Chapitre 3

14 minutes de lecture

Rey...

Allongé dans mon lit, je repense à son apparition... Il n'est pas descendu pour le dîner, prétextant avoir déjà grignoté quelque chose. Stéphanie semblait sincèrement embêtée pour le piercing à la langue. Je me demande bien pourquoi.

Le dîner a été un calvaire... Je n'ai pas mangé à table avec des gens depuis... sa mort. Je ne savais même pas comment me comporter. Qui plus est… j’ai tout rendu. Rien n’est resté sur mon estomac.

Lorsque Rey a enveloppé Stéphanie de ce regard si doux, ma colère a fondu comme neige au soleil pour me laisser... un sentiment de vide. Ce vide auquel je me suis presque habitué.

Son apparition a changé quelque chose. Je ne saurais définir quoi. J’ai dû attendre que Môssieur finisse dans la salle de bain pour pouvoir me doucher. Il a fallu que je patiente, avec mon T-shirt blanc mouillé, en tentant vainement de me cacher… J’ai bien essayé de m’enfermer dans ma chambre juste après ma douche mais Arnold m'attendait derrière la porte après avoir essayé de parler à Rey.

Je repense à son apparence. Il est grand ça c’est une certitude. Ses yeux m’obsèdent et une question me taraude. Serait-il aveugle d'un œil ? Je me vois mal poser la question...

Voilà que je mets à faire de l'humour maintenant...

Je ferme les yeux espérant trouver le sommeil. J’avais espéré que l’orage dure, généralement cela m’aide à m’endormir… Son image surgit inopinément dans mon esprit...

TOC !

Hein ? Non... J'ai dû rêver.

TOC !

Je me lève et regarde par la fenêtre. Rien.

  • Hey... Tu dors ?

Rey...

J'ouvre le battant et jette un œil dehors.

  • Par ici. Lève la tête.

J'obtempère. Il est assis nonchalamment sur le toit, une cigarette à la main, torse nu, les cheveux relevés en demi-queue de cheval.

  • Tu viens ou il te faut une invit' ? À moins que tu ne saches pas monter ?

Je me sens vexé. Je grimpe et il semble surpris par ma souplesse. Il siffle d'admiration et réussit à m'arracher un sourire. Assis à califourchon sur la lucarne de sa chambre, je prends le temps d'observer autour de moi. Je suis perché à une dizaine de mètres du sol et comme tout le pâté de maisons se ressemble, la vue est complètement dégagée. J'aperçois au loin les lumières d'un centre commercial...

C'est peut-être à cause de lui que les commerces de proximité ont fermé leurs portes...

Je tourne la tête vers Rey. Il doit forcément faire de la musculation... Je fais vraiment pitié à côté... Son torse est sculpté et ses bras bien dessinés. J'ai perdu énormément de poids ces dernières années : il ne me reste que la peau sur les os. Je dois avouer que je m'en fiche : de toute façon, je suis sans importance, pas vrai ?

  • Ma m'a dit que tu ne parles pas ?

Je le regarde, partagé entre l'envie de lui répondre ou non.

Bon après tout, pourquoi pas ?

  • Ça dépend à qui...

Il éclate alors de rire.

  • J'le savais ! Tu as une voix de baryton ! Au final... Tu veux bien me parler?

Son regard malicieux me fait craquer.

  • Pourquoi pas ? Tu es censé être mon grand frère, non ?
  • Ton grand frère ?

Il semble surpris.

Énervé ?

- Je n'aime pas ce terme. Ton pote... Ouai... Ton meilleur ami, pourquoi pas ? Ton amant... mmmhhh, murmure-t-il si bas que je doute d'avoir bien compris. Mais pas ton grand frère.

Mon amant ??

  • Comme tu veux. De toute façon...

Je ne suis rien.

  • De toute façon quoi ?
  • Tsss... Laisse tomber...

Le silence s'installe. Pas un silence gêné mais le genre que tu n'as pas envie de briser. Complice ? Non... pas du tout (pas encore ?) Il est beaucoup trop tôt pour ça... Je m'allonge sur les tuiles mouillées, mes mains derrière ma nuque. Le vent se met à souffler et mes cheveux dansent devant mes yeux.

Ah oui... c'est vrai... J'ai complètement oublié de les couper...

Machinalement, je mets une mèche derrière mon oreille, en vain.

  • Tiens.

Je tourne la tête vers Rey qui me tend un élastique noir. Je n'ai jamais attaché mes cheveux. En même temps, ils n'ont jamais été aussi longs...

  • C'est ta couleur naturelle ?
  • Quoi ?
  • Tes cheveux... tu les teins aussi ?

Oh... Ça...

Je prends une mèche entre mes doigts et la tourne. Ce n'est pas la première fois que l'on me pose la question... Mes cheveux sont d'un blond très clair, presque blanc, avec des mèches auburns ici et là... Certains ont cru à l'œuvre d'un coiffeur alors que ce n'est que celui de ma mère. Aujourd'hui, ils m'arrivent pratiquement jusqu'aux épaules. Ils sont fins. Trop fins...

  • C'est à cause d'eux que tu m'as pris pour une fille ?

Il rit.

  • Pas vraiment... Je savais que tu allais arriver… Ma m’en avait d’abord parlé, histoire d’avoir mon accord en quelque sorte… D'ailleurs, j'ai bien profité de son absence…, il me tire la langue pour me montrer son piercing. Elle m'avait prévenu. C'est juste... qu'avec ton air de chien battu, je n'ai pas pu m'en empêcher. Bon alors ? Naturel ou pas ?

De chien battu ? Sérieusement ?

Ce mec a le don de m'agacer...

  • Naturel, je réponds sèchement. Ma mère a les mêmes.
  • Oh, oh... Tu parles au présent ! Donc... Tu as toujours ta mère...
  • Et ?

Cette fois-ci ma voix est plus coupante.

  • Ok, ok... message reçu... sujet sensib...

Je n'entends pas la fin de sa phrase. Je le vois juste lever les mains en signe de reddition accompagné... d'un clin d'œil ? Puis il s'allonge sur le toit avant d'allumer une autre cigarette. La lumière de la flamme danse devant mes yeux... Je sens que je me referme, un peu comme une huître, très lentement mais très douloureusement... Cette... discussion est encore trop sensible pour moi... Je ne peux pas... pas encore...

Tout à coup, je n'ai plus envie d'être là... Un sentiment étrange gonfle dans ma poitrine. Un sentiment désagréable. Je veux respirer mais n'y arrive pas. L'image de ma mère heureuse se superpose dans mon esprit à la loque qu'elle a été ces trois dernières années. C'est insupportable. Mes sentiments se mélangent... Tourbillonnent... M'entrainent vers le fond... Je... Je sombre...

Merde... Au... secours... Je... Je...

J'étouffe. Je ferme les yeux, essayant de me concentrer sur ma respiration. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Je peux à peine effectuer ce geste pourtant si simple... Un geste que même les bébés font sans réfléchir. Je sombre dans un endroit de plus en plus sombre, là où aucune lumière ne filtre, là où aucun son ne pénètre. Je. Me. Noie.

Une main. Sur mon visage. Pas une caresse. Non. Une gifle retentissante. Je sens la douleur : c'est elle qui me reconnecte à la réalité.

  • Trist ! Hey ! Trist !

Je m'accroche à sa voix. Àla chaleur de sa gifle sur ma joue. Je remonte peu à peu les escaliers vers la douce lumière des étoiles. J'ouvre les yeux et...

  • Tu étais parti où ?

Je cligne des yeux et me reconnecte définitivement à la réalité. Peu à peu, les images autour de moi se font plus nettes. Le ciel. Les nuages. Les étoiles. Et... Son... Son visage. Proche du mien. Très proche. Et surtout... surtout ses yeux. À moitié rieur. À moitié éteint.

  • De retour parmi nous ?

Je respire à nouveau et réalise que ma main s'est crispée sur ma poche. Là où se trouvent mes pilules. Je n'en aurai pas besoin. Pas pour l'instant.

  • Ouai... Enfin... Je crois...
  • C'était quoi ça ?

Je ne réponds pas. Pas parce que j'en ai pas envie... mais parce que je ne sais pas. Son visage est proche du mien. Ses yeux... Son oeil... m'hypnotise. Je détourne le regard. Il s'éloigne avec un "tss" méprisant. Vite. Rattraper le coup.

  • Pourquoi t'es pas venu dîner ?

Il me regarde, l’air un peu revêche, avant de soupirer et de me répondre :

  • J'ai percé ma langue cet aprem... Elle a gonflé. Impossible de manger quoique ce soit... Et comme Ma ne voulait pas que je le fasse ...
  • Ma ? Ah oui... Stéphanie.

Il pouffe avant de me sortir un sourire énigmatique, bien que magnifique.

  • Oui, je l'appelle Ma. Ce n'est pas ma mère mais elle m'a sauvé. C'est tout comme.

Je me tais, histoire de voir s'il va me raconter. Mais non. Il s'est simplement allongé sur les tuiles et a allumé une énième cigarette. Je m'assois et le regarde. Il est plutôt beau gosse. Ses cheveux noirs méchés de rouges lui font un style, un peu bad boy. J'aime bien. Aussi, j'avais bien vu... Son œil invalide ne se ferme pas. Sur le coin de sa bouche, il y a une cicatrice, comme si une lame était passée par là... Du même côté que l'œil invalide...

Est-ce que par hasard...

Inconsciemment, je tends la main vers son visage.

  • Le spectacle te plaît ?

Je n'arrive pas à déterminer le ton de sa voix. Sarcastique ? Colérique ? J'opte pour la carte du sarcasme.

  • En effet... Il est pas mal... J'aime bien.

Je ponctue ma phrase d'un claquement de langue appréciateur. Il me regarde, interloqué, avant de me sourire de façon démoniaque. Il s'assoit et passe sa langue sur ses lèvres. Je ne peux plus bouger. Rey s'est transformé en félin. Son œil brille d'un éclat qui m'est inconnu. Il se rapproche de moi... Je me mets à trembler... Pourquoi ? Aucune idée... La distance entre nous diminue, encore et encore... Jusqu'à ce qu'il pose son front contre le mien… et ses bras de part et d’autre de ma tête.

  • Dis-moi, petit lion... me chuchote-t-il d'une voix suave. Quel âge as-tu ?

Je déglutis.

  • Quin... Quinze ans...
  • Tu devrais faire attention à tes paroles petit lion...

Mes pensées se bousculent...

Mais qu'est-ce qu'il me fait là ?

Mon corps ne m'obéit plus... J'ai envie de le toucher... Ma main se rapproche de son visage et effleure sa cicatrice. Il se crispe. Sa bouche devient dure et son œil, méchant. Il claque ma main. Fort. Violemment.

  • Ne touche JAMAIS ma cicatrice. JAMAIS.

Puis, il se détourne de moi et entre dans sa chambre.

Je reste là, éberlué.

Que s'est-il passé au juste ?

Mon corps refuse de bouger... Une certaine chaleur coule dans mes veines, rapidement remplacée par le froid de son départ. Il m’a attaché les cheveux sans que je ne m’en aperçoive.

Mais que ... ?!

Je prends un peu de temps avant de me rendre compte que je suis seul sur ce toit. Une légère bruine s'est mise à tomber. Encore une fois, ma main s'est posée sur ma poche.

... Petit lion...

Cette voix... Pourquoi ?

Ma respiration se calme. Je reste encore une dizaine de minutes sous les fines gouttelettes de pluie avant de rentrer dans ma chambre.

Je n'ai pas eu besoin de mes médocs.

VROUM ! VROUM !

Je me réveille en sursaut.

C'était quoi ça ?

VROUM ! VROUM !

Le bruit d'une... moto ? Je suis un peu dans le coltard. Je baille et met un bras sur mes yeux. Il s'est vraiment passé ça hier soir ? Peut-être. J'ai l'impression d'avoir rêvé...

Ça ne peut être autrement...

Tu devrais faire attention à tes paroles petit lion...

Je n’ai pas rêvé. Ma queue de cheval est toujours là. Un frisson me parcourt. Je me demande pourquoi il m'a surnommé ainsi... Petit lion... Je soupire et me lève.

Après un passage à la salle de bain, plus long que d'habitude, je finis par me décider à descendre à la cuisine. Je ne sais toujours pas comment me comporter face à Stéphanie (Ma?) et Arnold. Une bonne odeur de café et de viennoiseries me chatouille les narines. Je réalise que je meurs de faim.

  • Oh ! Bonjour Tristan ! Comment vas-tu ? Bien la couette !

Je n'ai toujours pas envie de lui parler. Je hoche la tête et m'assoit à table. Arnold sirote son café en lisant son journal. Je remarque une tasse vide et regarde Stéphanie d'un air interrogateur.

  • Oh... C'est à Rey... Il est déjà parti... Il n'avait pas l'air dans son assiette ce matin...

Cette dernière phrase ne semblait pas être pour nous.

Pas dans son assiette ?

  • Tu fais allusion à son masque ? demande Arnold.

Son masque ?

  • Oui… Il ne l’avait pas mis depuis longtemps… Je pensais qu’il avait surmonté ça… J’espère qu’il ne…
  • Je ne crois pas qu’il soit retombé là-dedans, ne t’inquiète pas. Si cela peut te rassurer, je me renseignerai avec les collègues.
  • Merci, Arnold, je veux bien.

Retomber dans quoi ? De quoi parle-t-on exactement ?

  • Bon, sur ce, je m’en vais. Passez une bonne journée tous les deux.

Arnold se lève, embrasse Stéphanie et me fait un bref signe de tête. Je parie qu’il s’inquiète lui aussi. Bien que je ne sache pas pourquoi.

Je commence à manger dans un silence religieux. Stéphanie n’est pas avec moi.

À cause de Rey ?

  • Mmmhhh... Tristan ? Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais… Que fais-tu de tes journées ?

Ne pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, vraiment ?

Je la regarde, dubitatif. Elle semble lire mes pensées et me regarde affichant un sourire presque narquois.

  • Alors ?

Je hausse les épaules pour qu’elle comprenne que je ne fais rien.

Rien, à part pleurer et me droguer. Mais ça tu ne dois pas le savoir.

Ma boîte de pilules brûle dans ma poche, comme si un pouvoir magique en sortait rien qu’à son évocation. Elle sort de la cuisine et revient avec une pile de livres.

  • Ça t’occupera. En attendant de… Non, on verra ça plus tard.

En attendant quoi exactement ?

  • Je te conseille les Stephen King ou les Bernard Werber. Je ne sais pas du tout quels sont tes goûts mais personnellement j’adore les horreurs et les thrillers. Bon, c’est pas tout ça mais je dois aller à l’association.

Elle part vers le salon puis revient vers moi, une lueur d’espoir dans les yeux.

  • Tu veux peut-être m’accompagner ?

Je fais non de la tête et lui désigne un livre au hasard. Je ne vais absolument pas le lire mais je ne veux pas traîner derrière elle.

  • Les fourmis ? Très bon choix. Bonne journée mon Tristan.

Une fois Stéphanie partie, je ne sais absolument pas quoi faire. Je quitte la maison avec un sac, une bouteille d’eau et bien sûr mes pilules. J’erre sans but. Je vais devoir subir ça tous les jours ? Je me retrouve malgré moi sous mon arbre. Enfin… C’est toujours mieux que de retourner à l’école… Je sors le livre de mon sac.

Après tout pourquoi pas ?

Je monte au sommet de mon arbre et en commence la lecture.

BIP. BIP.

Tiens ? C’est quoi ça?

Absorbé que j’étais dans ma lecture, je n’ai pas vu le temps passé. Encore une dizaine de pages et je l’aurai fini. Werber est génial ! Il a un talent fou : qui aurait dit que la vie d’une fourmi pouvait être aussi intéressante ? Incroyable !

Je finis par réaliser que c’est mon portable qui sonne : je l’avais complètement oublié…

[Où es-tu ?]

Message de Stéphanie. Je prends le temps de lui répondre.

[Cachette secrète. Bernard Werber est génial. Je rentre]

Je n’arrive pas à croire que j’ai répondu ça. Je descends de mon arbre et me dirige vers le terrain vague…

VROUM ! VROUM !

Une moto. Elle pénètre sur le terrain vague et commence à faire des dérapages. Son conducteur est complètement fou. La moto finit par s’arrêter et il pose le pied à terre. Je vois ce qui me semble être un 50 cc rouge et noir : les lignes sont fines et le look racé. J’aime beaucoup le design de la carrosserie.

Lorsque la personne enlève son casque, je ne peux réprimer un frisson. Ces cheveux noirs striés de rouge ne peuvent appartenir qu’à une seule personne. Il se tourne alors vers l’endroit où je suis mais ne semble pas me voir. Sur la moitié de son visage, il porte un masque arborant le sourire du Joker. Ses yeux, légèrement caché par ses cheveux, sont encore plus troublants.

Whaou !

Avec son jean et sa veste de cuir posée sur un T-shirt blanc, il dégage une telle assurance ! Je n’ose pas me montrer. Appuyé contre sa moto, il dégage ses lèvres de son masque et allume une cigarette. Je ne peux détacher mon regard de lui. Il semble… désemparé. Son téléphone sonne.

  • Allô ? Ma ? (froncement de sourcil)… Tsss… Non, non, il n’est pas avec moi… (il crache au sol) Oui… Oui… (coup de pied rageur dans un caillou ) Très bien, je rentre. Oui… (soupir) Tout va bien ne t’inquiète pas. A tout de suite.

Il raccroche et sourit à son téléphone. Son sourire est doux, tendre. Il me transperce le cœur. Il jette son mégot au sol et après avoir remis son masque et son casque, enfourche sa moto et décolle.

Je me perds encore quelques secondes en regardant les volutes de poussière retomber, me demandant pourquoi j’agis comme un voyeur, avant de prendre la direction de la maison.

J’ai réussi à esquiver le dîner… en prétextant ne pas me sentir bien. Le regard glacial que Rey m’a servi en arrivant était éloquent… Stéphanie s’est montrée compréhensive et m’a apporté un sandwich dans ma chambre. Dans mon lit, je les entendais rire et discuter. Mon esprit n’aurait jamais pu supporter une chose pareille. Une famille normale. Un repas où on se raconte sa journée. Je ne fais pas partie de ce monde-là. Laissez-moi dans mes ténèbres. J’y suis depuis bien trop longtemps. Je m’endors la larme à l'œil, laissant mon sandwich sur la table de nuit.

Mon sommeil se dissipe lentement… J’ai entendu comme un bruit de froissement. Un frisson désagréable remonte le long de mon dos : je me lève comme un diable sorti de sa boîte. Mes rideaux semblent trembler légèrement.

J’ai rêvé ?

Je quitte mon lit et m’avance prudemment vers la fenêtre. Rien. Je l’ouvre et regarde sur le toit. Personne. La lumière de sa chambre est éteinte.

Pourquoi est-ce que je pense à lui ?

Je secoue la tête et retourne au lit sans m’apercevoir de l’ombre qui se tient dans l’embrasure de la fenêtre d’à côté.

Cela fait trois jours. Trois jours que Rey porte son masque au sourire maléfique et a un regard glacial uniquement pour moi. Il ne m’a plus adressé la parole… et bizarrement cela me blesse. Pourquoi ? Aucune idée. Un matin, il remontait dans sa chambre et moi je descendais pour le petit déjeuner. Nos regards se sont croisés et un frisson m’a parcouru… et son œil à lui s’est voilé. Je ne saurais définir quel sentiment dominait en moi à ce moment-là.

  • Tsss… Dégage, m’a-t-il dit.

Je l’ai laissé passer.

Je me surprends parfois à le regarder, plus que nécessaire. J’ai l’impression de connaître par cœur le haut de son visage. J’adore ses yeux : leurs formes, leurs couleurs. Même s’il y en a un d’éteint. J’aime croire que j’arrive à lire son regard, ses expressions.

Aujourd’hui, je ferme le dernier livre de la trilogie des Fourmis. Pour la première fois, j’ai pu m’évader dans un monde qui n’est pas le mien : la reconnexion avec ma vie est parfois brutale. Mais je m’y fais. Doucement mais sûrement. Mes pilules sont là pour ça. Je n’ai pas eu de crise de colère ces derniers temps… Il faut dire que je suis la plupart du temps amorphe… J’ai presque fini ma deuxième boîte de pilules… Je suis un drogué y’a pas à dire…

Je me relève… ma tête me tourne. Je réussis à stopper ma chute in extremis.

Qu’est-ce qui se passe encore ?

Ah oui… Je n’ai pas mangé depuis… euh… hier matin ? Enfin, je crois que c’était hier matin. Et si boire trois gorgées de café au lait signifie manger… Je fais preuve de plus en plus de malice pour cacher les sandwichs que Stéphanie me prépare. Je n’arrive pas à les manger…

Ouh là… Je ne me sens pas très bien. Ma vue se brouille lentement et je n’ai pas l’impression de marcher droit. Je réussis tout de même à quitter le bois… dans un semi-brouillard… Ma tête est lourde… Mes paupières aussi… Je vois mes pieds se frotter au sol et la poussière se soulever à chacun de mes pas…

Et… et… Je… Je…

Sombre…

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