4.2 Être ou ne pas être une traitresse

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Les gardiennes de prisons me portent jusqu'à mon interrogatoire quotidien. Tandis qu'elles m'attachent, j'aperçois une silhouette féminine de dos qui n'est pas celle de la directrice. J'ai espoir que ce soit ma grand-mère pour mettre un visage sur cette salope. En tout cas, les femmes présentes n'en mènent pas large y compris la soeur espionne qui observe mes tortures depuis le départ. La personne est trop calme, trop méticuleuse dans l'observation des instruments. Elle cherche clairement à faire durer le suspense, comme si elle savait que je l'observais attentivement. Avec un effet théâtral, elle se retourne enfin, arborant un sourire satisfait et un petit couteau aiguisée.

PUTAIN! BEA PRAISS! Je suis dans la merde. On joue dans une autre catégorie que la mauviette qui servait de bras droit à Déborah. Elles est une des cinq soeurs capables de résister aux tortures sans faillir. Moi, Keira, Nadia, Béa et mon instructrice de combat. Les seules qui ont la capacité de trouver des sévices assez ignobles et inédits.

Je cogite à toute vitesse. Béa a toujours été de mon coté. Elle défend clairement les opprimés et la vie. Elle est trop jeune pour être ma grand- mère et même ma mère. Elle n'a pas le profil d'une délatrice. Qu'est ce qu'elle fout là? Son sourire satisfait ne me dit rien qui vaille. Nous nous jaugeons du regard en silence. Notre discussion oculaire me montre clairement qu'elle as envie de m'en faire baver. Son absence de colère m'indique que je ne vais pas mourir. Alors pourquoi?

Béa s'avance tranquillement. Elle refuse toutes les injections de poison en ricanant. Elle n'a pas besoin de cela et c'est exactement ça qui m'inquiète. Elle vérifie elle-même mes entraves comme si elle ne faisait confiance à personne. Je lui donne raison. Son sourire m'énerve. J'ai envie de la cogner et elle le sait. Béa en profite et fait monter ma rage. Je dois me calmer pour ne pas sortir de mes gonds. Cette pétasse est capable de deviner mes pensées secrètes sans que je ne dise un mot.

Je ferme les yeux et me concentre sur ma respiration. J'entre en méditation pour séparer ma conscience de mon corps physique qui av bientôt morfler grave. C'est comme ça qu'on résiste. Béa me laisse le temps de me préparer. Cela prouve qu'elle veut que puisse tenir. C'est elle qui m'a appris à faire cela quand j'étais enfant. C'est un secret entre elle, moi et Keira. Un secret pour résister aux incessantes tortures de notre professeur de combat.

Je plane au dessus de mon corps. Sans même ouvrir les yeux, j'entends la caméra qui s'allume et je sens la lame du couteau s'enfoncer lentement dans mon avant bras. Jusque là je gère. Qui dit caméra dit mamie qui regarde. C'est bien ce qui me semblait. Mamie n'a pas cru mon pseudo déballage et as envoyé quelqu'un de plus efficace que la mauviette.

Je rouvre les yeux. Béa me regarde d'un air très concentré. Je comprends aussitôt que c'est bien mamie qui l'envoie mais qu'elle n'approuve pas ce qu'on lui demande de faire. La lame du couteau doit être recouverte d'une substance chimique. Je vois mes chairs émettre des bulles et me brûler. Quand le bout de la lame atteint enfin le bois de la table, Béa passe à l'autre bras.

Ensuite, elle m'attache la tête et retourne la table de façon à ce que mon crâne touche presque le sol. Je sais ce qu'elle va faire. Je la connais cette torture. Je vais rester des heures comme ça, jusqu'à ce que mon crâne soit à la limite de l'explosion. Ca je gère. Je tiens deux jours sans m'évanouir. Cette garce place une poche d'eau qui tombe goutte à goutte sur mon visage. Pouffiasse! Mon nez va me chatouiller maintenant!

J'ai de plus en plus envie de la cogner quand elle ordonne aux soldates de me laisser ainsi pendant quarante huit heures puis s'apprête à sortir en me faisant un bisou sur le front et en me montrant la caméra du bout du doigt pour me faire comprendre que je suis observée. Cependant, le murmure de ses lèvres, que je suis seule à entendre me renseigne sur le fait que Béa ne peut pas faire autrement.

— Tiens le choc Pitbull. Je sais que tu peux y arriver.

C'est donc bien cela. Mamie utilise le réseau des espionnes pour contraindre Béa. Je referme les yeux et me concentre de nouveau pour entrer en méditation. Dans quarante huit heures, les choses sérieuses vont commencer. Pour l'instant, je dois me remémorer toutes les techniques de survie et de dérivation que je connais. Je plonge dans mes souvenirs d'enfance, ceux que je préférerais oublier.

*****

Je dois avoir sept ans, peut-être huit tout au plus. J'ai osé me placer entre une camarade et le fouet d'un professeur. La prof d'arts. j'ai toujours eu un souci avec l'art. je n'y comprends rien. Mais la prof est une brute et ma camarade ne méritait pas des coups de fouet pour avoir simplement fait une fausse note. Alors je me suis mis au milieu et mon bras a reçu le coup de fouet.

Ma camarade s'est enfuie tandis que je bravais l'autorité aux yeux fous. Elle a relancé un coup sans que je ne sourcille. Je ne bougerais pas. Je suis indifférence aux lacérations du cuir sur mon avant bras. La prof enrage et redouble de violence. Je ne bougerais pas. Je ne bougerais pas. L'étincelle d'obstination dans mes pupilles la fait frémir. Même pas dix ans et déjà une dur à cuire.

Nadia s'est enfuie et est allée chercher notre professeur de combat. Ma soeur a peur pour moi et tous les professeurs ont peur de l'enseignante en techniques mortelles. Pendant que je reste droite et inflexible face au fouet, la combattante tente de comprendre ce qui s'est passé. Toutes mes soeurs prennent ma défense. La prof d'art est une brute et ce n'est pas la première fois qu'elle abuse de la force contre des fillettes.

J'entends le soupir de ma prof de combat, ce qui fait cesser immédiatement la punition. Tremblante, l'adulte despotique tente de s'expliquer et de se défendre. Le regard assassin de sa consoeur lui fait perdre la parole. La froide enseignante compte le nombre de morsures sur mon avant bras. Puis, prend le fouet et rend exactement le même nombre à l'institutrice terrorisée.

Ensuite, elle m'attrape par le bras et me tire au loin. Elle est si rapide que je n'arrive pas à suivre et me voilà comme un vulgaire gigot aux pattes trainants sur le sol. Rien ne sert d'essayer de retrouver l'équilibre. Sa vitesse est trop importante et gigoter ne l'énerverait que davantage. Il vaut mieux me laisser faire et attendre d'être arrivée à destination, c'est à dire au pilori.

Une fois sur place, elle me lâche, ce qui me fait choir à terre comme une merde. Je me relève aussitôt. Du menton, elle désigne le poteau de bois pour que je me place devant. J'obéis sans broncher. C'est préférable avec ma prof de combat. La punition sera moindre. J'ai défié l'autorité mais je l'ai fait pour la bonne cause et pour une soeur plus fragile. Si elle est de bonne humeur, je devrais m'en sortir sans trop de dégâts.

J'étends les bras à hauteur de mes épaules et j'attends. Elle revient avec une caisse de poignards et une expression particulièrement sadique sur le visage. Merde, je vais morfler. Le premier effleure mon biceps gauche et lui fait une toute petite entaille. D'accord. Je viens de comprendre. Je ne dois pas bouger. Je dois me soumettre. Je n'aurais que des entailles légères si je reste immobile. Je tente de contrôler ma respiration. Mes soeurs arrivent et voient ma punition.

Un à un, les poignards me frôlent et me coupent à peine. Les contours de ma silhouette se dessinent à travers les lames. Du sang coule sur mes vêtements. Je ne dois pas bouger. Pour rester concentrer, je compte les secondes entre les lancers. Une parfaite régularité. Un lancer par minute. J'en suis à vingt sept couteaux. Plus que trois. Je suis calme même si les muscles de mes jambes et de mes bras commencent à trembler à cause de l'immobilité. je dois tenir.

Ma détermination semble amuser le professeur de combat. Les derniers objets aiguisés se plantent dans le bois rigide. Elle me fait enfin signe de m'avancer. Les pas sont difficiles et mes bras qui retombent enfin me font souffrir encore plus durement que les coups de fouets. Je me dirige vers elle et m'arrête à quelques centimètres, levant les yeux pour savoir la suite.

— Bonne petite teigne! Tu iras loin. Va nager une heure dans la rivière pour te défouler. Ensuite, tu pourras aller manger et dormir.

Je m'en tire bien au final. J'adore nager même si l'eau est gelée en cette toute fin d'hiver. Le froid anesthésiera les douleurs. Je me déshabille et allume le compte à rebours de mon bracelet de contrôle. Je rentre dans les tumultes glacés. Ma peau bleuit. Je dois bouger. Alors je me jette d'un coup la tête la première et je commence à nager en crawl.

***

C'est étrange que ce souvenir me revienne en tête. Il est presque plaisant. Pourtant il a marqué le début de mon entrainement renforcé avec la prof de combat. Très peu d'élues pour en chier un max. Béa a été la première, ensuite Keira puis moi. Les autres n'auraient pas pu résister. Nous sommes une élite. Les trois meilleures de tous les centres. Des machines de guerre prêtes à tuer sans sentiments. Les trois princesses de sang. Celles qui avant leur dix ans, ont tué un autre être humain de sang froid pour protéger la vie.

Je me rappelle encore mon premier meurtre. C'était quelques mois après avoir été une cible de jeu pour notre professeur de combat. J'étais en mission dans un orphelinat de Zêtas destinées à être servantes. Celles qui n'avaient pas de prédisposition au sport et qui donc n'intégraient ni les centres d'espionnes ni les centres d'endoctrinées. Des fillettes s'étaient suicidées et cela intriguait l'Alpha de l'Etat 12. Alors, j'ai été envoyé pour me faire passer pour l'une d'elles. Mon visage aux yeux légèrement fendus me permettant d'être crédible.

Très vite, les fillettes innocentes m'ont parlé et confié le souci. Une Zêta chargée de les éduquer se comportait mal avec elle. Les suicidées avaient subies des actes contre nature d'après les dires des enfants. J'ai donc fait remonté l'information et on m'a donné ordre de vérifier et de neutraliser la menace si les accusations étaient fondées. En gros, il fallait que je fasse en sorte d'être la prochaine chérie de la Zêta pour confirmer la véracité.

Ce fut assez facile. Paraitre effarouchée et en manque de nourriture et de protection pour attirer l'attention. Une semaine après, elle m'avait dans son viseur. Deux semaines plus tard, elle tenta la main dans la culotte. Aussitôt, le soldat refit surface et l'assomma avec la chaise. Puis, je téléphonais à mes reines, mes professeurs, mes mères. Je pensais en avoir fini et pouvoir rentrer chez moi.

Mais ma professeur de combat me tendit un couteau. Sous les yeux attentifs ou effrayés, je tranchais la gorge de la pédophile sans une once de compassion. En regardant droit dans les yeux mon professeur admirative. Cela m'offrit une double ration de nourriture et une grasse matinée le lendemain matin. Je venais de passer le test haut la main. J'allais fêter mes neuf ans dans six mois. J'étais la plus jeune de toutes les princesses de sang.

Ma méditation me fait dériver. Keira m'a raconté son premier meurtres la veille de ses dix ans. C'était contre une femme stérile qui avait tué sa propre soeur et le compagnon de celle ci pour voler leur bébé. Je n'ai jamais su ce que Béa avait fait. Elle ne me parlait pas les rares fois où on se croisait. D'ailleurs, la seule fois où l'adolescente Béa me parla enfant, c'était pour m'apprendre à méditer. On ne s'est jamais reparlé avant que je ne sois Alpha.

J'ouvre un peu les yeux. La lumière de la caméra est toujours active. Mamie m'observe attentivement. Alors, pour m'occuper et pour la faire chier, je chante des comptines pour enfants ou des musiques stupides. Je sais que je chante faux et que j'écorche les phrases. Je m'en fiche. ca m'aide à faire passer le temps. Au mieux, je ferais croire à Mamie que je suis devenue folle. Au pire, je lui casserais juste les oreilles. Dans les deux cas, c'est amusant.

Punaise. J'en ai marre des gouttes d'eau. J'ai envie d'éternuer. En plus, la pièce est aveugle et je ne peux pas savoir quelle heure il est. Désorientation temporelle. Classique et souvent efficace. Je n'ai pas besoin d'horloge. Le sac d'eau fait environ un demi litre. Une goutte toutes les minutes environ. Il faut vingt gouttes pour faire un ml. Donc avec un rapide calcul, on vient me changer la poche toutes les deux heures trois quarts. Fastoche. Bande d'amatrices!

Je m'amuse à raconter n'importe quoi pour passer le temps. Mamie me regarde alors je vais lui parler. Me voilà déballant mon enfance et toutes les vilaines choses que j'ai faites ou que j'ai subies. Tous les enseignements pour devenir délatrice. Je me tais quand il y a changement de poche. Au bout de la cinquième poche, je fais semblant de mélanger les choses ou de bafouiller. Mais mon esprit est clair. Il est hors de mon corps dont la tête doit ressembler à une tomate.

Mamie veut me regarder et ben elle va avoir droit à un vrai show. Quand vient la fin de la dernière poche et que Béa revient, je chante à tue tête et beugle comme une folle. On me remet doucement dans le bon sens et Béa m'assaille de questions. Je réponds n'importe quoi et surtout des âneries. Le pincement de lèvres discret me montre que ma tortionnaire s'amuse autant que moi.

Faut dire que j'y vais fort en affirmant que ma prof de combat était surement lesbienne ou bien que Cassandra était un génie et a inventé des choses si merveilleuses. Je loue les talents de tortionnaire de ma génitrice et hurle que je veux lui ressembler. Béa Praiss a de plus en plus de mal à ne pas rire de mes pitreries. Je ne pense pas qu'elle soit une délatrice. Quelques unes de mes bêtises auraient du la faire réagir autrement. Là, quand j'évoque les saletés à demi mot, elle est curieuse et cherche à en savoir plus. Mais Mamie l'appelle pour la faire changer de sujet.

Elle est curieuse et surprise. Donc elle se doute de quelque chose mais ne sait rien. Si elle savait, Mamie ne la forcerait pas à modifier ses questions. Voilà que mes chansons agacent la vieille et Béa tente de me noyer avec un entonnoir et quelques litres d'eau salée. Gagné. Je dégobile sur sa belle robe. Bien fait! T'as qu'à te rebeller contre la vieille. Mon sourire lui fait bien comprendre que j'ai visé exprès le point le plus critique.

Mamie finit par me croire totalement folle et met fin à la torture. Béa éteint alors la caméra. Elle me donne des cachets de vitamines en me disant de continuer à jouer la folie et que Staff est dans les parages. Puis, elle appelle les gardiennes pour me ramener en cellule et rentre chez elle. Je ne la revoie plus et la directrice reprend les tortures quotidiennes.

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