Chapitre 11 - Liam

6 minutes de lecture

24.01.21

24 Paradise Street, Quartier de Southwark, LONDON – 04:33 pm.

Je survole mes réseaux sociaux pendant que le petit boursier rassemble ses affaires. Je sais qu'il attend de moi que je propose quelque chose, ses petits regards en coin sont bien trop visible. Mais je feins de l'ignorer, au moins pour quelques secondes. Juste de quoi le mettre mal à l'aise. J'ai deux ou trois messages de mes amis, un message d'un inconnu que j'ignore royalement et un nouvel abonnement. Un gars, pour changer. Je clique sur la notification, et visite son profil. Pas mal. J'appuie sur le bouton bleu.

Un raclement de gorge se fait entendre :

— Il est sympa ton frère, lance Oscar, certainement pour briser la glace.

Je fais une petite moue pour signifier que j'ai entendu mais que je ne prendrai pas la peine de répondre. Un léger cliquetis résonne, Oscar tapote ses ongles sur la table, signe qu'il s'impatiente. Je décide de rompre mon silence, je ne voudrais pas l'énerver.

— Tu veux faire quelque chose ?

Il hausse les épaules, embarrassé.

— Je sais pas, t'as une idée en tête ?

Je contiens au prix d'un grand effort le sourire qui menace de me manger le sourire. Mais j'ai l'impression qu'Oscar s'est rendu compte de sa bourde car il me fuit du regard.

— On peut bouger. Je sais ! Viens, je vais te faire visiter la maison, m'exclamé-je d'une voix enjouée.

Je me lève pour qu'Oscar suive le mouvement. Nous partons en direction de mon but : ma chambre.

— Elle est à vous la mercedes dans le chemin ? me demande Oscar.

— À qui veux-tu qu'elle soit ? me moqué-je gentiment. Elle est à mon frère, c'est son petit bijou.

— Elle est magnifique.

— Tu t'y connais en voiture ?

— Plus ou moins. Mon père voue une passion inconditionnée pour les bolides de ce genre. Il aurait été fou devant la voiture de ton frère... Enfin, bref.

Tiens, c'est la première fois qu'il évoquait son père. Est-ce un signe qu'il me fait plus confiance ?

— Il travaille dans quoi, ton père ?

— Il... il fait des petits boulots, répondit Oscar un peu trop sèchement.

Ça cache quelque chose tout ça. Ça ne m’étonnerait pas que son paternel traîne dans des affaires louches. Après tout, il ne faut pas trop en attendre de ce genre de personnes. Et puis, l'économie souterraine est importante pour le pays.

Pendant notre petit papotage, nous passons devant le salon qui sert de réception pour les invités de mon père. Il y a une petite bibliothèque, ma mère passe le plus clair de son temps ici, à avaler un nombre incroyable de bouquins.

À ma grande surprise, Oscar s'arrête net à l'entrée. Je m'en rends compte quelques pas plus loin.

— Tu fais quoi ?

— Vous avez un piano ?

Je hausse un sourcil devant son air ébahi et le rejoins.

— Oui, il appartient à ma mère.

Il entre dans la pièce et s'en approche.

— Tu sais en jouer ? me demande-t-il curieusement.

Comme la plupart de mes amis, quoi.

— Malheureusement oui, soupiré-je. C'est mon frère qui a la fibre musicale mais je n'ai pas échappé aux cours de piano étant petit. Ma mère m'a forcé à en faire pendant trois ans.

Je le regarde poser ses doigts sur le piano. Qu'est-ce qu'il me fait le boursier ? Je sens qu'il hésite et finit par me poser la question :

— Tu peux... Tu peux jouer un morceau ?

J'écarquille les yeux avant d'exploser de rire.

— Tu vas me dire que tu es sensible à la musique classique toi maintenant ? rétorqué-je entre deux hoquets.

Il rougit sous la pique mais m'assassine du regard.

— Tu me prends pour un con ? J'ai accès à internet comme tout le monde. Et ça te fait quoi si j'aime ? T'as qu'à me dire non et pas me faire chier, asséna-t-il.

Mon rire se calme et j’inspire pour reprendre mon souffle.

— Tu sais quoi, laisses tomber.

Il s'apprête à sortir quand je le retiens :

— Attends !

Je me rends compte que je l'ai vraiment blessé. Et ce n'est pas ce que je veux. Il commence à s'ouvrir, il faut que j'en profite pour m’immiscer dans la brèche.

— Tu veux que je joue quoi ?

Je prends place sur le tabouret. Il me fixe un instant pour savoir si je me fous encore de lui ou pas.

— Mariage d'amour, Paul de Senneville ?

Je fais une grimace. Un classique, mais pas des moindres. Il a de la chance que je me souvienne encore de la partition.

— C'est pas n'importe quel morceau. Attends-toi à des fausses notes, je suis rouillé.

Mes doigts entament les premières notes avec hésitation. Je ne sais même plus à quand remonte la dernière fois que j'ai touché ce piano. Ça doit remonter au départ d'Erik pour les Etats-Unis. Si ce n'est plus.

Tandis que je joue, Oscar s'approche doucement. Je jette un coup d'œil dans sa direction et nos yeux se croisent. Qui aurait pensé qu'un gars comme lui adore le classique et possède une once de sensibilité à ce type de musique ?

Il esquisse un sourire timide, que je lui rends involontairement. Ses cheveux constamment ébouriffés lui donnent un air enfantin, encore plus quand il sourit béatement. Mais sa barbe de quelques jours qu'il a oublié de raser avant de venir me rappelle qu'il est plus âgé que moi.

Mon annulaire ripe et appuie sur la mauvaise touche. Je me pince la bouche devant la note effroyable qui sort. Oscar ne semble pas s'en apercevoir. Il est maintenant à côté de moi et louche sur mes doigts qui tentent tant bien que mal de se rappeler de la partition apprise enfant. Il se penche tellement que je peux sentir sa chaleur près de moi. La dernière fois que nous nous sommes retrouvés aussi près, c'était à la fête chez Luna... Je manque de me tromper de touche et je ferme les yeux pour me concentrer.

Je finis par abandonner à la troisième fausse note consécutive.

— On va arrêter là le massacre, de Senneville doit se retourner dans sa tombe.

Oscar ne répond rien, perdu dans ses pensées, je suppose. Ce n'est que lorsque je lève qu'il semble se reconnecter à la réalité.

— Merci, souffle-t-il. Tu joues très bien.

Je glousse :

— Alors pour toi, Erik est un dieu de la musique.

Un silence s'installe et Oscar décide de le rompre :

— On fait quoi ?

— Je ne sais pas.

Nous sortons machinalement de la pièce.

— On peut retourner voir Erik, propose Oscar. Je te rappelle qu'on a un exposé à faire et je voudrais le terminer aujourd'hui. Ça me fait déjà bien chier comme boulot alors ça serait cool si on pouvait y passer le moins de temps possible.

— Moi, j'aime bien.

Il s'arrête et se retourne pour me regarder. Je capte son regard et ne m'en décroche pas.

— C'est vrai, c'est plutôt cool, non ? On peut profiter chacun de la présence de l'autre.

Je me rapproche de lui, nos visages sont tout proches. Ses yeux chocolat sont accrochés aux miens, sa respiration passe à travers ses lèvres. Je pose la main sur son torse et me penche à son oreille et laisse mon souffle le chatouiller.

— J'avais pensé à une tout autre occupation, moins soporifique et plus sportive...

Je frôle son lobe de mes lèvres et il lâche un soupir inconscient. J'avance juste assez mon corps contre le sien pour le forcer à s'appuyer contre le mur du couloir.

— Qu'est-ce que t'en dis ? lui susurré-je doucement.

Soudain, la voix de mon frère s'élève en bas des escaliers :

— Les gars, vous voulez qu'on reprenne ?

Oscar répond avant que je n'ai le temps de le faire :

— On arrive tout de suite !

Pourquoi tu te ramènes toujours au mauvais moment, Erik ?

Déçu, je me contraints à libérer mon prisonnier. Oscar me regarde, un sourire flottant à ses lèvres.

— Une prochaine fois, qui c'est...

Il me contourne pour se précipiter dans les escaliers et me laisse en plan. C'est la deuxième fois qu'il le fait. Je me mords les lèvres et souris avant de dévaler les marches à sa suite. Il ne perd rien pour attendre.

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