COULEUVRES

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Plus tard, les insultes pleuvaient, les critiques la rabaissaient, les humiliations la marquaient au fer, et elle découvrit que certains allaient jusqu’à souhaiter sa mort, prêts à la pousser au suicide. La mauvaise réputation prévue par sa grand-mère, sa mère et les autres de par les mauvaises actions qu'ils avaient provoqués avait parfaitement fonctionné. Ce qu’elle ne comprenait pas, c’était la cruauté de cette dernière, l’ignorance et le mépris de sa famille, et surtout la violence de sa fratrie : en retour de ses cartes postales et de ses lettres bienveillantes envoyées pour chaque anniversaire, elle ne recevait que souffrance et larmes. Ce ne fut qu’avec le temps qu’elle comprit : la gentillesse et la joie de vivre sont précisément ce qui dérange le plus les êtres mauvais, tordus, toxiques — comme l’était sa famille.

Et pourtant, malgré tout, elle tenta de maintenir un lien, notamment avec certaines cousines. Mais celles-ci n’étaient présentes que pour retourner ses paroles contre elle, les déformer, les partager, afin d’alimenter ce jeu pervers de harcèlement et de destruction collective. Un véritable réseau. Les appareils électroniques eux-mêmes semblaient complices : GPS à l’appui, ils servaient parfois à la localiser, pour la surprendre d’insultes au détour d’une rue, d’un carrefour, ou à l’ombre d’une ruelle. Tout paraissait calculé pour la “tuer à petit feu”, pour l’enfoncer dans une dépression dont peu auraient pu se relever.

De cela, elle était certaine. Ils étaient là pour juger sa vie et son comportement dans les moindres détails, mais à sa place, elle savait qu’aucun d’eux n’aurait survécu. Ils se seraient sans doute détruits bien plus tôt, peut-être même durant l’enfance, comme ces jumelles qu’elle n’avait jamais oubliées : insultées par sa génitrice qui leur criait dessus devant les parents, abusées et battues par ces derniers, alors détruites sous les coups. Ce souvenir la hantait encore. Et aujourd’hui, elle reconnaissait la même mécanique infernale à l’œuvre contre elle. Elle savait que ce n’était pas une coïncidence.

Plus tard, bien plus tard, ce fut sa sœur cadette qui lui annonça leur suicide. Mais pourquoi lui révéler une telle information ? Était-ce la vérité… ou un mensonge de plus, destiné à être utilisé contre elle ? Son intuition, pourtant, lui soufflait autre chose : l’une des jumelles était peut-être cette jeune femme qu’elle avait vue, offerte en proie à son ex-compagnon toxico et à toute sa bande. Elle se souvenait de cette scène : humiliée, insultée jusque dans la rue, en mauvais état, rabaissée devant elle, alors que cette victime s’était présentée chez lui. Cet homme l’avait traitée de “chienne”, lui avait parlé avec une brutalité sordide, sous le poids du silence approbateur de tout l’entourage présent.

La ressemblance la frappa : la même couleur, la même finesse des cheveux que ces jumelles gravées dans sa mémoire. Tout semblait indiquer que sa sœur cherchait à brouiller les pistes, à lui faire avaler des mensonges comme des vérités sacrées, en jouant sur sa naïveté et la confiance aveugle qu’Agathe, encore prisonnière de l’emprise familiale, accordait à cette famille destructrice et perverse.

Etait-ce en partie pour cela qu'elle devait disparaître aujourd'hui ?

Le constat fut sans appel. Un jour, invitée chez sa génitrice alors qu’elle n’aspirait qu’à oublier le passé et recommencer à zéro, elle croisa son regard glacé. C’est à ce moment-là qu’elle l’entendit lui lancer, d’une voix froide : “Tu ne peux rien contre moi.”

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