Estat ai en greu cossirier

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(Poème de Beatriz de Dia, femme troubadour provençale, écrit entre 1160 et 1210)

J’étais plongé dans une profonde détresse

par un chevalier qui m’a courtisé,

et je veux confesser pour toujours

combien je l’aimais passionnément;

Maintenant je me sens trahie,

car je ne lui ai pas dit mon amour

donc je souffre une grande détresse,

au lit et quand je suis habillée.

Que mon chevalier puisse un jour

être nu dans mes bras

et me retrouver en extase

avec moi comme oreiller;

Car je l’aime plus

que Floris était avec Blanchefleur:

Je lui donne mon cœur et mon amour,

ma raison, mes yeux et ma vie.

Bel ami, tendre et bon,

Quand seras-tu à moi ?

Oh, à passer avec toi mais une nuit

pour donner le baiser d’amour !

Sachez que je chéris avec passion

l’espoir de toi à la place de mon mari,

dès que tu m’auras juré

que tu rempliras chaque vœu.

La chaude retrouvaille des corps dans Estat Ai en greu cossirier se dissimule avec timidité derrière la place donnée au lit. Le lit, élément du décor propice à l'intime, mais un intime qui réveille seulement des bras et des baisers fugaces.. qui, parfois, avec maladresse, dévoilent un "me retrouver en extase", mais une extase d'attendri, appuyé sur Beatriz, qui se jumelle avec son oreiller. Pour garder chambre close à l'auditeur du poème, elle..

Nous ne côtoyons plus ici l'opportunisme d'un Renard rué sur l'arrière-train d'Hersent la louve coincée dans son terrier, ou l'outrage marqué sur le visage de la jeune fille à la tente, brutalisée par Perceval. La retrouvaille charnelle se joue tacite, comme émulation saine, tant que la loi de l'Amour ne rompt avec son respect. Sans verser dans un rapport de domination charnelle à la René Girard, se dessinent les contours d'une sexualité soumise à une légèreté d'amant et d'amante, qui s'échappe des lourdes traditions et jurisprudences du désir et du mariage... chaînes inscrites dans une oscillation nécessaire entre ce qui doit être montré et ce qui ne doit pas l'être...

... Hésitation longue du désir charnel face à la volonté de crypter l'Instant. Souffrir "quand je suis habillée" sur son lit : manifestation d'une fermeture au monde sous condition : que le chevalier, dénué de tout son apparât arthurien, fasse demi-tour...

L'Instant, se suffit à lui-même, en toute pudeur : "à passer avec toi mais une nuit" ou alors donne présence solennelle à ce qu'il berce : une vigueur pré-cinématographique d'une bouche de chevalier fougueux contre une autre.. le salé du fantasme s'entrecoupe de mystères plus noirs, "Quand je suis habillée", peut-être d'un noir Tartuffe, qui projette tout et son contraire !

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