De Papa

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Salut,

 C'est moi : Papa. Trois ans déjà et j'ai encore l'impression que c'était hier. Jamais je n'aurais imaginé ce que ça ferait de te perdre toi. Toi, le petit être que j'ai vu naître. Toi, ce bébé aux grands yeux bleus. Toi, mon petit garçon tellement innocent. Toi, mon fils si confiant. Toi, ce jeune homme toujours attentionné et souriant.

 Cruel est ce monde qui t'a arraché à moi. Monstrueuse est cette vie qui en a décidé ainsi. Un parent peut-il réellement surmonter la mort de son enfant ? C'est encore une question que je me pose. Je donnerai n'importe quoi pour revenir en arrière, je sacrifierai volontiers ma vie en échange de la tienne...

 Je n'ai plus personne sur qui poser les yeux, plus personne à consoler, à gronder, à taquiner, plus personne à aimer. Tu as rejoint ta mère, alors désormais, je suis là, seul en bas, à attendre mon heure. Seule ma lâcheté m'empêche de vous rejoindre en toute conscience. J'espère de tout mon coeur, que là où tu es, tu vas mieux. J'espère que ta mère peut observer un sourire éclatant sur tes lèvres, ouïr un rire véritable. Oui, j'espère que tu es heureux.

Je n'ai pas été assez présent, je ne t'ai pas protégé comme il le fallait, si c'était le cas, je ne serais pas là, devant vos deux tombes, devant vos deux beaux visages figés lors d'un instant choisi au hasard, je ne serais pas en train de t'écrire cette lettre qui finira certainement brûlée dans la cheminée parce que tu ne la liras pas.

 Tu as emporté ce qu'il restait de mon coeur avec toi, là-haut, parmi les étoiles. Parfois, je m'installe sur le rebord de ta fenêtre, à cet endroit même où je venais te retrouver lorsque l'un de nous deux avait passé une journée particulièrement compliqué et j'observe le ciel. Je cherche la grande Sirius et je repenses à tout ça. Toutes ces journées, tous ces souvenirs avec vous, avec toi. Je me souviens de ton rire d'enfant, de tes blagues pourries d'ado de quinze ans, de tes râleries lorsque je te dérangeais toi et ton petit ami. Je me souviens de ta peur bleue de me décevoir le soir de ton coming-out. En y repensant, je me dis que jamais tu n'aurais du avoir peur de ma réaction, jamais tu n'aurais du avoir peur que je ne t'aimes plus. Parce que toujours, toujours je t'aimerai. Tous les jours tu seras là dans mon coeur et dans mes pensées. Je me dis aussi que jamais tu n'aurai du penser à ça, jamais de telles pensées n'aurait du traverser ton esprit d'adolescent. Ce n'est pas à dix-sept ans que l'on doit mourir. Ce n'est pas comme ça que l'on doit mourir. Que l'on soit jeune, adulte ou vieux, peu importe, personne, à aucun âge, ne devrait être désoeuvré au point de mettre fin à sa vie volontairement, d'une façon si brutal.

 Souvent, je me réveille en sursaut après ce cauchemars. Le même, depuis trois ans. J'entends encore la voix de l'amour de ta vie au téléphone, paniqué, je n'ai pas compris au début. Je ne comprenais pas ce qui arrivé, puis il a dit le mot sang suivi de ton prénom et j'ai paniqué à mon tour. Je crois que je ne lui ai même pas répondu, j'ai tout lâché pour rentrer. Je suis arrivé en même temps que cette ambulance qui m'aveuglait, je les ai vu monter au deuxième étage, j'ai senti mon coeur s'arrêter alors qu'ils entraient chez nous. J'ai vu ton corps sur ce brancard et ton petit ami se débattre pour te suivre, de loin. A cet instant, je n'avais toujours pas compris. Je me suis approché et je les ai entendu discuté, donné des ordres, j'ai entendu les mots "suicide", "lame" et "trop tard". Là, j'ai compris. Pourtant, je suis resté là, figé, tout se bousculait dans mon esprit, des questions, de la colère, des pleurs, des souvenirs, comme si moi aussi, d'une certaine manière, je mourrai.

 Alors ce soir, je t'adresse des mots, je brûle une bougie à ton honneur, je laisse couler des larmes pour toi, pour vous, pour ce qui me manque, pour ce que le destin m'a enlevé. Il y a tellement de chose que j'aurai voulu vivre à tes côtés. J'aurais aimé que tu m'annonce que tu allais te marier, t'accompagner à l'autel, découvrir un joli faire-part dans ma boite au lettre, rencontrer mon petit fils ou ma petite fille, j'aurai voulu que tu réalise tes rêves, que tu ouvre ce café-musique avec ton amoureux, que tu continue de chanter, de composer, j'aurai souhaiter venir assister à tes concerts. J'aurai adoré passer manger chez vous à l'improviste, vous taquiner comme je le faisais déjà, être présent à tes dix-huit ans...

 Seulement, tu n'es plus là. Tu t'es envolé et je ne sais toujours pas pourquoi et ça me ronge. Trois ans et je ne me suis toujours pas résolu à trier tes affaires ou a ranger ta chambre, il y a encore une de tes vestes sur le dossier de ta chaise. Je crois que si je ne le fais pas, c'est parce que c'est comme si à travers toutes ces petites choses qui trainent, tu étais encore là. Tu n'avais pas conscience d'à quel point tu étais important. Il y a quelques jours, j'ai croisé ton copain dans la rue, il avait encore ce collier que tu lui avais offert pour vos un an. Il était seul, ses habituels écouteurs dans les oreilles comme si rien avait changé, il manquait juste quelque chose, ou plutôt quelqu'un à ses côtés : toi. Il m'a sourit, mais ce n'était pas vrai, je les vois maintenant, les vrais sourires et les faux, ceux que l'on fait avec les yeux et ceux qui n'en sont qu'une pâle imitation. Tu manques à tellement de monde mon ange...

Je ne t'oublierai jamais,

A la prochaine fois,

Je t'aime

Papa

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