Au secours ! La basse-cour...

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Ouf ! Le grand méchant est vaincu ! Je me crois tiré d’affaires mais il n’en est rien : l’épée dans ma main commence soudain à pourrir et cette putréfaction me brûle la main. Je hurle. Je sens mon âme une fois de plus meurtrie à tel point que je m’affale par terre. Faible et incapable de bouger, je réalise alors la violence autour de moi. Les affrontements se sont changés en massacre. Les fantômes au spectre rouge, leur puissance exacerbée par leur rage, ont fait fit de la majorité des autres revenants, aspirant ainsi leur énergie et en devenant plus forts. Barbe Noire se dresse devant cette dizaine de fantômes mais est submergé. Même s’il a fait le plein sur mon dos, ce n’est pas assez devant de tels adversaires. Ne renonçant pourtant pas, son sabre vole et tranche les ectoplasmes mais pour un coup donné, trois lui sont rendus et il est sur le point de céder. Je me sens totalement impuissant : mon corps refuse de bouger et je lutte pour ne pas m’évanouir. Je ne suis clairement pas en mesure de faire quoique ce soit. Mais qui va nous sauver ?

Soudain, les derniers neurones qu’il me reste connectent : le gardien ! Je tourne péniblement la tête vers l’endroit où est le chat et je vois avec soulagement que son corps commence à s’agiter. Faiblement au début, puis des tressaillements pour finalement se relever complètement. A grand peine, j’essaie d’articuler cette invocation :

« Terreur, Gardien du cimetière, reprends contrôle de ton domaine et repousse ces revenants… »

Le félin pose alors ses grands yeux jaunes sur moi, iridescents dans la nuit noire, et… se lèche la patte. Quoi !?! Il miaule un petit coup et s’en va en courant dans le noir ! C’est quoi ce bordel ??? Si j’étais en état, je hurlerais, mais tout ce que je peux donner, c’est un faible grognement. Je me suis totalement planté ! Si Terreur n’est pas le gardien, qui est-ce ?

De son côté, Barbe Noire est acculé dans ses derniers retranchements. Il repousse à grand peine les assauts des spectres rouges. Il est tellement épuisé qu’il en a perdu de sa consistance, devenu presque entièrement transparent, une ombre au milieu des lumières rouges chatoyantes de ses adversaires. Il lutte encore mais sait pertinemment qu’il est vaincu. Alors que le coup fatal va lui être porté, il se retourne vers moi, plante son œil valide dans les miens et hurle :

« Je te maudis, Perceval Guilhem ! »

Puis il disparaît, terrassé par ses assaillants.

J’aurais espéré que ceux-ci en aient fini et partent mais malheureusement, ce n’est pas le cas : leur dernière proie achevée, ils se retournent vers moi. Je tente de rassembler mes forces pour me redresser mais je ne peux même pas relever le buste. Je suis cuit…

Alors retentit au loin un nouveau bruit, plus précisément un cri animal. Pas un cri exactement mais un mélange de sifflements et de cacardements qui résonne de plus en plus fort. Puis apparaissent de nulle part trois oies, ailes déployées, filant à toute allure vers les spectres rouges. Mais au-delà des apparences, je suis frappé par leur aura. Ce ne sont pas de simples oiseaux de basse-cour qui chargent, mais des forces primaires de la nature, de la Terre, de l’Air et de l’Eau. Arrivant au contact des revenants, chacune de leur attaque arrache un monceau d’ectoplasme géant, à tel point qu’il ne suffit que de quelques secondes pour que les fantômes rouges redeviennent faibles et diaphanes. Ceux-ci prennent retraite et s’enfuient se réfugier dans leur tombe.

La scène s’est passée tellement vite et j’ai eu à peine le temps de l’analyser que les trois oies sont sur moi. Je crains le pire !... Mais il n’en est rien : elles m’encerclent et concentrent leur Art. Mon âme est alors revigorée par une énergie fraîche et puissante, me remettant directement d’aplomb. Sans faire de geste brusque, je me relève et regarde ce trio. Je ne sais vraiment pas quoi dire et donc malgré tout ce qu’il vient de se passer, la gêne s’installe…

« Merci… » dis-je en me demandant si elles me comprennent.

Une voix tonne dans ma tête et répond :

« Ce n’est qu’un juste retour des choses, Perceval Guilhem. Après tout, tu nous as sauvées en premier en nous libérant de la malédiction du monstre.

- Vous êtes vraiment les gardiens du cimetière ? j’ose demander.

- Depuis bien longtemps, répond la voix. Et on s’entend qu’il n’est pas la peine de le faire savoir... »

J’ai l’impression que les trois oies plantent alors leur regard dans le mien, menaçant. Je pense que le message a été clair ! Je hoche de la tête en signe d’acquiescement. Puis, comme de rien, les oies s’en vont, me laissant seul au milieu du cimetière.

Je regarde autour de moi et ne vois pas Barbe Noire. Je me concentre pour essayer de le localiser mais sans succès. J’espère qu’il ne lui ait rien arrivé !... Seul et épuisé, je décide de me diriger vers la cabane de Gérard.

A mon arrivée, je retrouve mon fossoyeur tout souriant : dans ses bras se trouve Terreur.

« Persée ! s’écrit-il à mon arrivée. Tu ne devineras pas qui nous est revenu ! »

J’affiche un large sourire, la joie de mon ami rayonnant autour de lui et me réchauffant le cœur.

« Le petit malin a dû s’échapper de la clinique ! répondis-je.

- Et tu ne sais pas ? J’ai entendu les oies ! Elles aussi sont guéries ! »

Je souris derechef. Je suis heureux pour Gérard et je me demande à quel point je suis nul tellement que je me suis planté sur l’identité du gardien. Je pense que j’ai de quoi réfléchir pour les prochains jours…

« Tu sais quoi, Gérard ? Je pense que je vais rentrer chez moi. Je suis vraiment fatigué. »

Gérard me prend dans ses bras, tellement qu’il est heureux. Je lui rends l’accolade puis quitte sa cabane. En direction de la sortie du cimetière, je passe devant les oies. Je leur fais un clin d’œil et continue.

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