Chapitre 15

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La température de la pièce vient soudainement de chuter de plusieurs degrés. Lydia ne me lâche pas des yeux. Elle me paraît en colère. Personnellement, je ne ressens rien en la voyant : ni haine, ni jalousie. De l’indifférence ? Peut-être. Je ne sais toujours pas ce qu’elle représente aux yeux de Rey. Mais vu ce qui s’est passé hier… Hannah nous dévisage tour à tour avant de lever les yeux au ciel.

  • Vous vous connaissez ? Ah oui… J’oubliais… Il vit chez ton Rey chéri…

Je tique plus pour la marque de possession que pour celle d’affection. Hannah soupire avant de s’adresser à moi.

  • Tristan ! Va me placer ces cintres sur le portant là-bas. Je crois qu’il nous reste un carton de jupes dans la remise. Vérifie. Si jamais il y est, déballe-le et étiquette les vêtements. Ce sera tout pour aujourd’hui.

J’acquiesce et prend les chemises qu’elle me tend. Je me dirige vers le fond de la boutique, soulagé de ne pas avoir à supporter la jolie rouquine.

  • Qu’est-ce qu'il fait là ? demande à nouveau Lydia.
  • Cela ne te regarde pas. C'est ma boutique et j'emploie qui je veux. Et toi alors ? Que me vaut l’honneur ? Cela fait bien trois semaines que je ne t’ai pas vue…

Je n’entends pas sa réponse et m’engouffre dans la remise. Effectivement, il reste non pas une mais deux caisses de jupes.

Au boulot.

Affairé que je suis dans mon étiquetage, je n’aperçois Lydia que lorsque celle-ci s’assoit face à moi, sur l’une des caisses non déballées. Ses yeux n'expriment plus aucune colère. Je la regarde, un peu étonné de ce changement d’humeur puis me replonge dans ma tâche. Cinq minutes passent sans qu’elle ne me parle.

  • Il m’a jeté.

Ces quelques mots restent suspendus entre nous. Mon cutter s’est arrêté, le temps que je m'imprègne de ses paroles. Je lève alors les yeux vers elle et les siens sont pleins de larmes. Je pose lentement mon outil et pour je ne sais quelle raison je m’approche et la serre dans mes bras frêles. Elle commence par se débattre puis se laisse aller. Elle finit par éclater en sanglots et me frappe la poitrine.

  • Pourquoi ? Pourquoi hein ? C'est à cause de toi ! J’en suis sûre ! Il n’est plus le même depuis que t’es là ! Qu’est-ce que tu lui as fait ?
  • Je… Je ne sais pas moi-même…

Je lui ai répondu sans même m’en rendre compte. Elle s’arrête et me regarde. Elle est vraiment belle, malgré ses yeux rougis par les larmes qu’elle essuie rageusement. Je m’assois près d’elle et Lydia soupire.

  • Ça fait bientôt cinq ans que je connais Rey. Il a débarqué au collège avec son handicap, ses mauvaises manières, son comportement de bad boy… Son visage reflétait toujours une immense colère et son œil marron était toujours froncé… Je n’ai jamais su pourquoi… Personne ne voulait le fréquenter. Mais moi… Moi, j’ai osé. J’ai commencé à lui parler. Bien entendu, il m’a jeté direct… Mais je me suis accrochée. Petit à petit, j’ai réussi à percer sa carapace…

J’imagine Rey à quatorze ans. Sa prunelle dorée si expressive à côté de son œil azur mort. Il venait de sortir d’un enfer mémorable si j’en crois ses cicatrices et les dires de Ma. Il devait être dans une colère monstre et je connais ce sentiment. L’envie de ne voir personne. Ou alors cette envie de tuer tout ce qui se présente sous tes yeux. Je comprends qu’il ait d’abord rejeté l’amitié de cet ange roux.

  • Je n’ai jamais vu Rey comme un simple ami, continue-t-elle. Je crois que j’ai toujours été amoureuse de lui.

Je ne sais pas quoi faire de cette révélation, bien qu’au fond je le savais déjà.

  • Pourquoi… Pourquoi tu m’avoues ça ?
  • Je… Je ne sais pas. Peut-être parce que j’ai l’impression que tu ressens la même chose que moi ?

Je déglutis, estomaqué. Ça se voit tant que ça ? Lydia rit doucement devant mes yeux exorbités et le rouge qui m’est sûrement monté aux joues. J’ai le visage en feu.

  • Je le savais. La réaction que tu as eu samedi était bien trop parlante à mes yeux. Seul un amoureux jaloux aurait eu la même.

Je me recroqueville sur moi-même, un peu honteux. Que va-t-elle penser ? Si elle l’a perçu ainsi, Ma et Arnold aussi ? Et qu’en est-il de… Rey ?!

  • Tu as honte d’être amoureux ? me questionne-t-elle, surprise.
  • Je… enfin… C’est… Bizarre, non ?
  • Quoi ? Qu’un garçon en aime un autre ? Pas du tout.

Elle s’appuie sur le mur derrière elle et fixe ses yeux dans les miens tout en disant cela. Je reste sans voix. Cette fille est vraiment pleine de contradictions. Elle vient de m’avouer être amoureuse du garçon que j’aime moi-même et m’encouragerai presque à assumer mes sentiments.

  • Tu sais, poursuit-elle, je ne te connaissais même pas que je te détestais déjà. Lundi, tu sais que Rey est venu me rejoindre, n’est-ce pas ? (Je hoche la tête en faisant la grimace, ce qui la fait sourire.) J’étais aux anges. J’ai un petit appartement en centre ville, un caprice je l’avoue, et lorsqu’il est arrivé chez moi pour me demander de l’héberger pour la nuit, j’ai bien cru que… Enfin voilà quoi, pas besoin de te faire un dessin…

Elle rougit violemment, en essayant de le cacher de ses petites mains. Elle est vraiment trop mignonne. Une pique de jalousie perce mon cœur.

Effectivement, pas besoin de me faire un dessin.

  • Eh bien… Même pas. Il a été morose toute la soirée et s’est endormi très tôt. J’ai bien essayé de le dérider, même de le séduire mais rien n’y a fait. Pour tout t’avouer, j’avais sorti ma nuisette la plus sexy mais il ne l’a même pas remarqué ! Au fait… C’est bien toi… Son petit lion ?

Je sursaute en entendant mon surnom dans sa bouche. Ça me fait un effet bizarre. Je réalise avec effarement que seul Rey a le droit de m’appeler comme ça. J’ouvre la bouche pour lui répondre…

  • C’est bien ce qui me semblait, me coupe-t-elle. Il n’a pas arrêté de marmonner ton prénom et des “mon petit lion” toute la nuit. J’étais exaspérée ! Surtout qu’il avait passé toute la journée du dimanche avec toi ! Tu le hantais même dans son sommeil…

Je dois avouer ressentir de la fierté. Ainsi, moi aussi j’ai réussi à percer dans les rêves de mon démon angélique. Lydia s’arrête et ramène ses genoux à elle. Elle y pose ses bras puis appuie sa tête sur le mur derrière, de sorte que je ne vois plus son visage. Je n’aperçois que les larmes qui coulent de ses yeux à son cou.

Mon dieu…

  • Et puis… Et puis, il y a eu hier… Je savais que je n’aurais pas dû me présenter à toi comme sa petite amie… Mais j’étais furieuse. Furieuse et jalouse. Je n’ai pas mesuré la portée de mes mots. Il m’a donné rendez-vous au centre commercial. Je me suis faite belle et bien entendu j’ai accouru. Je supposais qu’il voulait se faire pardonner après m’avoir lâché au ciné…

Ah?

  • Il était là, assis sur un banc, beau comme un dieu, fait-elle, rêveuse. Ses yeux étaient déterminés. Il semblait avoir enfin pris une décision. Il s’est approché de moi et a pris ma main. Mon cœur s’est affolé… Il s’est penché et m’a embrassé. Doucement. Juste ses lèvres sur les miennes. Je n’en revenais pas. J’étais si heureuse… J’ai passé mes bras autour de son cou et… Il m’a repoussé. Violemment. Puis… Il s’est essuyé la bouche. “Je ne peux pas.” Voilà ce qu’il m’a sorti. Je suis passée par des montagnes russes. Un sentiment de haine s’est soudain emparé de moi et je l’ai giflé le plus fort possible avant de partir en courant.

Je viens moi-même de passer par des montagnes russes : fierté de le hanter, compassion pour cette jolie rousse, jalousie pour ce baiser et maintenant… confusion. Il a juste posé ses lèvres sur les siennes… Avec moi, nos langues se sont emmêlées dans une danse torride. Mais elle ne doit pas le savoir, je ne veux pas la faire souffrir encore plus.

  • Voilà, tu sais tout, me dit-elle, en essuyant son visage. Je ne suis pas la petite amie de Rey et je crois bien que je ne le serais jamais. Désolée de t’avoir menti.
  • Je ne comprends toujours pas pourquoi tu me racontes tout ça…

Elle a un rire amer.

  • Moi non plus… En fait, je ne peux parler de Rey à personne. Dans ma famille, on ne l’aime pas beaucoup tu vois… Donc… Ne me restait que toi.
  • Ah… Ça se tient… mais ça reste quand même bizarre. Je te rappelle que tu me détestes. Tu es bizarre.

Elle me regarde, interloquée, avant d’acquiescer l’air faussement grave puis de me sourire.

  • Mouai… Pas faux… Mais en termes de bizarrerie… Tu n’es pas en reste. Pourquoi tu me parles, à moi ?

À mon tour de rire.

  • Aucune idée… C’est venu… Tout seul. Au début, je ne parlais pas parce que je ne voulais pas. À force, c’est devenu un handicap : je n’arrive plus à parler comme avant. Pour l’instant, il n’y a que trois personnes qui ont entendu ma voix : Rey, Ma et toi.
  • Dans l’ordre chronologique je parie ?
  • Exact.

Elle se lève et époussette ses vêtements avant de me regarder droit dans les yeux.

  • Je réitère mon avertissement. Rey est à moi. Je compte bien me battre pour lui.
  • Que le meilleur gagne alors.

Je suis étonné par ma propre véhémence. Après tout, il y a des choses qu’elle ne sait pas comme nos baisers échangés. Elle ouvre grand les yeux et sourit de manière sournoise.

  • Je compte bien être la meilleure.

Elle tourne les talons et s’en va. Je souris comme un idiot avant de terminer ce qu’Hannah m’a demandé, le coeur un peu plus léger.

Il est 17h00. L’après-midi est passée à une vitesse incroyable. Je n’ai pas eu le temps de penser à…

Après m’avoir déposé, Hannah me lance un joyeux “à demain !” avant de repartir. Je remonte l’allée et sent un regard brûlant sur ma peau. Je lève les yeux pour rencontrer ceux de Rey. Torse nu, il est assis sur le toit, un genou remonté près de son visage, une cigarette fichée dans ses lèvres. Il est magnifique. Le temps s’est suspendu. Mes prunelles noisettes se sont plongées dans son azur doré et mes jambes se sont mises à trembler. Il me fait signe de monter. J’entre dans la maison presque en courant et manque de tomber dans les escaliers. Arrivé dans ma chambre, je prends une grande inspiration avant de m’aventurer par la fenêtre.

Je grimpe sur ma lucarne. Rey se trouve à environ deux mètres de moi. Je n’ose pas m’approcher plus, je me sens… intimidé ? C’est le seul mot qui me vient à l’esprit. Mon cœur bat la chamade, surtout que j’ai involontairement posé mes yeux sur ses lèvres. Lèvres qui se meuvent en un sourire démono-carnassier.

  • Ma bouche t’attire mon petit lion ?

Un énorme soulagement envahit ma poitrine. Mon Rey est de retour. Ce Rey vicieux, moqueur qui a su me conquérir. Je me tourne alors vers lui, en affichant un air limite dédaigneux…

  • Et puis quoi encore ? Ne prends pas tes rêves pour la réalité, mon démon angélique…

Ses yeux s’arrondissent de surprise devant son surnom et ses joues se teintent légèrement de rose.

Je rêve ! Il a… rougi ?

Il cache la moitié de son visage de sa large main avant d’éclater de rire. Je le rejoins dans son hilarité.

  • Ton démon angélique hein… Alors ta journée ?

Nous discutons comme ça sur le toit pendant plus d’une heure, jusqu’au retour de Ma et d’Arnold. Je lui raconte l’épisode au lycée et celui à la boutique, en omettant volontairement mon état d’esprit et… mes discussions avec Ma et Lydia. Je ne veux pas gâcher ce moment. Lors du repas, je sens une légère tension dans l’atmosphère.

  • Tristan, nous n’en avons pas eu l’occasion de discuter de ça mais pour le transport au lycée…
  • Aucun problème, Ma, coupe Rey. Je l’emmènerai moi-même tous les matins. Mon… nouveau job se trouve à deux pas du lycée… et je commence aux environs de 8h00 tous les jours…

Nouveau job ? Quoi ? Attends ? C’est lui qui m'emmènera au lycée tous les jours ?

  • Tu as eu un… travail ? demande Stéphanie, à la limite de l’impatience.
  • Oui, Ma. Je vais pouvoir commencer ma formation dès demain. Je signe le contrat mercredi avec la patronne.
  • Félicitations, mon grand !

Elle le serre dans ses bras et l’embrasse.

  • Ah ! Ça, c’est bien mon fils ! Je suis fier de toi Rey ! renchérit Arnold en lui donnant une tape sur l’épaule.
  • Merci, Arnold.

Rey se met la main sur la nuque et semble gêné. Il faut dire qu’Arnold n’est pas souvent affectueux.

  • Bon, la question est réglée alors, tranche-t-il. À table !

Rey va commencer un BTS en alternance en tant qu’adjoint administratif. Il a eu le bac il y a maintenant un peu plus d’un an mais ne voulait pas continuer dans le domaine scolaire. Il a finalement décroché un contrat dans une petite entreprise de surveillance.

Beaucoup de questions se bousculent dans ma tête… Je ne sais pas par où commencer. Tout le monde est couché depuis bientôt deux heures et le sommeil ne veut pas venir… Rey non plus… Pourtant… Pourtant, je brûle d’envie de le sentir contre moi.

Je n’arrive toujours pas à croire la nature de mes sentiments. Ressentir de l’amour, un amour aussi fort, aussi indispensable, en l’espace d’un mois ? Est-ce seulement possible ? Je n’ai aucun point de comparaison… Il faut dire que la vie ne m’a pas donné l’occasion de pouvoir aimer ou d’être aimé… Après tout… Qui voudrait ou aurait voulu d’un déchet comme moi ? Ma propre mère a souhaité ma mort…

Comme en écho à mes sombres pensées, je sens une main chaude se faufiler un passage sous mon T-shirt pour m’attirer contre lui. Ma peine et mon désarroi s’envolent comme par magie. Sa bouche se pose dans mon cou et ses cheveux me chatouillent. Je ne l’ai pas entendu entrer.

  • Coucou, mon petit lion…

Sa voix est rauque, incertaine. Je serre sa main dans la mienne et soupire.

  • Salut, mon démon angélique.

J’arrive à deviner mon sourire démono-carnassier préféré. Sa main remonte toujours plus haut sous mon vêtement et je me crispe. J’essaie de me détendre, en vain. Pourtant, il l’a vu, il sait qu’elle est là, cette marque que j’aurai à vie. J’ai envie de l’arrêter, qu’il ne la touche pas… Je… Je… Il s’arrête juste à la limite entre ma peau saine et ma peau brûlée. Son visage n’a pas quitté mon cou.

  • Tu… Tu… marmonne-t-il, rhhhaaa… Tu es beaucoup plus fort que moi, mon petit lion…

Je… Quoi ?

Sa déclaration me prend au dépourvu. Moi ? Je serais plus fort que lui ? Je ne peux m’empêcher de rigoler.

  • Je ne crois pas, non…
  • Et pourtant… Tu as su regarder et toucher mes cicatrices sans faillir et moi… moi… J’ai…

Je me retourne pour lui faire face. Son œil doré est rempli d’incertitudes, de craintes. Je ne veux pas le voir ainsi. Je veux le Rey vicieux, joueur, même le colérique mais pas le Rey désespéré. Non. J’encadre son visage de mes petites mains et le force à soutenir mon regard. Je m’approche de lui, mes intentions sont claires. Je pose mes lèvres sur les siennes.

J’ai fermé les yeux devant son expression de surprise. Mes lèvres se veulent douces, tendres : je dévore sa bouche lentement. Il finit par répondre à mon baiser. Ses bras m’emprisonnent et il bascule sur le dos sans détacher nos lèvres. Mes mains se sont posées sur son torse, ses muscles se sont contractés et son coeur bat à une vitesse folle.

Ma bouche s’éloigne doucement de la sienne pendant que nos yeux sont plongés l’un dans l’autre. Sa main caresse mon visage et replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

  • Je n’arrive toujours pas à comprendre ces sensations, ces…

Il ne termine sa phrase mais se mord la lèvre inférieure, comme s’il voulait retenir les mots qui allaient jaillir.

  • Ne cherche pas à comprendre (Je t’aime), lui répondis-je, si plutôt… (je t’aime tellement) on se contentait de… je ne sais pas moi… d’apprécier ces moments ?

J’ai pensé si fort à ses trois petits mots que j’ai eu l’impression de les dire à haute voix. Rey me sourit.

  • Quand je te dis que tu es beaucoup plus fort que moi…

Il m’embrasse à nouveau.

Je me suis réveillé avant lui. Pour une fois. Je me dégage doucement de sa douce prison et en profite pour l’observer. Ses cheveux en bataille retombent légèrement sur son front et son œil doré est fermé. Il respire doucement, les lèvres entrouvertes. Je passe mes doigts sur la cicatrice de son visage en me demandant qui a bien pu lui infliger une telle blessure. Celle au coin de sa lèvre et celle de son œil aurait pu n’en faire qu’une mais sa joue a été épargnée.

Sa main arrête la mienne et nos doigts s’entrelacent. Il ouvre paresseusement son œil et me fixe, encore à moitié endormi.

  • Bonjour, mon petit lion…
  • Bonjour mon démon angélique…

Il s’approche de moi et me serre fort contre son torse. Je me blottis volontiers dans ses bras.

  • Un jour, oui, un jour, je te raconterai ce qui s’est passé…

Il embrasse le bout de mes doigts pendant que je frotte mon nez à la base de son cou.

  • Mmmmh… Ne fais pas ça…murmure-t-il sensuellement.
  • Et pourquoi ? lui répondis-je, tout en recommençant mon manège.
  • Disons… Disons que je suis très sensible à cet endroit-là…

Il ponctue ses paroles d’un balancement de hanche et je sens son érection contre mon flanc. Je me mets face à lui et approche mon corps du sien pour qu’il sente la mienne. Nos yeux se croisent et son œil doré est voilé par… le désir. Il semble noir tellement sa pupille est dilatée. Je ne peux m’empêcher de déglutir car… Je ressens la même chose. J’ai tellement envie de lui bien que je ne connaisse rien au plaisir du sexe… qui plus est avec un homme…

Sa bouche se pose sur la mienne, violemment, nos langues s’emmêlent et notre baiser devient fiévreux. Ses mains parcourent mon corps et touchent enfin ma cicatrice mais dans notre état nous ne nous en apercevons à peine. Il finit par enlever mon T-shirt et trace un chemin de baiser de mes lèvres à mon torse en passant par mon cou. Je ne peux retenir un soupir de plaisir. Sa main descend jusqu’à mon entrejambe et…

BAM !

  • Arnold ! Fais attention ! Il est encore bien trop tôt pour réveiller les garçons !

Lorsque la porte a claqué, nous avons tous les deux sursauté. La main de Rey est restée à quelques centimètres de mon bas ventre. Nous sommes à bout de souffle tous les deux mais il semble avoir retrouvé sa lucidité.

  • Qu’est-ce que… commence-t-il.

Je ne veux pas qu’il finisse sa phrase et pose mes doigts sur sa bouche. Il ferme doucement son œil et suçote mon index.

  • Je… Je ne sais ce qui m’a pris… Je…
  • Je rêve ou tu t’excuses là ?

Mon ton est accusateur et sec. Il secoue la tête pour me faire comprendre que non avant de soupirer. Il m’embrasse encore mais ce baiser a un goût amer.

  • C’est que je ne sais pas où est la limite, Tristan.
  • Je n’aime pas quand tu m’appelles par mon prénom, j’ai l’impression d’avoir fait une connerie. (Il sourit et secoue la tête devant mon air boudeur.) Je ne sais pas non plus où est la limite Rey mais… Le fait est là. J’ai. Envie. De. Toi. Et ce même…

J’hésite. J’en ai trop dit… ou pas assez.

  • Même quoi ? m’incite Rey, soucieux.
  • Même si je n’y connais rien, chuchotai-je.
  • Rien ? Tu veux dire… absolument rien ? Seigneur…

J’acquiesce, en me mordant la lèvre. Il s’assoit sur le lit et met sa tête entre ses mains. Je ne sais pas comment réagir. J’ai dit quelque chose de mal ? Mon inexpérience est-elle si désagréable à entendre ? Je ne veux pas qu’il s’éloigne… J’ai peur de le perdre. Trop peur. Je m’approche de lui et l’enlace dans le dos. Que dire ? Rey finit par me regarder.

  • Mon petit lion… Ne pleure pas… Pas pour moi…

Quoi ? Je ne…

Il essuie la larme qui menaçait de couler. Il s’approche de moi et m’embrasse. Ses lèvres sont douces, son baiser tellement tendre. Sa main se balade sur mon torse et je sens qu’il se crispe lorsqu’il effleure mes brûlures.

  • Qui a pu te faire une chose pareille ? Quel monstre peut brûler quelqu’un à ce point ?
  • Un jour, oui, un jour, je te raconterai ce qui s’est passé…

J’ai repris exactement la même intonation que lui quelques minutes plus tôt. Il me sert mon sourire démono-carnassier préféré tout en continuant de me caresser. Ses lèvres se posent à nouveau sur les miennes.

Je descends prendre le petit-déjeuner. Je prends mon café au lait et m’assoit à la grande table. Rey fait son entrée un peu plus tard et dès qu’il pose ses yeux sur moi, il me sort mon sourire démono-carnassier avant de passer sa langue sur ses lèvres. Je déglutis.

Comment ce simple geste peut-il me faire de l’effet ?

Il s’assoit juste à côté de moi. Profitant que les adultes ont le dos tourné, je le regarde dans les yeux tout en me mordant la lèvre inférieure de manière suggestive puis je claque ma langue en signe de gourmandise. Surpris, Rey rougit. J’adore.

  • J’espère que tout va bien se passer au lycée aujourd’hui mon Tristan, me demande Stéphanie.

Je déglutis. C’est vrai, ce sont mes premières heures de cours depuis plus de six mois maintenant. Je sens mon estomac se tordre sous l’effet de la peur et mon appétit se coupe aussitôt. Mon café au lait menace de remonter. Sous la table, la main de Rey serre la mienne. “Tout va aller pour le mieux”, voilà le message que je lis dans son œil doré.

Je n’en suis pas aussi sûr.

Nous prenons le chemin pour aller au lycée. Je fais mine de m’accrocher aux poignets mais le regard que me lance Rey me fait bien comprendre que je dois le tenir, lui. Je ne peux m’empêcher de sourire. Plus je me rapproche de l’établissement, plus la peur encercle mon cœur. Ma boîte de pillule brûle dans ma poche.

Rey s’arrête à une station service. Je suppose qu’il doit faire de l’essence. Il descend de la moto et me fait signe de le suivre. Il se dirige vers les toilettes et nous y enferme.

  • Qu’est-ce qui se passe ? me demande-t-il de but en blanc.
  • Je… Quoi ?
  • Regarde-toi ! Tu trembles de la tête au pied !
  • Je… J’ai la trouille Rey… Tu n’imagines pas ce que signifie pour moi de remettre les pieds dans une école…

Ses yeux s’écarquillent.

  • Putain… marmonne-t-il. Qu’est-ce qu’ils…

Il semble désemparé et passe une main rageuse dans ses boucles avant de se tourner vers moi. Il ouvre grand ses bras. Sans perdre une seconde, je fonce m’y blottir et laisse mes larmes couler.

  • Je… Je ne veux pas y aller Rey… Je ne veux pas me retrouver avec des ados, des profs, des CPE
  • Mon petit lion…
  • Mais si je n’y vais pas… Ma aura des ennuis… et… je… je ne veux pas !

Mon cri est pathétique. Je suis pathétique. Rey me serre plus fort et tente de me réconforter. J’essaie de me calmer : je ne peux pas me permettre de le retenir le premier jour de son travail. Il essuie mes larmes avec ses pouces avant de poser son nez sur le mien.

  • Je peux ?
  • Quoi ?
  • … T’embrasser ?

Je ris doucement.

  • Depuis quand tu demandes la permission ?
  • Aucune idée… C’est que à la lumière du jour, ça me paraît beaucoup plus réel que dans la pénombre de la chambre…

Plus… réel ?

Sa main agrippe mon menton pour le relever vers son magnifique visage et ses lèvres se posent sur les miennes avec une douceur inouïe. C’est un baiser chaste par lequel il semble vouloir me donner sa force.

  • Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider mon petit lion ? Dis-le moi… Je ne supporte pas de te voir dans cet état…

Reste auprès de moi…

C'est ce que j’aimerai lui dire. Mais ce serait affreusement égoïste de ma part. Je me blottis un peu plus dans ses bras afin de puiser tout ce dont j’ai besoin, les yeux clos, la respiration courte.

  • Je sais… me murmure-t-il, tout près de mon oreille, tout en passant sa langue sur mon lobe.

Un frisson me parcourt. Comment puis-je ressentir ça alors que mon entrée au lycée est… si proche ? Son corps s’éloigne du mien lentement : il détache l’une de ses chaînes et la passe autour de mon cou. Elle possède un pendentif assez particulier : un crâne d’argent orné d’une rose rouge et d’ailes blanches.

  • Ce pendentif m’est très précieux : un cadeau de ma mère. Comme ça je serai toujours avec toi. Tout va très bien se passer, mon petit lion. Si jamais tu as besoin de moi, je ne serais pas loin, ne t’en fais pas. Je passerai te prendre vers 11h30 pour aller chez Hannah, d’accord ? On y va ?

Un cadeau de sa mère ? Mais…

Ses mains ont serré les miennes et son œil s’est plongé dans mes prunelles : je n’ai pas le droit de refuser. Je hoche la tête en tournant les maillons entre mes doigts. Après un dernier câlin et un baiser tendre, Rey sort le premier. Je me passe de l’eau sur le visage pour effacer les dernières traces de mes larmes et prends mon courage à deux mains.

Oui. Tout va très bien se passer.

Une personne se tient juste derrière le mur des toilettes. Elle se retient de rire pour que Rey et Tristan ne l’aperçoivent pas puis grimace face à la douleur des coups reçus dernièrement.

Tient… Tient… Plutôt intéressant comme rencontre…

Il se tient les côtes, un sourire diabolique sur les lèvres, en se disant que bientôt… Bientôt…

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