chapitre 46

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Il était plus de minuit quand elle se glissa dans le jardin en serrant contre elle un paquet. Arrivée sur le seuil, elle chuchota :

— Soazick, tu es là ?

Quelque chose bougea dans l’ombre, la petite apparut, ensommeillée mais souriante et se jeta à son cou. Elles s’assirent sur la paille.

— Ça va bien mieux maintenant, dit-elle aussitôt. Je sais où acheter à manger et il fait moins froid. Et j’apprends plein de choses. Tu sais ce que c’est des chevaux Isabelle ?

— Gabriel m’a appris quelque chose, dit Lisette sans répondre à sa question. Maintenant je sais que ta grand-mère habite en Bretagne. Derrière l’église d’un village qui s’appelle Plusquellec et sa maison a des volets bleus.

Soazick avait écouté attentivement.

— Tu crois que je la trouverais là-bas ?

— Peut-être. Et sinon qu’est-ce que tu vas faire ?

— C’est vrai. Je ne sais pas où aller. J’ai encore beaucoup d’or mais ce n’est pas facile de vivre comme ça… et surtout je suis toute seule, ajouta-t-elle tout bas.

Puis elle se ressaisit

— Tu as raison. Je vais essayer de partir là-bas. Je commence à me débrouiller mieux maintenant.

— Tiens, voilà ma robe de serge, dit Lisette en lui tendant le paquet. Je ne la mettrai plus. Tu seras mieux habillée comme ça.

— Merci Lisette, sans toi … commença Soazick.

Mais sa gorge se noua et elle ne finit pas sa phrase. Au bout de quelques secondes, elle reprit :

— Là-bas, près de la grande porte, il y a un très grand cheval jaune. Tu viens le voir ?

— Non, il faut que je m’en aille. Referme bien la porte à clé et sors par la fenêtre demain. Il ne faut pas qu’on sache que tu es venue. Je ne viendrai plus ici. Ce serait trop grave pour moi si on me voyait. Mais si tu as besoin d’aide, va voir Gabriel à Saint-Dauger au domaine Joncour. Et même... ce serait bien que tu puisses dormir ailleurs, ajouta-t-elle après une brève hésitation.

— Je vais partir demain et je ne t’embêterai plus.

— Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, balbutia Lisette en la prenant dans ses bras et en retenant ses larmes. À bientôt petite Soazick, je vais prier pour toi.

— À bientôt, petite Lizick, dit Soazick à son tour en la serrant très fort contre elle pendant quelques secondes. Peut-être que quand on sera grandes on se reverra.

— Peut-être... dit Lisette en s'écartant doucement.

Elle sortit, referma le vantail sans un bruit et regagna sa chambre, le coeur serré.

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