Perdu dans la musique.

de Image de profil de Elliott héducyElliott héducy

Avec le soutien de  Mathieu Chauviere, korinne 
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Il est une heure du matin. Je somnole devant un vieux clip des années 80, "so Electric", par un gars qui se fait appeler lifeliker sur la toile avec des logiciels d'animation. Ecouter ce titre vous donnera un léger goût des années 80 et de la musique électronique de l'époque. Après une journée si barbante, je dois dire que ce son ne m'est pas désagréable. Mon plaisir de la journée consiste à me bourrer le crâne de musiques variées, et ce jusqu'à pas d'heure. Normalement, je pars ensuite me coucher et me réveille la tête dans les nuages, les étoiles, et le cake.

J'ai pourtant l'impression que quelque chose va mal tourner ce soir . Une mauvaise intuition me pousse à éteindre immédiatement l'ordinateur. Je presse le bouton "power", attends que l'écran devienne noir. Mais rien ne se passe. Bizarre. Je commence instinctivement à raisonner. Il est vrai que l'ordinateur vieillit et que les boutons ne répondent pas tout le temps aux commandes qu'on leur soumet.

Je continue alors à écouter du synthwave. Les musiques défilent, et je tombe sur Road de Niky nine. Je crois entendre le son augmenter en crescendo, bientôt au point de m'irriter la base des tympans . Mes poils se dressent. Mon corps entre dans une transe totale. C'est la première fois qu'une musique me fait ressentir autant de plaisir, même si je suis un passionné. Il n'y a plus de doute possible. Ce que je vis n'est pas net. La musique me transporte.

Littérallement. Une vibration m'ébranle très violemment le corps. Soudain, je me sens comme si quelqu'un s'était amusé à décoller toutes mes particules et à les réassembler à l'envers. Je tente alors un truc. Je me dis que s'il y avait bien une musique sur laquelle mon corps lâche prise, c'était oddlook de Kavinsky. J'ouvre une autre page, et tape le nom. Je reconnais le clip, et lance la musique.

Une radio un peu branlante balance des informations. Le journaliste au micro parle d'une course poursuite où un jeune voyou tente de semer la police "Miami" à la force du moteur. Toute personne le croisant sur la route doit immédiatement s'arrêter sur le bas côté. L'on dit qu'il est très dangereux, et que l'on ne sait pas jusqu'où il est prêt à aller pour distancer les flics. Il s'avère que je suis également en voiture. En voiture? Comment ai-je pu me téléporter dans une voiture alors que je me trouvais dans une chambre d'étudiant il y a à peine une minute?

Je regarde autour de moi pour y voir des paysages de fiction. Le soleil n'en est même pas un. C'est une boule rayée et mal contourée comme celles que l'on pouvait voir dans les vieux jeux d'arcades. Les arbres semblent tout aussi faux, et seul la voiture ressemblait réellement à quelque chose. Sur les sièges, des billets à ne savoir quoi en faire, des flingues et un sac de poudre que j'assimile à de la cocaïne. Je n'ai qu'à me retourner pour voir à quel point ce "moi" est un malfrat 100% pur jus fort bien rôdé . Et que les 14 voitures de police à l'arrière sont bien décidées à me coffrer.

Pas le choix. J'explose l'accélérateur et prolonge une course poursuite relayée par les médias en continu. Je découvre que je viens de réaliser un casse. Que les policiers ont vu la cam qui traînait sur mes sièges et que je risque la perpétuité. L'adrélaline monte. Et pour la première fois depuis une éternité, je me crois vivant. La route s'étale en ligne droite, au point que je commence sérieusement à me demander s'il y a des virages dans cette réalité. Elle semble interminable mais les policiers ne me rattrapent pas.

L'on attaque le refrain. Je finis par bifurquer sur une petite voie apparue abruptement. Je me trouve étonnement calme. Pourquoi ai-je ce cigare à la bouche? Je regarde machinalement les pédales et découvre que je suis habillé avec de nouveaux vêtements.

C'est quoi ce look? Et ces chaussures? J'en perds les miennes ,moi , de pédale. Je porte une veste blanche et bleue avec un col roulé, par dessus une vieille chemise blanche et verte aux motifs dégueulasses. Je finis par les semer au bout de plusieurs minutes, plusieurs heures? plusieurs semaines ? Bref. Je dégotte un coin ou planquer ma bagnole et entre dans un bar.

Il s'agit d'un pub à la mode des années 80. A ce stade, je ne comprends plus grand chose. Je décide d'aller voir le barman et de lui commander un Jack Daniels. Il sort un verre et me le remplit à ras-bords, ce qui peut vouloir dire deux choses. Soit cet homme est le vendeur d'alcools le plus négligeant de la planète, soit il ne s'agit pas de mon vrai corps, car je fais normalement bien plus jeune que mon âge. Je pars aux toilettes à la recherche d'une vitre, et en trouve une.

L'homme qui s'y tient devant moi est grand, il mesure dans les deux mètres.

Son léger duvet est presque aussi blanc que le blanc de sa veste ce qui trahit avec ses rides un âge beaucoup plus avancé que ce qu'il n'y paraît. Je continue à m'inspecter dans la glace quand une grenade ou un autre explosif vient détruire la porte du bar.

Je me précipite hors des toilettes. Un débri de l'explosion est fiché dans l'épaule du barman et celui-ci va probablement se vider de son sang à une vitesse effrayante. Dix policiers sont postés devant le bar. Ils se tiennent à une distance respectable, peu-être 25 mètres, m'imaginant sans doute avoir des réserves supplémentaires d'armements dans ce pub. Ils ouvrent rapidement le feu par précaution et débute alors un échange de tirs qui sera presque aussi long que la course poursuite précédente.

A chaque recharge, je me précipite vers le barman. Si l'on n'y touche pas, la plaie béante ne devrait plus trop saigner, et il est à l'abri des balles. J'ai à peine le temps de lui improviser un bandage avec ce qui traîne, que l'échange reprends, avec encore plus d'intensité . Avec beaucoup de chance, je parviens à éliminer trois flics .

Malheureusement ma quatrième cible située tout à gauche vise et réussit à me blesser à l'épaule, ce qui m'oblige à me planquer derrière le comptoir. Leurs tirs désorganisés continuent à massacrer le bar, et une balle bien logée dans un jukebox provoque un départ de feu. Au départ presque imperceptible, la fumée finit par inonder toute la pièce de vapeurs nocives.

La respiration devient vite impossible. Le barman a été contraint de reculer pour sa propre sécurité, ce qui a réouvert la plaie. Cette fois, je ne vois pas comment je pourrais le sauver. C'est moi contre le monde. Moi dans un incendie qui était autrefois un bar, contre un monde qui recharge à l'infini. Qui anéanti jusqu'au dernier des barbares si ça leur permets de se protéger. La fumée aidant, je sens que je perds pied. Je jette les armes et finis par m'abandonner au désespoir, par me perdre dans des rêves.

Ne serais-je pas déjà dans un rêve? Mes blessures, elles, sont pourtant bien réelles. Je me perds dans un jeu de questions-réponses auxquelles je ne trouve pas de réponses. Je me perds dans l'alcool et l'adrénaline, Je me perds dans la vie, une vie de dealer et d'escroc à cocaïne. Je perds le sens des choses, et leurs goûts, Je perds la signification de l'existence et le pouvoir des dogmes. Je suis un perdant. Je me perds tout le temps dans la vie.

Et ce soir,les amis, je crois que je me suis perdu dans la musique.

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Perdu dans la musique.Chapitre8 messages | 6 ans

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