Chapitre 6 (2/3) - Oscar

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Être en maillot de bain me donne une désagréable sensation de vulnérabilité. Bien que personne ne semble remarquer notre présence, j'ai l'impression d'être observé de partout. Il fallait que je calme ma paranoïa naissante. Nous étions ici pour nous amuser, n'est-ce pas ?

— T'as vu Arthur ? demandé-je à Sarah.

Ma sœur secoue la tête avant de se remettre à regarder autour d'elle. Elle referme les bras sur sa poitrine dans un geste protecteur. Je regarde alors mon portable. Aucun message. Il ne nous reste plus qu'à partir à sa recherche. J'indique à ma sœur de me suivre et je fends la foule. J'avance à l'aveugle, d'une part, parce que les corps autour de moi ne me permettent pas de savoir où je vais réellement et d'autre part, parce que je ne connais pas du tout la maison. Il ne manque plus que je me perde. Je décide de rayer tout de suite l'étage de mes recherches. On va déjà se concentrer sur le rez-de-chaussée, une chose à la fois. Dire que notre appartement tiendrait entièrement dans le salon ! J'exagère peut-être. Mais tout juste.

Je m'engage dans un couloir parallèle à celui que Luna nous a fait emprunter pour qu'on puisse se changer. Puisque les gens s'agglutinent de plus en plus, je soupçonne qu'il doit mener à la piscine. Et je crois entendre le bruit de l'eau.

Bingo. La pièce est encore une fois énorme. C'est une espèce de véranda, enfin je ne sais pas trop ; il y a des baies vitrées tout autour, qui donnent sur un immense jardin. Plusieurs personnes se baignent dans la piscine qui trône fièrement au centre, d'autres discutent autour. Je fais le tour, prudemment. Le carrelage glisse et je n'ai pas envie de me casser la patte. En vérité, j'explore plus la villa que je ne cherche Arthur.

— Oscar, regarde ! m'interpelle Sarah en désignant du menton l'autre côté de la piscine.

Au moment même ou je tourne la tête, Chloe relève la sienne. Elle nous aperçoit et crie le prénom de ma sœur. Et merde. Je ne voulais pas tomber sur eux tout de suite. Plus le choix, nous devions les rejoindre. J'aperçois alors les autres personnes autour de la blondasse : Tobias, Luna et... c'est tout. Je ne sais pas si je suis soulagé que Liam ne soit pas parmi eux ou au contraire, ennuyé.

— Salut les gars, nous lance Chloe avec un grand sourire.

— Salut, répondit timidement Sarah.

La blonde se relève de son transat pour qu'elle puisse s'asseoir. Je prends place sur une des chaises en plastique, à côté de Tobias. Je jette un regard en coin à Chloe. Son bikini rose dissipe tous les doutes. Pour le coup, elle est vraiment bien foutue. Je ne doute pas un instant que certains gars doivent baver devant elle.

— Alors, tout se passe bien ? Ça vous plaît ? s'exclame Chloe.

Je suppose qu'elle fait allusion à cette « petite » fête.

— Je pensais pas qu'il y aurait autant de monde.

— La plupart sont des camarades de lycée, lance Luna.

Elle porte la paille de sa boisson à ses lèvres et aspire lentement.

— Ça veut dire que vous les connaissez tous ?

— Au moins de vue, oui, me répond Tobias. Tu sais, ça fait trois ans qu'on se côtoie. Mais vous aussi, vous finirez par connaître tout le monde à la fin de l'année, vous verrez.

— Bon, on n'est pas là pour papoter, mais pour s'éclater, nous interrompt Luna.

Elle se lève de son siège

— On va se baigner ?

Chloe hoche la tête avant de se tourner vers ma sœur.

— Tu viens avec nous, Sarah ? L'eau est chauffée, elle est excellente. Et puis, ce serait cool de passer un peu de temps entre filles.

Ma sœur me jette un regard avant de répondre, hésitante :

— Pourquoi pas...

Un sourire fend les lèvres de Luna. Les trois filles s'éloignent. Elles entrent dans la piscine par les petites marches. Soudain, un gars les interpelle. Je le reconnais, il est dans notre classe. Au moment où elles se redressent, je le vois prendre son élan et sauter dans la piscine. Je devine ce qu'il compte faire, tout comme Luna qui a juste le temps de se retourner avant qu'il n’atterrisse près d'elle, l'éclaboussant copieusement au passage. Luna laisse échapper un petit cri de stupeur mêlée de colère.

— William, tu fais chier ! T'es un vrai gamin !

Ledit William éclate d'un rire gras sous les applaudissements de ses amis. La brune continue de l'engueuler avant de laisser tomber; il était déjà ressorti de la piscine et avait rejoint ses amis. Elles finirent par retrouver un groupe de filles et commencèrent à discuter. Sarah a bien intégré le petit cercle et semble être contente.

J'arrête de la regarder – surveiller – et je laisse mon regard parcourir la pièce. À vrai dire, le silence qui s'est installé entre Tobias et moi après que les filles soient parties est assez pesant. Je ne sais pas si lui aussi s'en rend compte. À moins que ça ne le gêne pas du tout. C'est peut-être moi qui psychote un peu. Je me décide quand même à prendre la parole :

— Liam est pas là ?

Je me fustige mentalement. Pourquoi est-ce que c'est la première chose qui me viens à l'esprit ? En même temps, on n'a rien en commun et parler de quelqu'un qu'on connaît tous les deux est toujours mieux que d’évoquer la pluie et le beau temps. J'espère que je ne l'ai pas dit sur un air trop prononcé.

— Si, mais je ne sais pas où il est...

Il se tourne et englobe la pièce d'un regard.

— Maintenant que tu le dis, ça fait un moment que je ne l'ai pas vu. Me dis pas qu'il se tape quelqu'un !

Un petit rire moqueur s'échappe de mes lèvres.

— Il a le feu au cul votre ami.

Tobias me fixe, une moue neutre sur le visage. J'y suis peut-être allé un peu fort.

— Après tout, c'est une fête, il est là pour s'amuser. Tu devrais peut-être en faire de même, toi aussi...

Il parle de quoi, là ? Je lui rends son regard, avant de sourire.

— Tu as raison, je vais aller nous chercher un verre pour ma sœur et moi. Si jamais je croise Liam, je lui dirai qu'il te manque et que tu n'arrives plus à te passer de ton meilleur pote.

Je me lève sans attendre sa réponse mais je peux voir son sourire figé sur son visage. Touché. Je marche au bord de la piscine en faisant attention à ne pas glisser sur le sol trempé. Et pied nu, c'est pas facile.

Lorsque enfin j'arrive à attirer l'attention de ma sœur, je lui indique que je pars chercher de quoi me désaltérer. De l'alcool, quoi. Elle me fait signe de ramener un verre pour elle avant de reprendre le fil de la discussion.

Je rejoins la pièce principale de la maison, là où se trouvent les buffets de boissons à volonté et où la musique est assourdissante.

Tel un fantôme – ou un assassin furtif – je slalome entre les corps dansants, évite les gens trop occupés à faire attention à ne pas renverser une goutte de leur breuvage plutôt que de voir où ils mettent les pieds, et parviens enfin au buffet, sans perdre au passage mes tympans. Un vrai chef.

Je jette un coup d'œil aux boissons, soulève quelques bouteilles et regarde si les fonds ne sont pas pollués de substances indésirables qui ne manqueraient pas de m'empoisonner sur-le-champ. Je jette mon dévolu sur la vodka. Je compte bien la diluer avec un petit quelque chose, je ne suis pas fou à ce point.

— Je croyais tu ne voulais pas boire, susurre une voix au creux de mon oreille.

Je sursaute, à deux doigts de la crise cardiaque. Je me retourne brusquement, prêt à engueuler copieusement celui qui est assez con pour se faufiler derrière quelqu'un. Devant moi, un Liam tout sourire me regarde, rieur.

— T'es pas un peu con de me faire peur comme ça, putain ?

— Quand on sursaute, c'est qu'on a quelque chose à se reprocher...

— C'est juste que je t'ai pas entendu arriver avec le boucan qu'il y a. En plus, je te cherchais.

Il se rapproche de moi, me colle presque, pour laisser passer une fille avec un verre rempli à ras bord dans les mains.

— Ah bon, et pourquoi ?

— Enfin, c'est plutôt Tobias qui se demandait où t'étais passé.

Liam lève un sourcil interrogateur. Un sourire moqueur fend ma bouche en deux.

— Il croyait que t'étais parti te faire... disons, tringler par quelqu'un. Ce n'est pas vraiment comme ça qu'il l'a dit, mais c'est ce que j'en ai déduis.

Le sourire s'envole de son faciès. Enfin, j'ai réussi à lui faire dégager son éternelle mimique ! J'en profite pour me retourner et verser ma vodka dans un verre. Il est quand même plutôt bien foutu. Son torse nu laisse entrapercevoir l'ombre d'abdominaux et ses clavicules sont bien dessinées. Mon péché mignon. Je bois une gorgée de ma boisson, grimace. J'ai peut-être eu la main un peu lourde sur la vodka. Je me retourne. Liam est toujours là. Et son sourire est revenu. Ce fut une courte victoire.

— J'allais justement m'amuser un peu. Tu veux me rejoindre ?

Je manque de m'étouffer avec ma gorgée de boisson. J'avale difficilement l'alcool.

— Ça va pas la tête ?

Liam glousse et agite devant mes yeux un petit sachet transparent. À l'intérieur, une poudre blanchâtre s'agite.

— Je parlais de ça, idiot.

— C'est quoi ?

Je sais très bien ce que c'est. Mais je veux en être sûr.

— Suis-moi et tu verras.

Il me lance un clin d'œil et tourne les talons. Il ne va quand même pas se droguer ici et maintenant ? Est-ce que ses amis le savent ou le fait-il en cachette ? Peut-être même qu'ils en prennent ensemble. Ainsi, les petits gosses de riches ne sont pas si innocents qu'ils veulent bien le faire croire. Mais là n'est pas la question. Je me mordille la lèvre, partagé entre deux sentiments. Dans un râle d'énervement, je pose mon verre et me dépêche de rejoindre Liam avant qu'il ne disparaisse, complètement noyé dans la foule.

— Attends ! crié-je en essayant de le rejoindre.

Il ne se retourne pas et continue de fendre les corps dansants. Je finis par le rattraper et le suis tandis qu'il se dirige dans le couloir où Luna nous avait emmenés, Sarah et moi. Mon regard glisse de son dos nu à son cul, moulé dans son short de bain rouge. Je vais pas me mentir, j'apprécie ce qu'il laisse deviner.

Liam s'arrête devant une porte, me jette un regard malicieux et l'ouvre. J'hésite un instant, avant de me faufiler à sa suite. Je la referme.

Je reconnais la salle de bain dans laquelle je m'étais changé. Je n'avais pas réellement fait attention, mais la pièce est plutôt grande.

— Toi aussi, tu veux t'amuser ? me lance Liam en s'appuyant sur le lavabo.

— Pas du tout. Tu vas quand même pas la prendre ? m'exclamé-je en montrant du doigt le sachet qu'il tenait toujours entre les doigts.

Il me regarde, les yeux brillants.

— Bien sûr que si. Je ne vais pas gâcher de la si bonne, quand même. Tu comptes m'en empêcher ?

Je ris jaune.

— Et puis quoi encore ! T'es assez grand, tu fais ce que tu veux. Si c'est ton kiffe de te défoncer à l'héroïne, tant mieux pour toi.

Il lève un sourcil et je comprends ce qu'il veut insinuer. Qu'est-ce que je fous là ? Moi-même, j'en sais rien. Je veux juste protéger Sarah, ne pas la confronter à un drogué dans son genre.

— C'est de la cocaïne, indique-t-il en se retournant.

Du pareil au même. Lorsque j'entends qu'il ouvre le sachet, je m'approche doucement, bien plus curieux que je veux l'admettre. Je n'en ai jamais vu de près.

D'une main experte, Liam fait glisser un peu de poudre sur le rebord du lavabo et referme le sachet. Puis, il sort de sa poche un morceau de carton et une espèce de tube en plastique, ou en carton également, je ne sais pas. En quelques secondes, il façonne une fine ligne de poudre. Une fois terminé, il me jette un regard et sourit. Il se penche alors au-dessus de la poudre et positionne la paille sur sa narine. Il inspire profondément, ne perdant pas une miette de la précieuse poudre.

Dans un râle de plaisir, il relève la tête et ferme les yeux, savourant les effets déjà immédiats que la substance illicite a sur son cerveau.

Il prend appui sur le lavabo, et je vois alors ses mains trembler. Je glisse un bras sous son aisselle, de peur qu'il tombe.

— Ça va ? lui demandé-je, inquiet.

Il rouvre les yeux et me fixe intensément. Son visage ne se départit toujours pas de son sourire en coin qui commence à m'insupporter.

— On ne peut mieux. Tu devrais tester, c'est incroyable.

Je le relâche, comprenant qu'il se fout de ma gueule.

— Certainement pas, je veux pas être un drogué comme toi. Tu te rends compte que tu pourras plus t'en passer ?

Liam éclate de rire. Je vois. Il est déjà complètement arraché. Je souffle de mécontentement. Eh bien qu'il se démerde avec ça, j'ai bien d'autres soucis à gérer. S'il veut se détruire, grand bien lui fasse ! Je n'ai clairement pas envie d'en être témoin, et j'ai pas à m'occuper de lui, il a des potes après tout. Qu'ils se débrouillent avec un type pareil. Je m'apprête à ouvrir la porte, la main sur la poignée, lorsque Liam me retient :

— Attends !

Je ferme les yeux, inspire pour reprendre mon calme.

— Tu veux quoi encore ? lancé-je en me retournant.

Je recule par réflexe et me cogne la tête contre la porte. Liam est si proche de moi que nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Son bras frôle le mien, je frissonne malgré moi. Ses yeux noisette sont plongés dans les miens et semblent me transpercer. Je n'arrive pas à émettre le moindre son, plus perturbé que je ne le souhaiterais par cette soudaine proximité.

Ce n'est que quand je sens son souffle imprégné de l'odeur d'alcool sur ma joue, que je retrouve l'usage de la parole :

— Tu fous quoi ?

Coincé entre la porte et son corps chaud, je ne peux pas m'échapper. Je ne veux peut-être pas m'échapper. Nos lèvres se touchent et je ferme les yeux, par pur réflexe.

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