Escapade

6 minutes de lecture

Un chapitre / Une musique

Dans la maison (thème principal) - Philippe Rombi

https://www.youtube.com/watch?v=ndMyiR2cQkA&list=PLbxY8hlawufHA2PHF43CV8qxCSEdhEu16

*

Mardi 21 juillet 1981.

Je m’en veux un peu du mensonge que j’ai servi à ma mère. Je lui ai fait croire, après mon passage à la boulangerie ce matin, que j’étais allé voir madame Leduc, pour savoir si Juliette était disposée à m’accompagner pour aller se baigner avec moi, cet après-midi.

Cela a fonctionné comme sur des roulettes.

Aujourd’hui, j’ai choisi de mettre mon polo préféré, celui avec de grosses rayures jaune et marron. Me voilà sur mon vélo, impatient, à attendre Lucas, à l’entrée du chemin qui mène à la rivière. Je le vois arriver, tout sourire, une serviette autour du cou. Il porte un t-shirt rayé, noir et jaune et un short. Mon cœur se met à battre plus rapidement que d’ordinaire. Sachant ce que m’a dit mon père à propos du sien, je suis étonné de le voir d’aussi bonne humeur. Il cache bien son jeu.

— Salut Alexandre ! Ça va ? dit-il en arrivant à ma hauteur.

Nous nous serrons la main.

— Oui, très bien. Et toi ?

— Ouais, la grande forme. Allez, hop hop hop, suivez le guide, monsieur Dumont !

Me voilà derrière lui, sur le chemin principal. Il roule vite, mais je n’ose pas lui dire de ralentir. Il se met à pédaler en danseuse, ce qui me permet d’admirer sa paire de fesses. Heureusement qu’il ne me voit pas sourire bêtement. Tout à coup, il bifurque à droite, dans un petit chemin que je n’avais pas du tout remarqué la première fois où je suis venu avec Juliette. Il s’arrête.

— On va planquer nos bécanes, t’inquiète, ici ça craint rien. On va se servir de ton cadenas, me propose-t-il, en le voyant accroché à l’arrière de mon vélo.

Je lui donne et aussitôt, il attache nos vélos ensemble.

— Maintenant, suis-moi, dit-il avec entrain.

Ce que je fais avec plaisir. Nous traversons un bois. Aucune trace d’un chemin déjà emprunté par d’autres personnes. Mais, au vu de son assurance, j’imagine qu’il sait où nous allons. Il monte par-dessus un gros tronc d’arbre, évite habilement les ronces, saute à travers un fossé, pousse les branches, les retenant ensuite , pour me faciliter le passage. Je n’ai pas le temps de regarder là où nous sommes, car Lucas marche plutôt vite. Je ne plains pas, au contraire. Je continue de me délecter du corps de ce garçon que je trouve à la fois très masculin, agile et gracieux dans ses mouvements.

*

Enfin, je suis avec lui. Mon cœur pulse comme jamais. C’est l’été, il fait chaud. J’ai bientôt 17 ans. J’ai une envie folle d’expériences inconnues dont je me souviendrais toute ma vie. L'impression que ma nouvelle vie commence là, maintenant, à ses côtés.

*

Il se retourne pour voir si je le suis, je lui souris en retour. Nous débouchons sur un autre sentier, balisé cette fois-ci. C’est celui menant à la rivière que j’ai emprunté avec Juliette. Celui-ci, tout le monde le connaît me dit Lucas. Il nous a fait passer par un raccourci, je le crois volontiers, je lui fais une confiance aveugle. L’odeur humide du chemin, la chaleur de l’air me remplissent les poumons. Je transpire un peu, je vois que lui également. Nous marchons côte à côte. Je le regarde me parler, tout en profitant des scintillements de la rivière. Je me sens vraiment très bien.

— Eh, tu m’écoutes Alex ?

— …Oui, bien sûr !

— Pff, quel idiot, il n’a rien écouter. T’es dans la lune, on dirait !

Je lui souris. Je dois avoir l'air niais. Il est si désirable, là, devant moi, qu’il me désarçonne.

— Voici ton premier repère Alexandre : le pont. Si tu veux aller en haut des cascades, il suffit de suivre le chemin que tu vois, là-bas. On ira plus tard, si tu veux bien.

Nous poursuivons notre route. Quand soudain, je les vois. Les fameuses cascades qui font la réputation des lieux. Je ne saurais évaluer leur hauteur, mais je les trouve immenses. Elles sont magnifiques. Nous prenons le temps de les admirer. L’eau gicle de partout. Le bruit est assourdissant. C’est assez impressionnant ! Ces chutes d’eau se déversent dans un immense bassin. Nous le longeons, recevant une brume d’eau rafraîchissante bienvenue. Lucas est obligé de crier pour se faire entendre. Je comprends à ses gestes que nous devons continuer plus loin. Ici, la végétation est plus dense. On se croirait dans une forêt tropicale. Des lianes de tailles différentes pendent à des arbres dont je ne vois même pas la cime, tellement ils sont hauts. L'humidité environnante se condense en fines gouttelettes sur les feuilles de grandes plantes. Nous transpirons encore plus. Je continue de suivre Lucas qui s’enfonce de plus en plus dans un dédale labyrinthique verdoyant. J’ai l'impression d’être un explorateur, découvrant une forêt vierge.

— C’est beau, hein ? T’inquiète, je sais où l’on va, nous sommes bientôt arrivés.

Nous descendons une surface escarpée. Je fais bien attention où je mets les pieds. Je préfère marcher dans ses pas et prendre appui sur les mêmes roches que lui. Quand soudain, il s’écrit :

— Tadah !

Je lève les yeux. Devant nous, un autre bassin, celui est plus petit, mais il est suffisamment grand pour rivaliser avec une piscine de cinquante mètres. Une végétation luxuriante nous entoure. Une nouvelle fois, je suis ébahi. L’impression d’être seuls, au milieu de nulle part. L’eau de cette grande bassine naturelle est très claire, presque phosphorescente, avec des dégradés d’un bleu éclatant. Sur le côté gauche, de gros rochers, sur lesquels Lucas est déjà monté. Je le rejoins. J’ai une vue encore plus spectaculaire. À l'opposé d’où nous sommes, j’aperçois une autre petite cascade. Des fumerolles de brume d’eau s’envolent. Je suis doublement frappé par la beauté du site.

— Alors t’en dis quoi ? T’aimes ?

— Je n’ai jamais rien vu d’aussi fabuleux. Merci de m’avoir amené ici.

— Vous avez de la chance monsieur Dumont, je ne le montre pas à tout le monde.

Mon cœur s’emballe. J’ai terriblement envie de lui sauter au cou et de l’embrasser. Mais évidemment, je me retiens. Sans qu’il me prévienne, je le vois se déshabiller. Il ne porte pas de sous-vêtement, mais un slip de bain noir. Son corps est aussi beau que dans mon imagination. Son torse musclé et sec m’électrise. Je tente de cacher mon trouble.

— Qu’est ce que tu attends, on est ici pour se baigner, non ?

Je bredouille un oui avant d’enlever à mon tour mes vêtements. Moi aussi, j’ai préféré directement porter sur moi mon maillot de bain. Je voulais éviter d’avoir à me changer devant lui. Bien que je ne sois pas particulièrement pudique. Aux entraînements de tennis, j’ai l'habitude de partager les vestiaires avec mes camarades de jeu. Mais avec lui, c’est différent. Je vois Lucas me regarder attentivement. Je suis intimidé.

— Rassure-moi, tu fais du sport pour avoir un corps aussi musclé, non ?

Je vais perdre les pédales s’il continue à me désarçonner de la sorte.

— Oui, du tennis en club et un peu de musculation en effet.

— Et bien, ça se voit ! Il faudra que tu me montres des exercices pour les abdos ! Allez beau gosse, à l’eau.

Je n’en reviens pas de ce qu’il vient de me dire. C’était sans arrière-pensée, pourtant. Je me refuse de croire le contraire, ça serait trop beau. Je le vois entrer doucement dans l’eau.

— Elle est froide, mais tu vas t’y habituer rapidement. On a presque pied tout le temps.

Je rentre dans l’eau à mon tour. Elle me saisit. Je frissonne. Lucas me regarde en rigolant.

— Alors, pas trop froid ? On a les couilles rikiki, hein ?

Je ne peux me retenir de rire. Je ne m’attendais pas à une telle réplique de sa part et en même temps, sa spontanéité est si naturelle…

— On peut dire ça ! réussis-je à répondre.

L’eau nous arrive à la taille. Je tourne sur moi-même, admirant la végétation et la couleur si étrange de l’eau. Je fais quelques mouvements de brasse.

— Qu’est-ce que ça fait du bien ! dis-je.

Lucas me sourit. Il est heureux et moi aussi.

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