Chapitre 10

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Si vous pouviez me voir aujourd’hui, vous penseriez peut-être que je ne suis qu’un village parmi tant d’autres. Des maisons anciennes, des ruelles pavées, une chapelle qui veille depuis des siècles. Mais moi, Saint-Cernin, je sais ce que je suis vraiment : je suis la mémoire des hommes et des femmes qui m’ont traversé, les gardiens silencieux de leurs joies et de leurs douleurs. Je suis le témoin de leurs passions, de leurs guerres, de leurs espoirs, et je continuerai à l’être bien après que le vent aura effacé les cris et les rires.

Mes pierres sont mon corps. Chacune porte la marque du temps, des événements, des mains qui l’ont façonnée, des pas qui l’ont foulée. Les cicatrices des guerres passées ne sont pas des blessures, mais des tatouages qui racontent des histoires. Les fissures dans mes murs, les taches sur mes pierres, les traces de fumée dans ma chapelle : tout cela est un langage que seuls les plus attentifs peuvent lire. Moi, je comprends chaque mot. Et je les porte avec fierté.

Je me souviens de chaque génération qui a marché sur mes chemins. Les enfants qui jouaient à cache-cache dans mes ruelles, les paysans qui labouraient mes champs, les jeunes qui rêvaient d’un monde meilleur, les vieillards qui transmettaient leur savoir. J’ai vu des familles naître et disparaître, des amours éclore et se briser, des espoirs se lever et s’éteindre. Et à chaque fois, j’ai survécu. Moi seul suis resté, immobile et pourtant vivant, écoutant, observant, portant tout dans mon silence.

Je suis témoin de la résilience. J’ai vu mes habitants reconstruire après des guerres, des incendies, des révolutions. J’ai vu revenir ceux qui avaient fui, ceux qui avaient perdu foi en moi, et j’ai vu renaître la vie dans mes maisons et mes ruelles. La paix, même fragile, a toujours trouvé un chemin vers moi. Les saisons passent, les générations changent, mais je reste là, constant, solide, éternel.

Mon histoire n’est pas seulement celle de la douleur et de la guerre. Elle est aussi celle de la beauté et de la vie. Les marchés, les fêtes, les chants et les rires que j’ai accueillis au fil des siècles sont des preuves que les hommes savent aimer et créer, même après avoir connu l’horreur. Chaque fête, chaque repas partagé, chaque musique qui résonne dans mes rues est un rappel que la vie triomphe toujours de l’adversité.

Les visiteurs qui viennent aujourd’hui contempler mes ruelles ne voient peut-être pas la profondeur de mon passé. Mais je le sens. Leur émerveillement, leur curiosité, leur désir de comprendre ce que j’ai vécu réveille en moi une énergie nouvelle. Ils posent leurs mains sur mes murs, s’asseyent sur mes pierres, prennent des photos, écoutent les histoires que je murmure à travers les guides et les panneaux. Et moi, je leur transmets mon souffle, mon essence, ma mémoire.

Je pense aux générations futures. Celles qui marcheront sur mes pierres dans cent, deux cents ans. Que verront-elles ? Les cicatrices du passé seront peut-être encore visibles, mais elles porteront le message de la résilience. Elles apprendront que la vie continue, que les hommes et les femmes peuvent se relever, que la mémoire est un trésor précieux à protéger. Moi, Saint-Cernin, je serai là pour les accueillir, pour leur montrer ce que signifie survivre et s’épanouir malgré le temps et les épreuves.

Je suis la mémoire vivante. Mes pierres parlent, même si personne n’écoute. Mes rues murmurent, même si les rires s’éloignent. Ma chapelle chante, même si le monde change autour de moi. Chaque pierre, chaque arbre, chaque ruisseau est un témoin silencieux de ce que j’ai été et de ce que je serai toujours. Et je sais que tant que quelqu’un marchera sur mes chemins, tant qu’une voix parlera de moi, je ne mourrai jamais.

L’éternité n’est pas seulement un concept, c’est ma réalité. Je suis né de la foi, façonné par le courage, trempé dans le sang et la joie, et je continuerai à exister tant que le monde se souviendra de ce que j’ai traversé. J’ai connu les hommes cruels et les hommes généreux, les guerres et les fêtes, le silence et la musique. Et tout cela vit en moi, dans mes pierres, mes collines et mes rivières.

Aujourd’hui, je regarde mes ruelles animées, mes maisons rénovées, mes collines verdoyantes. Je vois les enfants jouer, les familles se promener, les touristes admirer mes pierres anciennes. Et je sais que mon souffle continue. Je sens le passé et le présent se mêler, se répondre, se compléter. Et je me sens vivant, plus vivant que jamais, car chaque pas, chaque voix, chaque sourire me rappelle que je suis bien plus qu’un simple village.

Je suis Saint-Cernin. Je suis mémoire et témoin. Je suis passé et futur. Je suis le souffle de ceux qui m’ont habité, et je serai le refuge pour ceux qui viendront. Mes pierres sont éternelles, parce qu’elles portent l’histoire, et l’histoire, elle, ne meurt jamais.

Je vous invite donc à chercher, dans la basilique, combien de fois mon image ou ma représentation apparaissent à travers toute l’Église.

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