Ricochets

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Un chapitre / Une musique

Pierre Bachelet - coup de tete ( génerique début )

https://www.youtube.com/watch?v=BaYs7UhLT3Q

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Lundi 13 juillet 1981.

Depuis toujours, me rendre à la rivière l’été est l’une de mes plus grandes réjouissances. Le soleil filtre à travers la canopée et accompagne ma joie d’être ici, en pleine nature. Il y fait bon. Aujourd’hui, je suis à la recherche d'une branche d'arbre pour me fabriquer un nouvel appeau. Il me faut bien choisir le bois, à la fois résistant et tendre afin que je puisse le tailler convenablement. En m’appliquant, je pourrais reproduire le chant d’un oiseau. Celui d’un hibou ou d’une chouette. Grâce à mon instrument, j’aurais peut-être l’occasion de les observer de plus près, lors de mes balades nocturnes. Faire le mur est mon passe-temps favori, surtout quand mon père a trop bu et que je n’ai pas envie d’avoir à faire à lui.

Je franchis le pont et emprunte le sentier qui mène à la cascade, lorsque j’aperçois devant moi ce qu’il me faut. Je ramasse une branche, la soupèse, examine son diamètre. Je sors mon opinel de ma poche et fais une première encoche pour vérifier que le bois est tendre comme je le souhaite. Ça m'a l’air tout bon ! Je remonte encore un peu la piste à travers les premiers gros rochers. Mais au lieu de prendre comme hier le chemin qui mène à la cascade, je choisis celui de la falaise qui longe la rivière, depuis les hauteurs. Un peu en retrait, je me trouve un coin à l’ombre, au milieu des herbes hautes, où je serai tranquille. Assis en tailleur, je me mets à l’ouvrage. Au bout d’une petite demi-heure, mon instrument est fini. J’admire le résultat. Je suis plutôt satisfait. Je vais m’asseoir au bord de la petite falaise. De cette hauteur, je pourrai tester au mieux mon nouveau sifflet et écouter si le son me convient. Alors que je m’apprête à émettre un premier sifflement, je remarque un garçon qui s’approche de la rivière. Je décide de changer de place pour mieux l’observer, quelques mètres plus loin. Je m'allonge sur le ventre, espérant être le mieux caché possible par les herbes qui bordent la falaise.

Aucun doute, c’est bien le fils du docteur Dumont, au bord de l’eau. Il a retiré ses chaussures. Il reste en bermuda et en polo. Il trempe un premier pied dans l’eau pour tester sa température, prenant mille précautions pour conserver l’équilibre sur ce tapis de cailloux dont il ne connaît pas la stabilité. Je ne peux pas m'empêcher de me moquer. On voit bien qu’il vient de la ville celui-là ! Ah, enfin, il décide de mettre un deuxième pied dans la rivière, et s’autorise même quelques pas. Cela semble l'amuser même. Il ramasse un galet, le lance à la surface de l’eau et réussit un parfait ricochet. Je suis impressionné. Je retire ce que je viens de dire sur ce Parisien ! Il n’est peut-être pas aussi empoté que ça finalement. Il lance un deuxième galet et parvient à le faire rebondir quatre fois d'affilée. Il lève les bras, en signe de victoire. Il s’apprête à récidiver lorsqu’une pierre vient l'éclabousser. Je ne comprends pas tout de suite ce qui se passe. Lui non plus d’ailleurs. Je le vois reculer instinctivement, et il manque de tomber à l’eau. Une deuxième pierre vient l’arroser une nouvelle fois. Cette fois-ci, il trébuche et tombe dans la rivière. Il n'a pas l'air de s'être fait mal. Je me relève aussitôt et aperçois ces gros débiles de Jacques et François, un peu plus loin sur les hauteurs. Ils pouffent de rire. Je ne sais pas s’ils m’ont vu. Je suis sur le point de leur crier dessus, mais ils détalent aussitôt. Quelle bande de lâches ! Je me retourne vers Alexandre qui me toise. Merde, il va forcément croire que c’est moi ! Ni une, ni deux, je cours pour descendre m’expliquer. J’arrive sur le pont. Son visage furieux confirme mes doutes. Je le vois déjà qui s’en va.

— Alexandre, pars pas comme ça !

Évidemment, il fait semblant de ne pas m’entendre et continue sa route. Je le rattrape.

— Alexandre, attends !

Il finit par se retourner.

— T’es content, me voilà tout mouillé. C’est malin ! dit-il d’une voix grave qui me coupe littéralement dans mon élan.

— C’est pas moi…

— Assume ! Ce serait la moindre des choses.

Je deviens rouge.

— Laisse-moi t’expliquer !

— Je n’ai pas de temps à perdre avec les imbéciles.

Son ton est sans appel. Son regard non plus. Je reste sans voix. Il repart d’où il vient. Inutile de le suivre, je vais me faire jeter. Moi qui le prenait pour un mec timide, je me suis trompé. Il a l'air d'avoir du répondant. Ce qui n'est pas pour me déplaire. En attendant, je suis dégoûté de la situation. Attends que je choppe ces deux gros cons de frangins, ça va être leur fête !

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