Il était une fois, en des temps anciens, une naissance TRES TRES attendue. Si attendue que lorsque la petite princesse sortit du ventre de sa mère, toutes les personnes présentes s’extasièrent sur sa beauté, à commencer par ses parents.

- Oh ! Mais quelle belle enfant ! C’est assurément le plus beau des bébés !

Face à ce déferlement de compliments, le prénom de la petite poupée ne pouvait être que « BEAUTÉ ».

Tous ceux à qui la jeune princesse était présentée, s’émerveillaient sur sa beauté.

- Jamais on n’a vu plus beau bébé ! Quelle beauté, cette Beauté !

Tout le monde s’accordait à dire que la princesse Beauté était incontestablement la plus belle des fillettes du royaume.

Ainsi, à longueur de journée, ses nourrices lui disaient qu’elle était belle à croquer. Elles lui répétaient qu’elle était belle du lundi au dimanche. Belle en robe ou en jupon. Belle de l’hiver à l’été et belle du lever jusqu’au coucher du soleil qu'elle éclipsait par sa beauté.

À l’âge des études, ses professeurs lui dirent aussi qu’elle était belle comme le jour. Belle en étudiant le piano. Belle en apprenant le latin. Belle en s’entraînant aux pas de danse et belle en faisant ses vocalises.

Sans cesse complimentée, Beauté était certaine d’être la plus belle à des lieues à la ronde, peut-être même la plus belle fille du monde. Fière d’être aussi belle, elle se mirait et s’admirait dans les nombreuses glaces du château. Pas un miroir, pas un lac clair ou une fenêtre en contre-jour n’échappaient à son regard. Partout où il lui était possible de le faire, elle contemplait sa grâce incomparable et son reflet magnifique.

Au fil du temps, Beauté devint très exigeante. Elle ne choisit ses amies que sur leur belle allure. Celles-ci devaient être suffisamment jolies et élégantes pour ne pas ternir son éclat et gâter sa sublimissime splendeur. De plus, elle ne voulait vivre que dans des décors somptueux, ne posséder que des meubles rares et d'avant-garde, des bijoux remarquables et des robes exceptionnelles.

- Belle ! Je suis belle ! s’exclamait-elle sans jamais se lasser, à peine les yeux ouverts.

- Ne suis-je pas la plus belle ? demandait-elle à tous ceux qui la croisait ou venaient la visiter.

Comme d’ordinaire, chacun acquiesçait et lui assurait qu’elle était effectivement la plus ravissante de toutes les demoiselles.

Un jour, la narcissique princesse dit à ses parents :

- Je voudrais me marier et faire de beaux enfants. Les plus beaux, assurément ! Mais pour cela, il convient de trouver l'époux le plus remarquable et le plus beau d'entre tous. C'est pourquoi, je vous prie de dépécher un messager vers les princes de bonne fortune et de préciser sur la missive que les prétendants seront d’abord sélectionnés sur l'apparence. Leurs talents et leur intelligence ne viendront que secondairement dans mes choix.

- Bien, ma toute belle, lui avaient répondu ses parents. Il sera fait selon ton désir.

- Dites-bien que je n’accepterai aucun défaut physique grossier ou même léger. Je ne veux recevoir que des princes absolument parfaits.

- Tu as tout à fait raison, avaient confirmé ses parents. La plus belle de toutes les jeunes filles à marier ne peut s’unir qu’au plus beau des jeunes hommes !