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Le palais était lugubre aux premières lueurs des ténèbres. Lorsque le soleil disparaissait et que la nuit engloutissait l’immense bâtisse, les briques rouges s’émiettaient alors que les roses qui les rongeaient se fanaient dès que les rayons ne venaient plus réchauffer leurs pétales. Les herbes hautes moisissaient et laissaient monter une odeur aigre et un brouillard blanc. Les tuiles glissaient du toit et venaient se briser sur sol déjà brisé.

Un jeune homme sortit de la bâtisse, habillé comme un prince. Une couronne brillait sur sa tête malgré les ténèbres présentes venues pour se moquer de lui comme tous les soirs. Les traits du beau jeune homme étaient couverts d’une tristesse dévorante, si bien que la sorcière qui se tenait à l’autre bout de la rue frissonna.

Il ferma la porte alors qu’une tuile vint s’écraser à quelques mètres de son pied, il ne tressaillit même pas, habitué à cette boucle sans fin, à cette malédiction qui lui broyait le cœur chaque fois. Il avait tenté à plusieurs reprises de se broyer le crâne par cette foutue tuile, avec un peu de chance, cette malédiction prendrait fin. Non, elle ne prenait jamais fin, pas même, quand il se tuait avant même de voir sa plus grande tristesse se jouer devant lui chaque soir.

Le prince repoussa les morceaux de tuile de sa botte cirée pour descendre les marches du perron moisie par le temps et la malédiction. Il leva les yeux de l’autre côté de la rue, les yeux brillants de la sorcière le regardaient avec amusement comme tous les soirs. Chaque fois qu’il croisait son regard, il mourrait d’envie de hurler de toutes ses forces ou la tuer d’un regard, mais comme à chaque fois, le bruit de pas sur les tuiles le pétrifièrent et son cœur se serait fort qu’il pourrait tomber à genoux sur le sol humide (et c’était déjà arrivé.). Il prit une inspiration à l’odeur de roses fanées et d’herbe en décomposition.

Il s’avança sur l’allée, autrefois brodé de tulipes rouge, le bruit des pas et des sanglots venaient à lui comme un danger. Se détournant, il la vit encore. Elle portait toujours sa robe de marié. Une robe d’un blanc éclatant faite de soie et de dentelle. La première fois qu’il l’avait vêtue de la sorte, il l’avait épousée et la seconde d’après, une sorcière vengeresse leur lançait la pire malédiction. Il déglutit lorsqu’il croisa son regard. Les larmes coulaient le long de ses joues et ses yeux sombres étaient rougis. La peur et la colère déformaient son beau visage. Un vent violent se leva, ramenant l’odeur de pourriture à elle et faisant voler ses cheveux autour d’elle comme un halo protecteur. Elle garda les yeux rivés sur lui, comme il lui avait toujours hurlé.

« — Ne regarde que moi, par pitié »

 Il se doutait que ce simple contact pouvait l’aider, mais chaque fois, ça le brisait. Elle serra les poings alors que le froid la faisait frissonner. Son voile, qui retenait quelques mèches, se détacha et s’échappa avec le vent. Ce détail était insignifiant, mais était le départ. Elle ferma les yeux alors que le bord de la bâtisse arrivait à elle. Elle renifla et croisa à nouveau son regard. La tristesse teinta son visage alors qu’elle se laissait tomber dans le vide, encore.

Les premières fois, il hurlait. Un hurlement qui faisait écho dans les environs. Il hurlait sa colère, sa rancune et son cœur d’avoir été aussi bête de s’être laissé berner par une sorcière en colère et jalouse.

Il s’avança vers celle qu’il aimait depuis des siècles et qu’il voyait sauter du toit de son palais tous les soirs. Il tomba à genoux près d’elle. Elle était déjà morte, comme toujours, jamais il ne pouvait lui dire adieu ou lui présenter ses excuses d’avoir été aussi bête. Lui expliquer qu’il avait séduit une sorcière cruelle qu’il n’avait jamais aimée et avec laquelle il s’était jouée. Il voulait aussi lui avouer qu’il était tombé amoureux et que c’était la raison pour laquelle la sorcière la tuait tous les soirs.

Ils rejouaient la même journée depuis une éternité, et il était le seul à le savoir. Il se voyait jouer ce même rôle sans jamais pouvoir prévenir la moindre personne, pas même elle.

Le beau prince serra sa princesse d’un soir contre lui comme toujours et attendit que le soleil se réveille à nouveau pour revivre la malédiction.

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