UN PAS COMME LES AUTRES
Un soir, alors que je m'attendais à une nuit comme les autres, un homme entra dans la chambre. Il s’appelait Paul. Il était plus jeune que la majorité de mes clients, les yeux doux mais tristes. Il s’assit au bord du lit sans rien dire. Je m’approchai, préparée au pire.
Mais Paul ne me toucha pas.
Il resta là, en silence, puis dit simplement : "Pourquoi fais-tu ça ? Tu mérites mieux."
J’éclatai en sanglots. Les mots sortirent de ma gorge comme une rivière trop longtemps retenue. Je lui racontai tout. L’accident. L’oncle. La rue. Monique. Monsieur Roger. Les nuits, les douleurs, la honte.
Paul ne dit rien. Il écouta. Vraiment. Et ses yeux devinrent humides.
Ce soir-là, je ne fus pas vendue. J’existai. Juste une fille, racontant sa douleur, et un homme, écoutant avec son cœur.
Ce fut peut-être la première fois depuis des années que je me sentis humaine à nouveau.
Les jours suivants, Paul revint. Il ne demandait rien. Il apportait des livres, des repas chauds, du silence bienveillant. Puis un jour, il me proposa de partir avec lui. Il avait loué un petit appartement dans un quartier calme et chic de la ville. Une chambre claire, un vrai lit, des rideaux propres, une cuisine équipée. Pour moi.
Il m’ouvrit un compte bancaire à mon nom, y versa une somme que je n’aurais jamais imaginée. "C’est ton point de départ, Rose. Tu écris bien. Raconte ton histoire. Tu peux changer des vies."
Avec son soutien, je repris mon cahier, puis un ordinateur. Je mis des mots sur mes années perdues. Mon livre s’intitula "Le Cri de Rose". Il fut publié. Et il toucha des cœurs.
Puis un matin, Paul disparut. Plus de numéro, plus d’adresse. Juste une enveloppe sur la table : "Vis, Rose. Je suis juste un ange de passage."
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