Épilogue

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 La taverne du « Chat Paresseux » était aussi sale qu’elle était bruyante. Il était tard et les différentes personnes aux tables gueulaient en profitant du spectacle qu’offrait une danseuse sur l’estrade. Les pintes s’enchainaient, les serveuses passaient entre les clients pour les resservir à peine la chope vide, esquivant au passage les mains baladeuses de certains d’entre eux. Ceux qui s’estimaient chanceux de réussir déchantaient rapidement lorsque la tavernière Rose venait leur apprendre ce qu’était l’éducation. Un bon tirage d’oreille dont ils se souviendraient un moment. Enfin peut-être pas si longtemps se dit le sergent Griniga en voyant à la vitesse où les boissons disparaissaient. Il se tourna de nouveau vers le comptoir et observa sa pinte à moitié vide – ou moitié pleine comme lui aurait dit son capitaine, qu’il aille se faire foutre lui et son putain d’optimisme ! Il la vida d’une traite et leva la main en direction d’une des serveuses pour en avoir une autre.

— Tu enchaînes ce soir mon grand, lui dit une voix féminine derrière lui.

 Rose revint derrière son comptoir après avoir donné une énième correction. C’était une petite blonde rondelette qui avait dépassé la quarantaine depuis quelques années maintenant. Pourtant elle ne semblait pas si loin de la jeunesse. C’était probablement dû à ses yeux bleu clair qui avaient fait rêver plus d’un homme dans sa jeunesse. Si on aimait les formes – ce qui n’était pas vraiment le cas de Griniga – la tavernière possédait un véritable charme. Bon, il fallait aussi aimer les femmes qui avaient de la poigne. Plus d’un gars en avait été témoin après qu’il ait tenté de trop embêter une des filles de de la tavernière. En général ils en ressortaient avec une douleur que seul un gars pouvait ressentir. Rose n’était pas tendre avec les idiots qui pensent qu’ils peuvent tout se permettre avec les serveuses. Cependant, elle était du genre franc jeu et elle avait l’œil pour repérer les bons gars. Griniga la voyait comme une bonne amie à force de venir picoler chez elle.

— Journée de merde, répondit finalement le sergent. Et elle n’est même pas terminée bordel.

 Rose entreprit d’essuyer quelques chopes tout en gardant un œil vigilant sur la salle. Elle fit une moue agacée.

— Les démons encore ?

— Des dizaines dans les villages au nord, dit-il en crachant par terre de mépris. On ne sait plus où donner de la tête à force.

 Voyant le regard appuyé et les sourcils froncé de son interlocutrice, il regretta instantanément son geste. Mais elle ne dit rien et fit comme si elle n’avait rien vu. Généreuse ce soir.

— Et du coup ? demanda Rose. Quel est le programme de l’armée ?

— Le capitaine fait un rapport régulier sur la situation aux autorités de la capitale, mais la situation n’est pas assez grave à leur goût pour qu’ils veuillent intervenir. Du coup ils nous laissent crever dans notre merde.

 La tavernière blonde esquissa un sourire.

— T’inquiète pas, comme on dit les meilleurs crèvent les premiers. T’as le temps du coup.

 Griniga laissa échapper un rire étouffé à cette idée. Elle n’avait pas complètement tort.

— Enfin bref, continua-t-il. On en a combattu de ces monstres, mais ils sont sacrément forts ces enfoirés. Une escouade de dix soldats serait même pas sûre de gagner. Et comme leur nombre augmente dans le coin, ça veut surement dire qu’il y a un truc plus gros qui traîne. C’est de pire en pire ! Franchement il fait pas bon être soldat en ce moment, j'te le dis ma chère Rose.

— Excusez-moi, dit une voix grave dans le dos du sergent, vous avez parlé de démon et je n’ai pas pu m’empêcher d’écouter. Quel genre de démon ?

 Griniga se retourna et vit le grand gaillard encapuchonné qui lui posait cette question. Il ne percevait pas grand-chose à travers la capuche à part des yeux verts aussi brillant que des pierres précieuses. Se reculant un peu, il se dit qu’il n’était pas seulement grand, mais c’était un véritable géant dépassant les deux mètres. Le sergent était du genre méfiant, mais ce type d’informations était de notoriété publique dans le coin.

— Y’en a autant de différents qu’il y a de type d’humain mon gars, dit-il en gardant un œil méfiant sur le géant sans pour autant croiser son regard. En général ils ont la peau sombre et des veines aussi vertes que la plus fraiche des herbes. Ils sont forts comme des bœufs et aussi rapides que des chevaux au galop donc tu devrais faire gaffe, parole de soldat.

 Un sourire en coin étira l’homme encapuchonné.

— Merci beaucoup pour cette information, dit-il. Je saurais en faire bon usage.

 Il se tourna et sortit de la taverne. Griniga se tourna de nouveau vers le comptoir, un peu confus par la tournure de cet échange. Il fut cependant ravi de voir qu’une nouvelle chope remplie l’attendait. Il dégusta une gorgée et lança :

— Bizarre ce type.

 Puis il remarqua que Rose – qui n’avait pas dit un mot – regardait encore dans la direction de la sortie. Elle fronçait les sourcils et semblait concentrée. Elle détacha enfin son regard et revint vers lui.

— Ces yeux Griniga, c’est pas n’importe qui. Tu as vu sa taille aussi, ce serait pas un de ces fameux guerriers qui rôdent dans les parages en ce moment ?

— De quoi tu parles Rose ?

— Il y a une rumeur en ce moment. Il y aurait une poignée de guerriers monstrueusement forts qui sont arrivés dans la région il y a pas si longtemps. Ils demandent des informations sur les démons, comme il vient de le faire avec toi. J’ai même une de mes filles qui m’a parlé d’une histoire comme quoi ils en avaient massacré quelques-uns d’ailleurs.

 Le sergent pouffa de rire.

— Je rigole pas Griniga, et mes filles savent de quoi elles parles. Leur chef serait un grand brun dépassant les deux mètres à la peau grise et les yeux aussi verts que le sang des démons qu’il traquerait. (Elle hocha la tête.) Et c’est exactement la description du gars qui vient de t’interpeller.

 Le sergent pianota des doigts sur le comptoir en réfléchissant à cette idée. Il avait en effet entendu un de ses subordonnés parler de cette histoire, mais ça lui avait semblé tellement absurde qu’il ne s’était pas attardé. Un petit groupe qui parvient à éliminer des démons ? Impossible. Mais intriguant. Il reprit une gorgée de sa boisson.

— Tu saurais m’en dire plus ? demanda-t-il.

— Pas plus que des ragots de saoulards balancés çà et là. Des histoires de purification de la corruption si j’ai bien compris. Ils auraient un ange parmi eux capable de repousser les démons. Mais faut se méfier, y’en a d’autres qui disent le contraire. Qu’ils seraient au service d’une force démoniaque, ça se verrait quand ils se battent apparemment. Et comme je commence à en entendre de plus en plus parler de cette histoire, je me demande si ton gaillard n'aurait pas un rapport.

— Mouais. Ça me parait tiré par les cheveux tout ça.

— Tu devrais quand même rester prudent, sait-on jamais. D'ailleurs, les gens leur ont même donné un nom.

— Qui est ?

 Rose posa la pinte sur le comptoir - pinte qu’elle essuyait depuis déjà bien trop longtemps - pour fouiller dans sa mémoire.

— Hmmm, je crois que c’est les « Traqueurs du chaos ».

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