Chapitre 11

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Pendant deux jours, William et sa mère s’étaient affairés à préparer les affaires. Nous partirions en charrette, vu que celle-ci appartenait autrefois au père de William et non au propriétaire. Il ne faudrait prendre que le strict nécessaire et je faisais de mon mieux pour les aider. Mais mise à part les vêtements, les maigres provisions et quelques rares effets personnels, il n’y avait que peu à préparer. L’essentiel consistait à remettre le terrain en état, à réparer ce qui était cassé et à nettoyer. J’avais désenlisée la charrue, qu’un cheval ordinaire n’aurait pu enlever de la terre encore très spongieuse.

Le grand jour était arrivé. Attelé à la charrette, j’étais prêt à partir. Les sacoches de mon tapis étaient pleines. Napoléon était quant à lui attaché à mes côtés. Il n’était pas attelé. Sa longe était simplement enroulée à l’une des deux barres qui m’entouraient les flancs. William était monté avec sa mère.

-Napoléon, Rex, en route les garçons.

Mais je ne l’avais pas écouté, focalisé sur le paysage. C’était beau, de si bon matin. William était descendu pour venir à mes côtés.

-Je te comprend mon vieux Rex, moi aussi j’aurai aimé rester. Mais c’est ainsi. Allez, mettons-nous en route.

Obéissant, j’étais lentement parti, franchissant une ultime fois le grand portail. Les animaux de la ferme auraient assez de nourriture pour encore deux ou trois jours, William s’en étant assuré. C’était un long voyage qui nous attendait. Je laissais Napoléon donner le rythme. D’après Madeline, nous devions gagner Londres, afin d’être hébergé par son frère et sa famille. En entendant le nom d’Alan et Claudine, je m’étais senti heureux à l’idée de les revoir. Une lettre ayant été envoyée, elle préviendrait de notre arrivée bien avant que cela ne se produise. Il nous faudrait plusieurs jours pour faire le trajet.

Nous avions traversés le village. Nos maitres avaient salués leurs amis une dernière fois tandis que je marchais. La journée s’était ensuite ainsi écoulée sans grands évènements. Et malgré son âge, Napoléon était encore assez vaillant pour marcher. Mais pour combien de temps encore ? Nous nous étions arrêtés aux abords d’un champs pour la nuit. Mon maitre m’avait félicité pour mes efforts.

-A ce train-là, nous n’arriverons jamais, avait dit Madeline.

- Tu sais bien que Napoléon ne pourrait pas suivre Rex indéfiniment. Il donne le rythme.

Il avait aussi félicité mon compagnon. William m’avait désattelé et désellé, conscient que je n’irai pas bien loin. J’avais gratté le sol au pied d’un arbre pour en extraire les racines. Mais les plus nourrissantes et les plus grosses étaient en profondeur. J’avais alors entreprit de creuser pour les atteindre. Mes cornes et mes griffes étaient très utiles dans cette situation. J’avais faillit déterrer l’arbre entier pour accéder à mon repas.

-Rex !

J’avais tourné la tête, une grosse racine entre les mâchoires. Le jeune homme était consterné. Il avait soupiré.

-Ah bravo mon vieux.

J’étais venu vers lui, la tête et la queue basse. Mes voilures pendaient sur les côtés. Peut-être n’aurais-je pas dû.

-Bon, je ne peux pas vraiment t’en vouloir… il faut bien que tu manges. Mais évite de retourner un arbre la prochaine fois.

Je m’étais couché afin de manger plus confortablement mon repas. On aurait dit un chien rongeant son os, selon Madeline. Une fois la racine avalée, j’étais parti en chercher d’autres, les arrachant et les rassemblant. Je ne voulais toutes les prendre, au risque de tuer l’arbre. J’avais ensuite redressé celui-ci puis j’avais rebouché le trou. J’avais vu mes maitres faire cela bien des fois, notamment pour les plantes. Puis j’avais pris mes racines pour les ramener. William avait compris que c’était là mes provisions pour le voyage.

-Sacré Rex ! Tu deviens toujours plus malin.

Il les avait mises dans un panier d’osier vide. Puis je m’étais rapproché de Napoléon, occupé à manger son sceau d’herbe fraichement cueillie par William. Il m’avait raconté quelques un de ses voyages en compagnie du père de notre maitre, voyageur dans sa jeunesse. Il me contait les hautes montagnes aux sentiers escarpés, les grandes plages de sable avec le tonnerre des vagues s’y écrasant. Il m’avait décrit d’immenses plaines légèrement bosselées, des vallons au soleil couchant… que d’endroits qu’il avait visité ! Lui aussi m’avait posé des questions sur la ville. Je la lui décrivait du mieux qu’il m’était possible. Je lui racontait comment il était difficile de s’y déplacer, qu’il y avait des règles propres à cet environnement. Malgré tous ses voyages, il appréhendait de la découvrir et je le comprenais. Je lui avais gratouillé l’encolure pour le rassurer.

Nous étions reparti dès le lendemain sur les chemins. Grâce à sa boussole héritée de son père, William parvenait à nous guider. Nous croisions de temps à autres d’autres voyageurs, ébahis de voir un tel attelage. Nous nous dirigions au sud-est d’après lui. La carte du pays qu’il possédait également lui avait permis d’estimer notre arrivée dans moins d’une semaine, ce qui ne semblait pas enchanter Madeline.

Au bout du troisième jours, j’avais senti que Napoléon avait du mal à suivre. Sans attendre, je m’étais arrêté.

-Rex ? Qu’y a-t-il l’ami ?

J’avais tourné la tête pour aviser Napoléon, légèrement en retrait.

-Je vois. Maman, on va s’arrêter pour la journée.

- Comment ? Pour quelle raison ?

- Napoléon a besoin de repos. On va trouver un espace où s’installer et repartir demain à la première heure.

- Tu es décidément trop bon avec les animaux. Ton père serait fier de toi.

Nous avions trouvé une clairière à l’écart du chemin. Napoléon et moi avions été détachés pour être laissés en liberté. Comme à mon habitude, j’étais aux côtés de mon compagnon qui n’avait pas tardé à se coucher dans l’herbe. Quant à moi, j’étais resté debout à ses côtés.

Le soir venu, Napoléon et moi étions venus manger dans nos sceaux respectifs. William avait cuisiné mes racines ! Et c’était un régal. Il avait créer une sorte de mélasse en les accompagnant d’un ou deux légumes. Avec une telle ration, j’avais assez de nutriments pour tenir jusqu’à notre arrivée.

Nous étions reparti dès les premières lueurs du jour. Nous avions traversé un village dont les habitants étaient stupéfaits de me voir. A côté, Napoléon paraissait décidemment minuscule. Nous nous étions arrêtés à la fontaine pour nous abreuver et remplir les gourdes. Quelques enfants s’étaient approchés, curieux.

-Monsieur ? On peut caresser votre animal ?

- Bien sûr ! Rex est gros, mais il est doux comme un agneau.

Je les avais laisser faire, pour leur plus grand plaisir. Ce village était plus important que celui que nous avions quittés. Nous approchions ! Je ne savais pas ce qui nous attendait là-bas et je n’avais aucune idée des changements qui s’imposeraient à nous. Mais tant que j’étais aux côtés de William, je pouvais bien aller n’importe où, même dans le plus terrible endroit du monde.

-Allez, on repart, avait dit mon maitre.

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