Chapitre 14

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Lorsque je rentre à la maison ce soir-là, je sens que quelque chose cloche sans pouvoir déterminer quoi. Tout a l’air pourtant parfaitement normal. La maison est toujours en désordre… L’odeur de restes de nourritures moisis accompagnent le doux fumet de l'alcool… Et elle… Elle est dans la même position que d’habitude. Affalée dans le canapé, les yeux vitreux, une bouteille à la main.

Plus que quelques mois et je sortirai de cet enfer.

Je suis en 3e et nous sommes presque à la fin de l’année. La CPE m’a foutu la paix et nous allons bientôt faire nos vœux pour le lycée. Je projette de prendre des options qui m’éloigneront le plus possible de cet endroit. Je serai à l’internat, là où personne ne me connaîtra. Elle finira bien par crever elle aussi, non ?

Je n’éprouve plus rien pour cette femme. Si je prenais encore le temps de la nourrir il y a un an, plus maintenant. Ça fait presque trois ans que je suis orphelin : sa mort physique a sonné sa mort psychologique. C’est une loque et moi un boulet.

Je monte dans ma chambre et me déshabille. Je me regarde dans le miroir : je fais vraiment peine à voir. Je peux voir les quelques bleus de mes dernières bagarres et je m’étonne même de ne pas m’être brisé. Il ne me reste que la peau sur les os : je passe mes doigts sur mes côtes et les os de mes hanches. C’est affreux à voir. Mon visage est émacié et mes pommettes sortent beaucoup trop. Je n’ose pas imaginer le résultat si je ne grignotais pas quelques morceaux de pain ramenés par des élèves dans la cour…

J’ai seize ans dans six mois et je parais en avoir à peine treize. Je soupire, dégoûté par ma propre image. Je mange à peine, il faut dire que l’argent ne passe plus que dans l’alcool… Je descends à la cuisine, histoire de voir s' il y a quelque chose à se mettre sous la dent. Je fouille dans les placards et le frigo mais rien.

Pas grave. De toute façon, je n’ai pas faim. Maman n’est plus allongée dans le fauteuil.

Tiens ? Elle est passée où ?

En fait, peu m’importe, tant qu’elle ne sort pas de l’appartement. La porte d’entrée est fermée à double tours et l’unique clé est avec moi. Je remonte dans ma chambre. Je suis tellement fatigué que je m'effondre sur mon lit, en soulevant un nuage de poussière. Je m’endors quasi instantanément.

Il fait chaud. Trop chaud. Que se passe-t-il ?

Soudain, j’entends des craquements, des sifflements. Des bruits de… de flammes ? J’ouvre les yeux difficilement : ça pique et j’ai du mal à respirer. Une lourde fumée noire inonde ma chambre. Mes rideaux sont en feu ainsi qu’une partie de la moquette au sol. Une odeur nauséabonde supplante celle de la fumée. Je commence à paniquer et veux sortir de mon lit. Mes jambes frêles se mêlent dans mes couvertures et je n’arrive pas à me lever.

  • Ne bouge pas, Tristan.

Le ton employé ne supporte pas qu’on lui désobéisse. Maman est debout devant la porte et je suis ébahi par le spectacle qu’elle m’offre. Mes yeux s’ouvrent en grand : elle tient une planche enflammée à bout de bras, trop saoule pour sentir sa peau brûler. L’odeur est insupportable…

  • Maman ? Mais qu’est-ce que tu fais ? Tu es en train de brûler !
  • Je vais en finir avec toi et ramener mon Chris. Tu vas prendre sa place. Toi qui est si inutile. Tu n’es qu’un boulet. Un bon à rien. Mais tu sais que je t’aime malgré tout… Mais je préfère Christian… Je vais le ramener en te sacrifiant. Tu peux bien faire ça pour moi, hein?
  • Maman…

Ma voix est plaintive. Elle a fini par perdre la tête… Me tuer pour ramener papa ? Quelle connerie ! Elle s’approche doucement d’abord puis d’un bond elle se retrouve sur mon lit. Je suis tétanisé. Elle pose sa planche enflammée sur ma poitrine. La douleur est horrible : je hurle, la supplie pour qu’elle me lâche. Je me débat et arrive à la désarçonner. Je tombe au sol, abruti de douleur. Elle m’attrape une jambe en criant, sa planche dans l’autre main. Je sens un liquide poisseux contre ma cheville. Son sang.

  • Tristan ! TU VAS PRENDRE LA PLACE DE TON PÈRE !

Elle me frappe encore et encore avec sa planche, me brûlant partiellement la peau, ici et là. Je m’affale au sol, pleurant de douleur tant physique que morale. Allongé sur le ventre, je sens son poids sur mon dos. Ma poitrine est devenue insensible comme si elle n’existait plus. Elle applique sa planche enflammée dans mon dos et je ne peux que hurler. Les flammes me dévorent la chair. C’est insupportable.

À ce moment-là, un pompier entre dans la pièce et la plaque au sol pendant qu’un autre me prend dans ses bras pour me sortir de cet enfer. J’entends ma mère hurler :

  • NON ! CET ENFANT DOIT MOURIR ! IL EST INUTILE ! C’EST UN BOULET ! C’EST PAR AMOUR QUE JE LE TUE ! RENDEZ-MOI MON CHRISTIAN ! PAR PITIÉ ! Rendez-moi mon Christian…

Ces derniers mots sont noyés par les larmes qu’elle verse, non pas pour moi mais pour celui qu’elle a perdu.

Elle a raison… J’aurai dû mourir à sa place.

Ce sont là mes dernières pensées avant de plonger dans un sommeil sans rêve.

Rey est là, face à moi, contemplant la marque “d'amour” que ma mère m’a laissé. La cicatrice traverse ma poitrine de part en part : elle débute sur mon flanc droit pour remonter en diagonale vers mon épaule gauche et est large de dix centimètres par endroit.

J’ai été brûlé au troisième degré, ce qui a nécessité des transplantations de peau et une convalescence de plus de trois mois. Un travail plus ou moins bâclé : je n’avais les moyens qu’elle soit esthétique. Je ne serai jamais guéri, ma cicatrice sera toujours là pour me rappeler mon passé.

Rey s’approche lentement, sa prunelle dorée plantée dans mes yeux noisettes. Je me mets debout, inquiet. Il lève la main pour me toucher mais elle reste en suspens dans les airs à quelques centimètres à peine de mon corps. Bien qu’elle ne me fasse plus mal, j’appréhende quand même et ferme les yeux. Je ne ressens plus grand-chose à ce niveau : selon les chirurgiens, mes terminaisons nerveuses à cet endroit-là ont été brûlées.

Sa main retombe le long de son corps. Il me contourne et constate que j’en ai une aussi dans le dos qui débute à la naissance de mes fesses jusqu’à la base de mon cou. Je ne peux arrêter le torrent de larmes qui inonde mon visage. Il ne m’a pas touché. Je crois bien que je le dégoûte. J’entends le bruit du 4x4 dans le garage. Je me retourne alors vers Rey. Il s’est assis sur le lit, la tête entre les mains.

Je crois que ça veut tout dire.

Sans un mot, je sors de sa chambre.

Ma nuit a été mouvementée : après avoir pleuré comme un idiot, j’ai tenté de m’endormir pour oublier mais dès que mes yeux se fermaient je voyais soit des barrières de flammes soit le dégoût dans des prunelles à l’azur dorée. J’ai à peine réussi à fermer l'œil. Vers trois heures du matin, dépité et complètement las, j’ai hésité à prendre trois pilules pour finalement en avaler deux et j’ai enfin pu somnoler.

Nous sommes lundi et Arnold m’attend de pied ferme pour aller au lycée. Il a demandé sa matinée exprès pour pouvoir m’accompagner. Je ne sais pas si je dois en être enchanté ou non. Je me sens tellement fatigué : je n’ai la force de rien. Je me suis mis en mode automatique, pour ne pas trop les décevoir, levant les yeux quand on me parle et hochant la tête quand il le faut. Je ressens à nouveau le vide du rejet. Ce vide que je connais si bien. Ce vide si familier.

Après avoir pris un petit déjeuner léger, accompagné en douce d’une pilule, nous prenons la voiture pour nous rendre à l’établissement. La moto de Rey est toujours dans le garage, je soupire lorsque je la vois et les larmes me montent aux yeux comme si une flèche venait de se ficher dans mon cœur, marquant ainsi mon premier vrai sentiment depuis mon réveil.

Voudra-t-il toujours de moi ? Voudra-t-il seulement encore me parler ?

  • Ne t’en fais pas va, me chuchote Ma en aparté, comme si elle lisait dans mes pensées, Rey ne reste jamais longtemps fâché…

Je ne crois pas, non. Il n’est pas fâché. Il est juste… dégouté… Dégouté de ce que je suis… De moi… Je n’arrive même pas à lui sourire. Je me sens comme au ralenti : ce n’est pas moi qui vis cette journée, c’est un alter ego. Un pas après l’autre, le reste on verra après.

Le lycée n’est pas très grand, je suppose que tout le monde connaît tout le monde ici. C’est bien ma veine… Le premier cours a déjà commencé et l’enceinte est plutôt vide lorsqu’on y pénètre. L’agent d'accueil nous escorte jusqu’au bureau de la proviseure et nous demande d’attendre.

Depuis combien de temps sommes-nous là ? Aucune idée. Je me suis enfoncé dans une espèce de brouillard blanc pour éviter de comprendre où je suis.

  • Calme-toi, Arnold. Elle ne devrait plus tarder à arriver.
  • Cela fait plus d’une demi-heure, tout de même !

Une demi-heure ?

La porte du bureau finit par s’ouvrir et une femme d’une soixantaine d’années nous sourit, l’air de rien…

  • Monsieur et Madame Renaud, merci d’avoir patienté. Je suppose que vous êtes le jeune Tristan ?

Je sors peu à peu de ma léthargie et la regarde. Grande et élancée, Mme Luxus a blanchi ses cheveux, qu’elle a long jusqu’au niveau des épaules. Ses yeux noisettes sont perçants et semblent lire en vous facilement. Elle nous fait entrer dans son bureau, plutôt impersonnel. Aucune photo ni affiche qui ne concerne pas l’école. Sur son bureau trône un ordinateur dernier cri, entouré d’une dizaine de pots contenant crayons, stylos et autres accessoires de bureau, ainsi qu’une montagne de dossiers colorés. Elle nous invite à nous asseoir en face d’elle, dans des fauteuils en cuir peu confortables.

  • Que puis-je pour vous ?
  • Voilà. Ce jeune est chez nous depuis environ un mois et…

Arnold me regarde intensément. Je commence à peine à reprendre un contact réel avec le monde de dehors et ne comprends pas ce qu’il me veut. Devant mes yeux vides, il reprend.

  • … Et il a des difficultés à reprendre le chemin de l’école.
  • Des difficultés ? De quel ordre ? Scolaires ? Ou… autres ? demande-t-elle en me fixant.
  • Psychologiques, répond Ma, avec son aplomb naturel. Il semblerait qu’il développe une phobie scolaire. Nous sommes ici aujourd’hui pour vous demander d’accorder à notre Tristan un emploi du temps aménagé. Arnold lui a trouvé un travail dans une boutique du centre commercial mais comme il ne doit pas couper les ponts avec les institutions scolaires, nous avons pensé qu’il pourrait, je ne sais pas moi, venir en cours le matin, pour se réhabituer, puis aller travailler l’après-midi par exemple.

Mme Luxux se tait et me regarde, sans aucune émotion apparente.

  • Et vous, jeune homme, qu’en pensez-vous ?
  • Tristan ne parle pas, madame, annonce clairement Arnold, en fronçant le sourcils, légèrement agacé. Je pensais vous l’avoir dit.
  • Effectivement, mais je voulais m’en assurer par moi-même. Messieurs, dames sachez qu'il y a des règles à respecter. Nous ne pouvons pas sur votre simple demande organiser un emploi du temps aménagé d’un claquement de doigt. De plus, ce jeune a accumulé un certain retard dans les apprentissages. Il n’a pas effectué les six derniers mois de sa troisième. Cela me paraît assez compliqué…
  • Avez-vous ne serait-ce que jeté un œil à son dossier ? la coupe Stéphanie qui, malgré son air tranquille, semble bouillir sur place.
  • Je vous demande pardon ?
  • Avez-vous regardé son dossier scolaire ? maintient-elle.

Mme Luxus incendie Ma du regard et fouille frénétiquement dans ses papiers. Elle en sort une enveloppe kraft sur laquelle mon nom est inscrit au feutre noir. Elle parcourt rapidement les feuilles qu’elle contient. Son visage se décompose.

  • Bien, bien… Je vais voir avec mon adjoint si nous pouvons trouver une solution. Merci de patienter encore un instant.

Je ne comprends pas trop ce qui se passe devant moi. Que peut bien contenir cette enveloppe de si extraordinaire ?

  • Ton dossier scolaire, réponds Ma à ma question silencieuse. Tes notes ont toujours été excellentes et elle ne peut rien contre ça. Elle est aussi partiellement au courant de ce qui s’est passé avec ta mère. Rassure-toi. Tout ce qu’elle sait, c’est que ta mère est hospitalisée, c’est tout. Elle ne connaît rien du reste. Elle n’a pas à savoir ça.

Je me détends un peu. La sonnerie retentit, nous faisant sursauter tous les trois. Nous rions doucement de notre stupidité. Je regarde par la fenêtre les élèves se précipiter dans la cour et les couloirs. La peur m’envahit à nouveau et je me mets à trembler. Ma prend ma main dans la sienne.

  • Tout va très bien se passer, tu verras.

Au bout d’une heure d’attente, Mme Luxus revient avec un dossier. Elle accepte notre demande et officialise le tout avec le lycée et le rectorat. Il est dix heures passé. Je ne commencerai les cours que demain matin. J’ai encore obtenu un sursis, ce qui ne me déplait pas.

Mme Luxus me remet un emploi du temps : je ne serai pas dans une seule classe à proprement parler. Je vais me partager entre plusieurs secondes afin de pouvoir fréquenter le maximum de cours : trois heures le lundi, deux le mardi, deux le mercredi, trois heures trente le jeudi et enfin deux heures trente le vendredi. Soit treize heures par semaine. Toutes uniquement le matin.

C’est un cauchemar…

Nous quittons l’établissement aux alentours de onze heures.

  • Bon, allons déjeuner, nous déposerons Tristan à la boutique juste après, propose Ma.
  • Ça ne va pas être possible pour moi, Stéphanie. Je dois prendre la relève de 12h30. Je te ramène à la maison ?
  • Non, je prendrai le bus pour rentrer. Je vais rester avec Tristan.
  • Très bien. On se voit ce soir ?

Après avoir embrassé Stéphanie et m’avoir fait une accolade, Arnold nous quitte.

  • Bon alors ? Qu’est-ce qui te chiffonne depuis ce matin ?

Je la regarde, partagé entre l’envie de lui dire la vérité et la honte de ce que je ressens. Finalement, je ne lui dis rien, préférant baisser les yeux.

  • Bon… Commençons par le commencement. Un burger s’impose.

Elle m’emmène non pas dans un fast-food mais dans un petit bistro du centre commercial où, je cite, “ils servent les meilleures potatoes de la ville !” Nous nous installons dans un box au fond de la salle. L’endroit est douillet : fauteuils en tissus rouges, tables en bois et pour éclairage des lampions de papiers dorés.

  • Tu n’es pas obligé de me parler. Mais je m’inquiète, Tristan. Tu n’es déjà pas très gros mais tu sautes des repas. Tu avais commencé à me parler mais à nouveau tu t’emmures dans le silence. Parle-moi. S’il te plaît.

Je n’ose pas. Je n’arrive pas à mettre les mots sur ma douleur, son rejet, son abandon. Mes sentiments sont clairs : j’aime Rey, je l’aime plus que tout. Mais en ai-je le droit ? Comment se fait-il que moi, un garçon, je puisse en aimer un autre ? Et surtout espérer qu’il puisse m’aimer en retour ?

Nos baisers me reviennent en mémoire. Le violent et le plus doux. Les sensations qu’ils ont pu laisser sur ma peau, sur mes émotions. Puis je revois son dégoût et mon cœur se brise.

  • C’est à cause de ton retour à l’école ?

Non… En tout cas, pas totalement…

Je ne fais que secouer la tête.

  • Bon alors, c’est nous ?

Je la secoue plus énergétiquement. Je ne veux qu’elle pense qu’elle est en tort. Elle est l’un de mes meilleurs soutiens depuis toujours. L’une des meilleures choses qui ne me soit jamais arrivée.

  • C’est… Rey ?

Mes yeux s’élargissent et mon palpitant s’affole. Je ne peux pas la regarder. Je voudrais lui dire oui, que c’est lui la cause de… de… de quoi d’ailleurs ? Ma souffrance ? Mon amour pour lui ? Mon sentiment d’abandon ? Je ne sais pas moi-même.

  • Vous vous êtes disputés ? Il a été méchant envers toi ? Tristan, parle-moi ! Ce silence est une vraie torture !

Je prends mon courage à deux mains et me lance.

  • Non, Ma… je murmure. Il n’a pas été méchant. Je… Nous… Nous nous sommes un peu pris la tête… C’est à cause de moi. De… De mes bêtises…

Je décide de prendre sa défense. Il ne manquerait plus que Stéphanie l’engueule à cause de moi…

  • Tu sais Tristan… Rey n’a pas non plus eu une enfance facile…

Ses cicatrices me reviennent alors en mémoire.

  • Il lui a fallu du temps pour s’ouvrir aux autres, poursuit-elle. Lorsqu’il a su que tu arrivais, il était partagé… Il ne voulait pas d’un petit frère à cause… à cause de son expérience personnelle. Mais… c’est étrange… Depuis que tu es là… Je ne sais pas… Tu… Tu lui fais du bien, je crois. Tu as tout de suite su comment capter son attention.

Qui moi ? Je ne crois pas… Après tout, il m’a rejeté pas plus tard qu’hier soir…

  • Tu sais… Je ne devrais peut-être pas t’en parler mais tant pis… Durant une période, Rey est tombé dans un engrenage de violence. Il avait à peine quatorze ans lorsqu’il est arrivé chez moi et il débordait de colère : contre lui, contre son père, contre le monde entier ! Il était souvent mêlé dans des histoires sordides de bagarres, le plus souvent avec des personnes beaucoup plus âgées que lui… Je ne compte plus les fois où j’ai dû aller le chercher à la gendarmerie ou à l’hôpital ! Je ne pouvais pas le laisser tomber ! Après tout, il est le fils de ma sœur…

Pardon ?!

Elle ne semble pas s 'être rendue compte de ce qu’elle vient de dire et poursuit sur sa lancée.

  • Puis je lui ai présenté Erika : je l’ai connue grâce au comité de parents d’élèves du collège et elle aussi avait eu des déboires avec la police étant plus jeune. Elle l’a traîné de force au Akuma et a réussi à canaliser sa colère à force de persévérance.

Elle se tait, soudain nostalgique.

  • Et puis… Il a changé… Petit à petit… Il souriait plus, faisait moins de conneries… Les seules choses sur lesquelles je ne suis pas d’accord ce sont ses cigarettes et ses piercings ! Mon dieu ! Il en a beaucoup trop ! D’ailleurs… Je n’ai toujours pas accepté celui sur la langue… Quelle horreur !

Stéphanie réussit à m’aracher un sourire… puis je me remémore la sensation de son piercing sur ma langue et pique un fard. Elle reprend son monologue.

  • Enfin, tu es arrivé… Je craignais sa réaction… Lorsque je le lui ai annoncé, il n’a pas bronché : pas de crise de panique ou de colère. Rien. J’ai franchement été surprise. Lorsqu’il t’a ramené sur son dos quelques jours après ton arrivée… Son visage reflétait une sincère inquiétude. Il ne t’a pas lâché d’une semelle. J’ai alors compris que ça collerait entre vous.

Je manque de m'étouffer avec ma gorgée de jus d’orange.

  • Pas la peine de t’étouffer, fait Ma en riant. Rey est peut-être difficile mais quand il aime quelqu’un, c’est avec sincérité. Tu n’as donc pas de raison de t’en faire. Il ne reste pas fâché très longtemps.

Elle me caresse les cheveux en me disant ça. Je ne sais pas pourquoi mais cela me met du baume au cœur. Nous finissons de manger, dans un silence complice.

Stéphanie me dépose près de la boutique à 13h30. Cette dernière à l’air un peu luxueuse. La devanture est noire et dorée avec une vitrine immense composée de trois mannequins et de divers accessoires. Elle s’appelle Coquine : un nom assez évocateur. La porte s’ouvre avec le tintement d’une douce clochette : Hannah me fait signe d’entrer en me souriant chaleureusement.

  • Tristan ! Entre ! La boutique n’ouvre que dans une demi-heure. Viens, je vais te faire faire le tour.

L’espace est bien occupé : tout est placé en harmonie pour éviter la sensation d’étouffement ou de bric à brac. Il y a quelques tableaux, savamment placés et éclairés pour attirer l’attention sur les produits situés juste en dessous. Les cabines d’essayages se trouvent au fond du magasin, juste à côté de la porte de la remise. Cette dernière donne directement dans la rue où se trouve les zones de livraisons.

Pratique.

Hannah m’explique quoi faire : déballer tel et tel cartons, mettre les vêtements sur des cintres et les étiqueter. Une fois terminé, je dois la retrouver dans la boutique pour les placer. Je m’attèle à la tâche.

Durant toute la durée du travail, je ne pense à rien. C’est agréable d’avoir l’esprit occupé par autre chose que par mon brun aux mèches rouges. Ma tension s’est allégée et je ne ressens plus cette douleur sourde. Juste de la tristesse.

Une fois le dernier vêtement étiqueté, je m’éponge le front : il fait une de ces chaleurs dans cette remise ! Je retrouve Hannah dans la boutique pour lui dire que j’ai fini. La porte s’ouvre dans un doux tintement de cloche.

  • Grande soeur ! fait une voix plaintive que je reconnais aussitôt.

Elle s’arrête net en me voyant, ses deux poings sur les hanches et plante ses prunelles vertes dans les miennes.

  • Qu’est-ce qui fait là, lui ? demande Lydia d’un ton sec.

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