66.3

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Elle s’apprêtait à réaffirmer son autorité au moyen d’un nouvel assortiment de menaces lorsque l’entrée de la grange pivota sur ses gongs. L’espace d’une seconde, Aline trembla, se rappelant qu’elle n’avait pas droit de visiter le captif. Un soupir de soulagement la détendit lorsqu’elle reconnut Yue.

La fillette, quoiqu’en infraction aussi, paraissait parfaitement détendue.

— Bonsoir, salua-t-elle.

Jarolt la reconnut immédiatement à la description de Bard : la petite fille au yeux vairon. Peut-être la menace du fabuleux l’affectait-il ou seulement l’aspect singulier de la nouvelle arrivée ; l’un dans l’autre, il resta interdit.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? pesta Aline.

— Je te retourne la question. Je crois que Madame serait fâchée si elle savait que tu es ici.

— Moi au moins je ne serai pas battue.

— Rassure-toi, moi non plus. J’ai un spectacle dans deux jours, personne ne me battra ce soir.

Yue sortit de sous son col la petite clé d’or de son carrousel. Ce fut le plus naturellement du monde qu’elle libéra Jarolt de toutes ses entraves, au désespoir d’Aline qui, ayant lâché le plateau repas du prisonnier, reculait à la façon d’un lièvre sous la menace d’un renard.

— Ce sont les chaines et la cage de mon fabuleux, expliqua-t-elle. Tout le monde oublie toujours que j’ai la clé originelle. Tu es libre.

— Tu es… une mestresse ? déduisit Jarolt, hagard.

Les cheveux blancs de la petite fille lui évoquaient ceux de Sanaeni et, forcément, sa nature fabuleuse. Se pouvait-il qu’une fabuleuse fût aussi mestresse ?

— Je suis jamais bien sûre, hasarda Yue. Alors, tu t’en vas ? Si tu te dépêche pas, je vais changer d’avis.

— Mais… Le… Ton fabuleux m’a dit que…

— Mon fabuleux ? Lui, le désigna-t-elle.

Ni Jarolt ni Aline ne l’avait remarqué. Bard avait le don de masquer sa présence, en particulier derrière celle de Yue. La pénombre ne lui rendait la tâche que trop facile.

Effrayé, Jarolt renonça à aborder le sujet.

— Tu me jures que tout ira bien pour moi si je m’en vais ?

— Je jure que si tu n’as rien à te reprocher, aucun mal ne te sera fait, reformula Yue.

On eut dit des mots empruntés à un autre, ou à d’autres circonstances. Loin d’avoir l’embarras du choix, cependant, Jarolt s’en satisfit. Il salua bas en gage de reconnaissance, puis traina sa prothèse et sa jambe engourdie vers la sortie, côté forêt.

S’il avait su lire entre les lignes du discours de la mestresse, il aurait compris que quelque chose n’allait pas, que l’avertissement de Bard valait davantage pour lui que pour le bien de Yue. Pour beaucoup, il aurait préféré sa cage au piège dans lequel il s’apprêtait à tomber.

— Tu peux le pister ? s’enquit Yue une fois Jarolt suffisamment loin.

— Les yeux fermés, si tu veux.

— Gardes-les ouverts, ça peut servir.

Pendant ce temps, prostrés, Aline et Ombre observaient toujours. Le félin inquiet quémandait les bras de sa maitresse en lui agaçant la jambe. Elle le serra contre elle pour se donner courage et réconfort.

— Qu’est-ce que vous allez lui faire ? demanda-t-elle impérieusement.

— Au lieu de te mêler de mes affaires, tu devrais rentrer. Avec un peu de chance, Madame n’aura pas remarqué ton absence.

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