Le nuage rose

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 La vitesse du nuage aux auras roses fulgurente. De loin, on aurait pu dire qu'il était à l'arrêt. Pourtant, en courant vers lui, je perçois la rapidité fatale qui l'anime.

 Plus je m'approche, plus le vent est fort. Je sens la température baisser. Plus mes jambes avancent, plus elles tremblent. Par le froid, la fatigue ou la peur ? Je ne saurais répondre. Plus le vent fouette mon visage, plus je sens la peur monter en moi.

Quelles sont mes chances de survie ? Et celles de mort ? Quels sont les risques de blessures ? Si ce n'est pas le gaz qui me tue, serais-ce ma fatigue ou même une blessure ? Comment mieux m'en sortir ? Et surtout, comment sauver le seul membre de ma famille restant ?

 Je, passe le petit portillon en bois couvert de peinture verte et blanche craquelé par le temps. C'est lui qui l'avais peinte lorsque je n'avais même pas quatre ans. Il avait passé deux jours du matin jusqu'au soir ne s'arretant que pour manger et boire. Pas de sieste pour lui. La tâche, en sois, n'était pas dure pour un adulte en bonne santé. Jamais je n'avais vu quelqu'un s'acharner sur travail si simple. Peut-être le faisait-il pour tromper sa viellesse ? Il est devenu mon héro ce jour là.

 Les graviers sautent au passage bruyant et résonnant de mes semelles. Je marche, je cours, je m'envole sur ce court sentier de cailloux argentés. J'ouvre violamment la porte, habituellement dévérouillée. Je passe l'arche menant au salon. Il était là, sur son fauteuil à dormir, son téléphone sur la table basse. Je me jette sur lui et le secoue avec une tendresse paniquée. Il se réveille, plonge ses yeux dans les miens. Je n'ai pas besoin de prononcer un mot, mes yeux expliquent l'empressement qui me ronge. Il se lève, calmement mais avec empressement. Je n'attends plus. Je cours vers la sortie et par réflèxe, j'attrape les clés de la maison au passage. Dans ce trousseau de clé, les clés de la voiture grise garé devant la maison émettait un tendre bruit aigu et tintant.

 Mon grand-père me suis lentement, j'ai le temps de courir sur la voiture et apprendre en quelques secondes, comment marche cet engin. C'est lequel l'acclélérateur déjà ? Je dois me rappeller des cours de conduite de papy. A droite ! C'est celle de droite !

Je glisse les clés sur le contact. Mon grand-père ouvre la porte passagère de la voiture. Je tourne les clés avec précipitation. Le moteur ronronne. J'entends le clic de la ceinture à côté de moi. Une fraction de seconde plus tard, mon pied enfonce l'accélérateur. Les roues commencent à tourner à fond. Je suis projeté contre le dossier de mon siège, mais je maintiens la pression sur la pédale. Les roues crissent et le moteur gronde. Je ne suis pas sûre qu'avant aujourd'hui, la voiture ai à rouler aussi vite.

 Le volant zigzague un peu, la voiture aussi. Je calme mes tremblements, et la voiture se stabilise. Dans la ville vide, résonne un vombrissement sombre. Les écologistes ne nous aimeraient pas s'ils nous voyaient avec notre petite voiture dieselle courant à toute vitesse dans la rue. Je jure que les rues devennaient de plus en plus serrées. Je n'aurais pas assez de place si ça continue.

Je dois aller au gymnase le plus vite possible. Avec tout le temps que j'ai passé dehors, je pense que tous les élèves sont déjà arrivés à "l'endroit sûr". Cette ville, j'y ai passé toute ma vie. Je connais toutes les rues par coeur, pourtant, à ce moment précis, j'ai du mal à choisir la route à prendre. Je n'arrive plus à différencier les rues. Toutes se ressemblent.

 Derrière le pare brise, un dédale sans fin se forme. Des murs dont je ne soupçonnais pas l'existence se lève, et des détours interminables bloquent mon passage. J'ai l'impression d'être bloquée. Ma respiration se fait courte. Comment sortir d'ici ? Comment rentrer dans un endroit sauf ? Je n'ai aucune idée.

 J'arrive à un croisement. Un croisement, il me semble, que je n'ai jamais vu auparavant. J'hésite. J'hésite un peu trop. Droite, gauche ? Ces chemins me semblent familiers, pourtant je n'ai pas la moindre idée d'où ils peuvent mener. Le nuage se rapporche. Je dois vite me décider, avant qu'il ne soit trop tard. Ma tête me fait mal. Je n'ai plus la force de me rappeler. Je ne peux pas faire ce choix au hasard. Ma vie en dépend. Cependant, cela semble la seule option qui s'offre à moi.

 Dans la place passager, mon grand-père sourit. Il tend la main vers moi, trop concentrée sur la route à prendre pour le voir. Sa main touche mon épaule. Je tourne la tête, presque les larmes aux yeux. Il montre de sa main, le chemin à droite. Je prends une demi-seconde pour comprendre ce qu'il veut dire, avant d'enfoncer mon pied dans l'accélerateur. Mon grand-père se retrouve propulsé sur le dossier de son siège. Je suis courbée vers l'avant, le regard transperçant le pare brise. Je suis en sur-concentration, plus que je ne l'ai jamais été. La route, les panneaux, directions, gymnase. Gymnase ! Il est là devant nous.

Les portes sont fermés, il faudrait qu'on trouve un moyen d'ouvrir et vite. J'arrête de la voiture. Ma portière s'ouvre. D'un regard, je demande à grand-père de sortir aussi. Je le laisse avec ses mouvements prudents pour courir vers la porte sûrement barricadée de l'intérieur. Un regard dans mon dos, je vois le gros nuage rosâtre qui n'a pas l'air de s'être fait distancé. Mon coeur manque un battement. J'ai mal à la jambe. J'ai dû trop appuyer sur l'accélerateur et n'ai pas entendu la douleur se propager dans ma jambe. Mon pied traine sur le sol. J'atteinds la poignée. Instictivement, je tire, et comme je m'y attendais, la porte ne s'ouvre pas. Je crie :

"Ouvrez nous ! On est coincé dehors ! Huf... Le nuage se rapproche !"

Et effectivement, le nuage se rapproche dangereusement de nous.

 J'entends des voix derrière la porte. J'ai l'impression qu'ils se battent. Ce n'est pas le moment de se battre, je dois rentrer ! Je bourrine la porte. Génial, ma main me fais mal maintenant. On entend un fracas derrière la porte. Des cris, des bousculades. Vraiment ? Ils se battent maintenant alors que deux personnes vont peut-être mourir ?

Un cri plus fort que les autres résonne. La porte s'ouvre vite, mon bras est pris et tiré à l'intérieur. La porte se referme immédiatement, et on me jette sur le sol. Tous sont trop occupés à barricader la porte pour me demander comment je vais. Mais mon état n'est pas primordiale maintenant. Mon grand-père est toujours dehors, en train d'essayer tant bien que mal à arriver à la porte.

Je fonce sur les baraqués qui referment la porte, et je gueule le plus fort que je peux, que mon grand-père est resté dehors. Deux clans :

- Les uns, par peur de leur propre sécurité ne veulent en aucun cas ré-ouvrire la porte.

- Les autres, par esprit de contradiction des premiers, veulent ouvrire la porte en vitesse.

Trop occupés à se battre, personne ne s'occupe d'ouvrir la porte ou l'empechait de s'ouvrir. C'est pourquoi ils ont ouvert la porte si tard. Je sens que ça va durer longtemps si je laisse faire. Trop longtemps. Je n'ai pas le temps.

Je fonce sur la porte et tire de toute mes forces sur les planches de bois à moitié enfoncées. Une par une, je retire avec force les barrières qui me séparent de mon grand-père. A la dernière planche, je ressens une douleur aigue dans mes mains. Malgré ça, je tire de toutes mes forces. La planche cède, et je pousse la porte d'un coup. Mon grand-père est presque là. Le nuage aussi. Les gars qui se battaient derrière moi se sont arreté et en voyant le nuage, foncent sur moi.

Je tends la main vers mon grand-père. Je suis à deux doighs de le toucher, mais je me sens tirée vers l'arrière. On me jette au sol encore une fois. Ma tête heurte le sol, une dernière pensée, la certitude que je ne le reverrais jamais, puis, plus rien.

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