Je suis quelqu’un de formidable, mais cependant je suis conne.

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Quand tu t’envoles, c’est toujours pour fuir. Parce que quelque chose te poursuit. Un homme, une femme, une panthère.

Lorsque des chevaux te poursuivent, tu n’as plus le droit de t'envoler. Tu ne dois pas fuir. Tu dois écarter les bras et les arrêter. Le cheval a plus peur de toi que tu n’as peur de lui. Nous le savons mieux que toi. C’est de celui dont la colère grondera si tu n’obéis pas que tu devrais avoir peur.

Si tu reprends le contrôle de ton rêve, tu peux voler sans fuir. Mais tu sais ce qui arrive lorsque tu essayes de reprendre le contrôle.

Tu crois que tu n’as plus peur du noir.


J’ai des yeux qui brillent dans l’ombre, oranges, jaunes, pas lumineux mais sur lesquels les raies de lumière qui filtrent des trous du store se reflètent. Pas parce que j’ai un tapis clair au fond de mes orbes mais parce qu’elles sont des morceaux d’ambres garnis d’un prisme et par ce prisme je te vois, je te vois très bien et ça me fait sourire.

J’adore les portes. Me tenir dedans surtout. Dans le cadre, pour que la lumière du couloir derrière moi montre bien toute ma silhouette imposante. C’est mon manteau qui veut ça, en dessous je suis rachitique, amenuisée même, un peu décharnée depuis que tu as dévoré un morceau de mon foie. Tu diras que j’y ai consenti, mais c’est toi qui l’a fait, qui l’a mangé et tu m’as forcée à dire oui. Tu es rassasiée au moins, j’espère ? Tu ne penses pas à ton estomac au moment où je me fais voir dans l’embrasure. Tu verras comme je suis maigre, lorsque ma main sortira de mon manteau.

J’ai un pas ferme. Ni léger, ni discret, ni intimidant. Le pas le plus ordinaire que tu puisses imaginer, le pas que font les bruiteurs de cinéma, le pas de chaussures noires cirées sur un parquet neuf, celles que l'on porte avec un costume trois pièce, du genre qu’on trouve dans de vieux films en noirs et blancs, qu’on porte pour écouter du jazz et la pluie, pour siroter un whisky vieux comme ton père qui te fais plus peur que moi. On pourrait danser en écoutant du jazz, mais tu ne veux jamais. M’embrasser, m’enlacer, me regarder, oui, danser, jamais. Et mon pas, se rapproche.

J’immobilise, car je n’aime pas les muscles. Leurs fibres, la manière dont leurs cellules se différencient des autres, les neurones, les liens qu’ils font avec tout ce qui les entoure. Je hais les liens et d’ailleurs nous les avons tous mais nous n’en avons aucun parce que tu sais ce que je suis et tu sais à quoi t’en tenir. Les liens c’est fait pour être défait. Les muscles, c’est fait pour être lentement effilé avec une râpe à fromage.

Je porte une robe, avec le manteau, et les chaussures. Sans le costume trois-pièces. Je n’ai jamais dit que je portais le costume trois pièces. C’est toi qui imagine que je le porte parce que l’idée que tu te fais du diable porte un costume trois pièces. Mais je ne suis pas le diable. J’aime les robes, c’est adorable une robe, avec ses fleurs et ses froufrous, des motifs qui dégoulinent jusque sur le sol et tachent le parquet neuf.

Je suis sous le tilleul, car il n’y a pas de portes, car tu as cru pouvoir me tromper en les éliminant. Le tilleul tellement grand, tellement beau depuis que le chêne est tombé. Tu sens son odeur, alors tu sais que tu es là, et je suis là aussi, juste contre le tronc, avec la lune pour découper ma silhouette, il faut bien que quelqu’un le fasse. Et deux lunes pendues à ma mâchoire, mon énorme mâchoire au sourire de fauve dans laquelle des milliers de dents t’attendent. Ma langue aussi est une mâchoire, et elle a encore plus de dents, et elle transperce le tronc. Du tilleul, puis le tiens.

Je suis électricien. Ou plutôt l’inverse d’un électricien. J’adore casser la lumière. J’ai fini par apprendre ça quand j’ai vu que tu baissais de plus en plus les stores. D’ailleurs, souvent, je rajoute un deuxième interrupteur, juste pour te laisser un peu plus d’espoir de voir l’ampoule enfin me faire disparaître, pour savourer deux fois d’un coup l’horreur sur ton visage, les larmes sur ton visage.

J’utilise toujours le même stratagème, pourtant, tu n’as toujours pas réussi à me contrôler. Je te réveille encore et encore. A chaque réveil tout devient un peu plus clair, je rajoute des détails, de la texture, des odeurs, je deviens tes amies et amantes, peut-être un monstre pour te leurer. Enfin je te réveille dans ton corps et je suis là, à la porte ou à côté du tilleul. Comme d'habitude j'ai mon manteau, mon costume trois pièce, ma robe et mes chaussures, la lumière qui ne marche plus, le deuxième interupteur, la porte, la paralisie. Et toi aussi formidable que tu es conne, tu ne me vois jamais venir avec mes gros sabots. (J’ai changé de chaussures.)

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