la planque.

Ce sont des informations sur les rebelles. Le dossier de Cassandra, complété par Inès. Les données de la jeune fille sont incroyablement précises et détaillées. Le sac à dos comporte aussi un dossier sur Chen, Bruce et Peter, du moins des photocopies de dossier. Les rapports de l'orphelinat sur eux, leurs examens et les résultats. Les fiches d'affectation, puis des photos. Des tonnes d'images de Chen en train de parler à Rudolf ou de partir avec des documents et les remettre à un autre rebelle. D'autres illustrations de Bruce faisant pareil ou de Peter qui se promène avec Igor et Gaël, avec les dates. Inès les faisait suivre. Inès savait qu'ils faisaient partie des rebelles. Inès savait qu'ils l'espionnaient. Elle s'en fichait.

Les informations qui étaient en possession d'Inès sont nombreuses, rigoureusement exactes. Elle avait de quoi faire tomber la rébellion. Le nom de tous les groupes. Les lieux de toutes leurs caches. Les photos de tous les membres. Le nom de toutes les femmes qui les aidaient. Son dossier contient aussi des photos de l'annuaire d'Igor et du calepin du chef Stefan de l'Est, avec la clé de décryptage. Inès avait des espionnes partout. Des femmes qui lui étaient dévouées, inconnues et placées à des postes stratégiques dans la rébellion. Peut-être même des hommes. Si elle était devenue Suprême, elle aurait pu les anéantir tous.

Le dossier contient aussi des bribes d'arbres généalogiques. Inès essayait de retrouver les mères et les pères des enfants de son État. Elle essayait de retrouver son père. Une fiche de chaque reproducteur de Cassandra, cinq fiches plus détaillées dont une sur Igor. Les cinq reproducteurs de Cassandra au moment où Inès était née. Elle cherchait à les retrouver.

Peter sait pourquoi et en informe Igor. Inès voulait savoir si elle était issue d'un viol. C'était son angoisse après avoir vu les images des tortures. A chaque reproducteur, une analyse ADN récente a été faite. La généalogie et l'histoire de chaque reproducteur, père potentiel, est retracé dans le moindre détail. Sur la fiche d'Igor, il y a même une analyse de ses deux fils. Inès a confirmé sa paternité et son lien avec Rudolf et Gaël un mois avant le conseil des Alphas. Elle savait qui était son père et ses demi-frères.

Les rebelles se demandent bien comment elle a pu avoir de quoi faire ses analyses. D'après les informations, le matériel génétique fourni était en quantité. Cela veut donc dire qu'Inès les as approché de près. De très très près. Assez pour leur prélever de quoi obtenir de l'ADN. Pourtant, ni igor ni ses fils ne se rappelent avoir être en contact avec elle. c'est très étrange.

Un dernier dossier. « Pour Chen ». Il l'ouvre avec angoisse. Une impression du mail qu'il lui a envoyé. Agrafé dessus, une photo de lui avec une jeune rebelle qui lui tient la main, comme s'ils étaient en couple. Il s'en rappelle. La fille s'est fait passer pour sa propriétaire afin de tromper les policières. Elle s'est montrée tactile. Il était au supplice, mais devait accepter sa démonstration d'affection. Derrière, un mot est écrit. C'est l'écriture d'Inès.

— Apparemment, tu ne détestes plus les femmes. Tu t'es bien foutu de ma gueule.

Inès s'est méprise. Elle a cru que Chen était en couple. C'est pour ça qu'elle l'a envoyé sur les roses dans son mail de réponse. Elle est en colère contre lui. Chen prend sa tête entre les mains. Inès est quelque part dans une prison, seule et sûrement maltraitée. Elle est furieuse contre lui. Il se sent le pire homme sur terre.

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