L’ombre dans la maison
Cela faisait des semaines que John n’était pas venu au cabinet. La psychologue ressentait cette absence comme une plaie invisible, chaque jour l’angoisse grandissant. Ce matin-là, elle était assise dans son salon, un carnet à la main, les yeux perdus dans le vide, repensant à sa dernière séance avec lui.
Son mari entra derrière elle, le visage marqué par la fatigue et l’incompréhension.
— Tu l’as encore mentionné aujourd’hui ? dit-il d’un ton las. Tu ne parles que de lui. Tu ne te rends même pas compte que ce "John" devient une ombre… une pièce parmi les pièces de cette maison.
Elle leva les yeux, surprise par la brusquerie de sa remarque.
— Je m’inquiète pour lui, murmura-t-elle, presque pour elle-même. Il est en danger.
— En danger ? répéta-t-il, la voix montant. Et moi ? Moi, je compte pour quoi ?!.
— Ce n'est pas ce que tu crois... essayant de se justifier. Tu comptes pour moi, tu es mon amou...
— Ton amour? d'un air douloureux. Ton vrai amour c'est tes patients et ton cabinet, tu deviens de plus en plus prisonnière dans ce cercle.
— C'était juste un cas difficile.
— En Un cas difficile? Choisis : moi ou John ?
Le choc de la question la laissa muette quelques secondes. Les mots résonnaient dans le salon, pesant comme des pierres sur sa poitrine. Elle secoua la tête, incapable de répondre immédiatement.
— Ce n’est pas si simple… souffla-t-elle.
— Pas si simple ? cria-t-il, la colère se mêlant à la douleur. Il disparaît de ton cabinet depuis des semaines, et toi, tu continues à penser à lui ! Moi ou John ? Il faut choisir !
Elle baissa les yeux, consciente de l’impasse. La vérité était brutale , elle ne pouvait abandonner John, mais elle ne voulait pas non plus perdre son mari.
— Je… je ne peux pas simplement choisir, balbutia-t-elle, la voix brisée. Je ne peux pas l’abandonner dans ce qu’il traverse.
— Alors regarde ce que ça fait de rester neutre ! hurla-t-il. Il devient une ombre dans ta maison, dans ta vie, et toi tu restes là, à ne rien faire !
Le silence retomba, lourd et oppressant. Les deux respiraient à peine, chacun coincé dans sa propre tempête de frustration et d’inquiétude. La psychologue, les mains crispées sur le carnet posé devant elle, sentit la pression la submerger. Chaque jour où John restait absent, chaque pensée pour lui, semblait maintenant peser sur son couple, sur sa vie entière.
Elle comprit que le dilemme qu’elle portait n’était pas seulement moral, il était existentiel. Choisir John ou son mari ne se réduisait pas à un simple acte, mais à l’équilibre fragile de son âme.
Et dans cette tension étouffante, la question résonna une dernière fois dans son esprit et dans la pièce, comme une injonction impossible :
— Moi ou John ?

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