Le poney des miracles (conte)

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Il était une fois, dans les contrées d'un pays isolé de tout, se trouvait un centre équestre réputé. En effet, chaque jour, des milliers de voyageurs se pressaient à ses portes. Son succès, il le devait à un jeune poney nomme Tobi et qui était nain.

Le centre l'avait trouvé devant le portail et l'avait aussitôt adopté. Un jour, on s'était rendu compte que, en plus de sa douceur incomparable, il était capable de réaliser les souhaits. Cela peut paraître incongru, néanmoins c'était bien le cas, au bonheur de tout le monde.

On l'avait découvert lorsque, une matinée, la fille du directeur du centre, après l'avoir monté, s'était exclamé qu'elle aimerait qu'il fasse beau (car il pleuvait). Immédiatement, un soleil lumineux avait envahi le ciel lactescent et réchauffé les terres du centre. Personne n'y croyant au départ, on réitéra l'expérience. D'abord, ce fut un jeu, un défi lancé à la jeune fille, mais cela devint peu après une vérité incontestable et follement réelle.

Des scientifiques du monde entier étudièrent le cas de Tobi, qui dû subir des examens désagréables dont il n'avait jamais voulu. Mais leur médiocrité égalant presque son talent , ils abandonnèrent et rentrèrent chez eux, non sans avoir sussuré au creux de son oreille le souhait qui soulageait ici les rêves d'une vie. La nouvelle fut donnée aux informations et dès le lendemain une foule immense se disputait la première place d'une file qui se mouvait jusqu'à l'océan Atlantique.

Il fallut construire un parking, des hôtels... et finalement une loi fut instaurée qui interdisait d'obtenir plus d'un souhait par personne. Le poney ne déméritait jamais. Il faisait ce qu'il avait à faire, c'était son métier, en quelque sorte, seulement il n'était pas rémunéré. Il était la seule attraction du centre, tous les autres cheveaux avaient été vendus, il n'y avait que lui. Les journées se répétaient à l'infini : on montait dessus, disait son rêve tout bas, ce dernier se réalisait, on prenait quelques photographies et il fallait descendre pour laisser la place au suivant.

Tout marchait pour le mieux : les dirigeants du centre étaient riches et les clients toujours satisfaits. Jusqu'au jour où...

Tobi tomba malade. Ce fut une terrible fièvre, fulgurante et douloureuse. On n'appela pas de médecin, de peur qu'il demandât du repos, on leva un Tobi épuisé et blafard pour que la foule puisse entrer. Le premier client, un homme d'une trentaine d'années, s'assit... et Tobi s'afaissa. On recommença avec un enfant. Cette fois-ci, il tint sur ses pattes mais le souhait de l'enfant, bien stéréotypé car c'était de recevoir une pluie de confiseries dès qu'il serait de retour chez lui, ne fonctionna pas. Les gens défilèrent malgré tout car le prix pour s'assoir sur Tobi demeurait de cents euros par personne, malgré sa défaillance. A un moment, il s'écroula sur le sol pour ne plus se relever. On le transporta à l'infirmerie et on le laissa reposer quelques heures avant qu'il ne soit obligé de reprendre. Il en était incapable. Cela n'importait pas ces vils égoïstes. On remarqua alors que Tobi était hors-service. La masse grouillante se mit à s'insurger, demandant à être remboursée, se trouvant trahie et hurlant que Tobi, pauvre petit poney accablé de reproche, n'était qu'un faible animal.

Une jeune femme se glissa alors dans la foule. Elle dépassa les gens en colère et se posta devant les directeurs qui se lamentaient, pensant qu'ils faisaient faillite. On pensa qu'elle ferait un réquisitoire infâme contre ceux qui "avaient manigancé l'affaire" mais il n'en fut rien. Elle annonça qu'elle était médecin et qu'elle pouvait le sauver. On lui interdit, criant qu'elle n'avait pas le droit de toucher Tobi et que si elle osait l'effleurer ils la traîneraient en justice. Elle ne les écouta pas, tapottant doucement le flanc de l'intéressé et se hissa sur son dos en lui marmonnant des paroles bienveillantes. Puis elle murmura son souhait. Aussitôt, il retrouva son teint hâlé habituel et la forme qu'il conservait depuis le début de son succès. Il esquissa une expression qui sembla à la jeune femme être un sourire, si un poney peut sourire. Elle se retourna sur la masse et annonça d'une voix triomphante "Il est guérit". On vérifia. C'était vrai. Tobi était guéri. On lui demanda son remède. Elle se mit à sourire comme Tobi pour déclarer d'un ton ravi:

-J'ai souhaité qu'il se remette tout de suite.

Tout le monde resta sidéré car personne n'y avait pensé. La journée reprit son cours. Le président de la République, qui avait entendu parlé de cette affaire, invita la jeune femme à recevoir la légion d'honneur pour avoir sauvé l'économie du pays mais elle refusa. Elle ne voulait pas entendre parler d'économie, elle l'avait fait pour Tobi. Le président, qui après avoir reçu cette leçon de morale commença à réfléchir plus qu'il ne l'avait jamais fait, décida de le rencontrer. On voulut le laisser passer, il refusa humblement et attendit son tour. Quand il arriva, il s'assit lourdement sur la croupe de Tobi et annonça "Que tu deviennes libre à la fin de la journée", un texte qu'on lui avait écrit et qu'il était très fier de prononcer, bien que personne ne l'ait entendu. Il descendit et s'en alla. Des murmures et des rumeurs s'instaurèrent. La jeune fille demanda à son père ce qu'il avait bien pu vouloir, lui qui possédait tout et n'avait besoin de rien. Le directeur haussa les épaules et dit :

-On a tous nos raisons d'aller sur ce poney.

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