Chapitre 3 : Le descendant - Partie 7

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Le groupe traversa le village avec hâte, évitant l’église et son parvis fréquenté pour un chemin plus discret. Criss ne regardait que le sol et ses pieds avancer par eux même. L’angoisse avait fait de lui sa proie. Comment allaient réagir les anciens à ce qu’il avait à dire ? Rien ne lui assurait qu’ils ne s’en prendraient pas à eux, surtout après ce qui était arrivé. Non, ce n’était pas leur réaction qu’il craignait. C’était que pareille chose lui arrive aussi. Il avait aussi touché la stèle après tout. Il regarda en direction de son camarade et croisa le regard de Kahya. Pas un mot ne fut échangé. La jeune fille cherchait une réponse, mais il ne pouvait la lui donner.

— J’ignore ce qui est passé par la tête du gamin, lança l’inconnu sans se retourner, mais il aurait pu commettre l’irréparable. Le problème est grave cette fois-ci Tadeus.

— Comment est-ce possible ? s’interrogea le professeur. Aucun d’eux hormis Kahya ne sait atteindre l’éveil. Je ne leur ai pas appris. S’il en est incapable, il n’aurait pas pu apprendre à l’utiliser seul.

— Nous le saurons assez vite, acheva le colosse.

Criss interrogea Kahya du regard mais la jeune fille détourna la tête tandis qu’ils arrivaient à destination. Ils stoppèrent devant un corps de garde en pierre brute, dernier vestige d’une ancienne forteresse de la grande guerre. Deux soldats en gardaient l’entrée et observèrent avec méfiance le jeune mage évanoui. D’un geste de la tête, son porteur fit s’envoler toute hésitation et ils s’empressèrent d’ouvrir la lourde porte qui restreignait l‘entrée. L’homme en armure ne rentra pas immédiatement.

— Le conseil souhaitait voir les deux garçons uniquement, dit-il au professeur. La fille reste ici.

— Pourquoi ? s’empressa de protester Kahya.

— Je ne décide pas des règles. Il s’agit d’une affaire grave et non d’une simple entrevue, fillette. Ne discute pas.

Le visage de Kahya se tordit alors qu’elle s’apprêtait à exploser mais le professeur la retint d’une main sur l’épaule.

— Rentre chez toi Kahya, lui dit-il d’une voix rassurante, prends du repos, je m’occupe du reste. Je te tiendrai au courant.

Elle soupira en les observant rentrer. Elle tremblait encore et n’aurait pas de réponses pour se rassurer. Elle décida de suivre le conseil du professeur et de prendre son mal en patience. Sa mère avait sans doute besoin d’aide, se convainc-t-elle. La porte claqua derrière elle tandis qu’elle s’éloignait. Le reste du groupe pénétra dans une petite cour et fut vite invité à rejoindre le grand bâtiment un peu plus haut sur le chemin. On leur ouvrit la porte d’un couloir menant à une salle sombre où les membres d’un conseil étaient attablés sur une estrade jouxtant le mur.

Criss y reconnut Emory Toffer, le propriétaire des écuries où s’étaient terminés leurs dernières punitions. A ses côtés se tenaient le père Hamlin qui officiait à l’église, ainsi que sa sœur ainée et doyenne du village Ancreta. Sur la gauche, l’un des partenaires de son oncle échangeait avec cette dernière. Il ne le connaissait que sous le nom de Gillroy. A l’opposé de la table, le dernier membre observait silencieusement ses pairs. Criss eut beau réfléchir, jamais son nom ne lui revint en mémoire. Au milieu de la pièce, le jeune homme aperçut son oncle, assis sur une chaise leur faisant face. Leur présence n’avait pas encore été remarquée et il ne se risqua pas à les déranger. Il suivit le colosse qui déposa Arch sur une chaise le long du mur et s’approcha discrètement du professeur.

— Vous semblez le connaître professeur. Qui est-ce ?

— Erathor Gundoren, murmura Hockman sans détacher le regard de l’homme en armure.

Criss garda le silence et le professeur expira.

— As-tu déjà suivi une seule leçon jusqu’au bout au moins ? C’est l’un des Sénéchaux de l’inquisition.

Le visage du jeune homme se fit plus grave lorsqu’il se repassa les mots en tête. L’inquisition, ce nom seul le fit déglutir. Que faisait ici un si grand guerrier de l’église dont la croix qui ornait ses bannières avait été autrefois forgée dans le sang des mages ?

— Erathor vous surveille depuis des années, reprit le professeur comme s’il avait deviné sa prochaine question.

Criss riva lentement le regard vers Hockman qui pour la première fois laissa transparaitre une once de culpabilité.

— Nous avons passé un marché. Je devais vous encadrer dans l’usage de la magie, en échange de quoi vous étiez autorisés à rester au village.

Le jeune mage tomba des nues. Pourquoi ne leur avait-il jamais parlé de tout ça ? Qu’allait-il arriver à présent ? Arch avait enfreint l’ultime règle que le conseil leur avait imposé et par là-même rompu cet accord. La porte s’ouvrit derrière lui avant qu’il ne puisse poursuivre. Un homme entra dans la salle, le commis des écuries.

— Maudit butor ! Tonna alors la voix aigüe de Toffer depuis le fond de la salle. Combien de fois t’ai-je dit de ne pas déranger ce conseil !

Son visage boursoufflé tourna au rouge alors qu’il abattait son poing avec force sur la table. L’homme poursuivit tout de même sa course pour le rejoindre.

— Je devrais te faire dormir dehors dans le froid avec les bêtes ! Tes jambes ne te porteraient plus ici !

Il se tût lorsque le commis se pencha enfin à son oreille. Il écouta un moment avant que son visage et ses yeux injectés de sang ne menacent à nouveau d’exploser.

— Tadeus ! Hurla-t-il à travers la pièce. Cette fois votre bâtard ne s’en tirera pas !

Le professeur laissa son élève, l’air grave, mais Erathor le devança.

— Nous devons parler, lança-t-il d’une voix lourde en s’approchant.

— Parlons-en oui ! Eructa Toffer.

Les autres membres du conseil se trouvèrent du regard. Ils semblaient perdus au milieu de la tempête qui se préparait.

— J’ai tout toléré jusqu’ici par respect pour ce conseil ! Mais s’en prendre à mes fils ? Je jure devant Dieu que…

— Silence, le coupa Erathor avec une brutale efficacité. N’implorez pas en vain ce nom. Je ne suis pas venu plaindre vos pourceaux.

Criss plaqua la main sur le bas de son visage pour masquer la chute de sa mâchoire. Toffer ressemblait chaque seconde un peu plus à un volcan sur le point de cracher des rivières de laves.

— Comment osez-vous…

— Emory voyons, intervint alors Ancreta. Un peu de tenue devant notre invité que diable. Sénéchal Gundoren, est-ce qu’Emory dit vrai ?

— Il dit vrai, répondit simplement le colosse.

Les regards se tournèrent silencieusement vers le professeur.

— Mais ce n’est pas le plus préoccupant. Nous devons parler de l’enfant.

— Erathor non…

Le sénéchal leva la main et se retourna vers Hockman. Ce dernier le supplia du regard, mais il resta impassible.

— Vous et moi avions un accord Tadeus. Il ne devait pas réapparaître, et encore moins que le gamin en fasse usage. Je ne peux pas prendre un tel risque, que ce soit pour ce village ou pour lui.

— Un risque ? Le village ? Mais de quoi parlez-vous ? Demanda avec inquiétude le père Hamlin.

Erathor dévisagea droitement le conseil.

— Je parle de ses yeux. Comme les descendants de la lignée des Balerian, il possède la rosace.

La pièce se para d’un silence glacial. Les regards médusés se tournèrent vers l’enfant toujours inconscient.

— Mon Dieu…

— Il serait…

— Oui, un descendant direct du roi Orion.

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