Droit au chapitre

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Agathe avait prié, encore et encore, quatre, cinq fois par jour, en murmurant ses suppliques à qui voudrait bien les entendre, le ciel, les anges, l’univers, peu importe tant qu’une force là-haut ou quelque part l’aide à sortir de son mal-être. Ce n’étaient pas des prières bien sages, mais des appels bruts, presque sauvages, jetés comme des bouteilles à la mer. Et puis un jour, quelque chose changea.

Ce ne fut pas un miracle ni une révélation foudroyante, plutôt une sensation discrète, comme une brise plus tiède au cœur de l’hiver. Elle sentit ce mieux dans sa façon de respirer, dans la légèreté d’un instant, dans la pensée qui revenait à elle avec un peu moins de douleur, et elle comprit qu’un virage venait d’être pris.

Elle avait traversé la colère, la vraie, celle qui crie dans la nuit et se mure en silence le matin, elle avait connu ses visages, ses reflets, ses retours, et quand elle accepta enfin de lui faire face, elle découvrit que derrière elle se cachait une douleur immense. La douleur d’avoir été blessée, trompée, trahie, mise de côté par ceux à qui elle avait tendu les mains. Elle les avait crus, elle les avait aimés, et voici ce qu’il en restait.

Alors elle se releva, les manches retroussées, le regard clair, avec cette énergie nouvelle, comme un courant souterrain qui remonte lentement mais sûrement. Elle savait qu’elle avait des manques et des besoins, elle avait le choix de les fuir ou de les assouvir, par la force parfois, mais aussi par ce lâcher-prise qu’elle apprenait à apprivoiser, ce relâchement intérieur qui demande plus de courage qu’on ne le croit.

Sa colère devint autre chose, une braise maîtrisée, une rage tranquille, détachée, presque noble, qui ne cherchait plus à détruire mais à se protéger. Elle n’était plus sous l’emprise des mots assassins, des regards rabaissants, des silences lourds qui l’avaient muselée si longtemps. Celle qu’on avait écartée, bafouée, qu’on avait traitée comme si sa voix comptait pour rien, se redressait lentement mais pleinement.

Un jour, en regardant une vidéo d’une coach qui répétait inlassablement “Pourquoi tu ne t’autorises pas à dire ce que tu ressens”, elle ressentit une sorte de percée en elle. Elle comprit que sa paix passerait par la parole, par le fait d’oser se dire, elle qui avait tant appris à se taire. La liberté, pour elle, passait par là. Ce n’était plus une option.

Elle comprit que personne ne prendrait le pouvoir à sa place, que c’était à elle, à elle seule, de décider de la suite. Et elle s’en fit la promesse, ne pas lâcher, tenir, coûte que coûte, peu importe le temps que cela prendrait, peu importe les chutes. Mais pour avancer, il fallait d’abord s’arrêter.

Elle dormit, un matin entier presque, et quand elle ouvrit les yeux il n’y avait plus de doute. Quelque chose en elle s’était posé. Plus de panique. Juste la certitude que tout commence maintenant.

Elle n’allait plus se laisser faire : elle allait dire ce qu’elle ressentait, faire respecter ce qui vibrait en elle, comme un enfant à qui on redonne le droit de parler, enfin. Elle avait compris que personne ne viendrait la sauver, et ça ne l’effrayait plus. Elle le savait désormais ; de tout son être, il ne tenait qu’à elle de s’en sortir.

Parce qu’il ne s’agissait plus seulement de changement, mais de survie. Et dans ce monde qui déraille, où la tendresse se fait rare et le silence pesant, elle ferait de son chemin un soulèvement. Doux mais ferme. Profond mais vivant.

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