Avis de recherche

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Un chapitre / Une musique

Daniela Casa : Sovrapposizione di immagini

https://www.youtube.com/watch?v=mbnq87wreBU

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Jeudi 30 juillet 1981.

Aujourd’hui, malgré un temps lourd et chaud, avec Gaspard, nous avons posé la tapisserie de la cuisine. Je ne pensais pas que nous aurions fini en une seule journée. Je n’ai pas vu le temps passer. Il a été très gentil avec moi et si différent d’hier. J’ai l’impression d’avoir retrouvé mon cousin, enjoué et complice. Comme avant. Je finis de passer la serpillière sur le carrelage de la cuisine, quand j’entends mon père arriver de sa journée au cabinet. Lui aussi est satisfait du résultat. Il nous félicite. Pour une fois, il est sincère.

Il est 23h. Sur la terrasse, il n’y a pas un seul brin de vent pour rafraîchir l’air pesant qui règne. C’est tout de même une belle soirée d’été. Depuis que la nuit est tombée, les lucioles entament leur ballet au-dessus de la pelouse, formant d’étranges constellations qui ne cessent de se faire et de se défaire. Mes parents et Gaspard discutent tranquillement, un café à la main. Après avoir bu une tisane, je décide de reprendre une douche rapide, histoire de me rafraîchir. Ça fait tellement du bien ! J’en avais besoin. Je ressens cette bonne fatigue après l’effort et une grande fierté d’avoir fait ces travaux. Je descends les escaliers pour aller leur dire bonne nuit, quand on sonne à la porte. Qui cela peut-il être à cette heure-ci ? Je m’apprête à ouvrir vêtu d’un simple short et t-shirt, quand mon père arrive pour ouvrir lui-même.

— Bonsoir docteur Dumont, excusez-nous de vous déranger à cette heure tardive. Aurélien Picard, gendarmerie de B. et mon collègue Auguste Briand.

Ma mère et Gaspard arrivent à leur tour dans le hall.

— Un problème ? interroge mon père.

— Nous espérons que non. Je ne sais pas si vous vous tenez informés des actualités locales, mais…

— Le vol des bijoux ? Le frère Colombani ?

— Ah ! Je vois que vous êtes au courant. Un avis de recherche a été lancé il y a une semaine contre lui. David Colombani aurait été vu il y a trois jours près d’ici. Mais les témoignages que nous avons recueillis sont pour l’instant peu fiables. Cependant, les endroits pour se cacher ne manquent pas par ici. Nous vous demandons donc la plus grande vigilance. Surtout pour les personnes qui, comme vous, habitent dans des hameaux reculés ou des endroits un peu à l’écart du village.

C’est la première fois que je vois un gendarme de ma vie d'aussi près. Leurs uniformes m’impressionnent. Inquiète, ma mère porte machinalement la main à son collier de perles. Comme moi, elle n’en mène pas large. Gaspard se tient à ses côtés, la main sur son épaule, pour la rassurer.

— Vous n’avez rien remarqué de suspect ces derniers jours ? Pas d’objets de valeur disparus à déclarer ou autre ?

Mon père réfléchit, se tourne vers nous.

— Non, je suis désolé, je ne vois pas.

— Très bien, très bien. Nous ne souhaitons pas vous alarmer. Nous vous demandons juste d’être prudent. Si vous vous absentez dans la journée ou le soir, pensez à vérifier que chaque porte soit bien fermée à clé avant de sortir. Je sais que cela relève du bon sens, mais un oubli est vite arrivé, surtout l’été.

— Entendu, nous resterons vigilants. Merci de vous être déplacés messieurs.

— Tenez, je vous laisse un numéro de téléphone si vous souhaitez nous joindre. Vous tomberez directement sur la gendarmerie de B., la plus proche d’ici. Nous n’allons pas vous déranger plus longtemps. Bonne soirée à vous.

— Bonne soirée messieurs.

Nous regardons en silence les deux gendarmes repartir.

— Oh mon Dieu, Charles ! Je vais vérifier la porte du garage immédiatement, s’empresse de dire ma mère, affolée.

— Je viens avec toi, dit Gaspard.

Mon père lève les yeux au ciel.

— Déjà qu’elle n’était pas rassurée dans cette maison, qu’est-ce que ça va être maintenant.

— Je peux aller fermer le portail si tu veux papa.

— Oui, vas-y, ça évitera à ta mère de le faire.

Il n’a pas l’air inquiet, ce qui me rassure. Lorsque je reviens à l’intérieur, ma mère me serre dans ses bras avant de me laisser remonter dans ma chambre. Après avoir fermé les volets, je me glisse dans mon lit, avec une certaine appréhension.

Il est minuit et demi passé, las de me tourner et de me retourner dans mon lit, j’allume ma lampe de chevet pour me rassurer et écouter si j’entends quelque chose dehors qui sort de l’ordinaire. Rien. Le sommeil ne vient pas, autant reprendre ma lecture du moment. Je m’aperçois que j’ai laissé mon livre en bas. Dans le couloir, je vois de la lumière sous la porte du bureau de mon père. Je ne pensais pas qu’il travaillait à cette heure-ci. Pas de lumière sous la porte de la chambre de mes parents, ni de celle de Gaspard. Eux au moins, ils ont réussi à trouver le sommeil. Sans faire de bruit, je descends l’escalier pour rejoindre le salon. J’ai dû laisser mon livre sur la table à manger. La lune éclaire faiblement la pièce. Je reste dans l’obscurité et me dirige vers la table. Mon livre est bien là. Au moment où je m’en saisis, je crois apercevoir furtivement une silhouette passer sur la terrasse. Je reste figé quelques secondes, avant de me demander si c’est bien une ombre que j’ai vu ou si c’est mon imagination qui me joue des tours. Je me mets à frissonner. Arrête de te faire peur pour rien ! Je reprends mes esprits puis sors du salon quand soudain, j’entends l’escalier craquer. Je sursaute si bien que j’en lâche mon livre par terre. Le bruit résonne dans le hall.

— Alex, c’est toi ?

La lumière de la cuisine s’allume et m'éblouit un instant avant que je ne puisse reconnaître Gaspard dans l’entrée. Ses cheveux sont collés sur son front par la sueur. Il est en nage.

— Qu’est-ce que tu fais là, demande-t-il sur la défensive.

J’ai dû lui faire peur moi aussi.

— Heu…rien, j’arrivais pas à dormir, je suis juste venu récupérer mon livre que j’avais laissé dans le salon. Et toi, t’as l’air d’avoir chaud, dis-moi ?

— Ouais, carrément. J’aurais dû aérer ma chambre dans la soirée avant de monter dormir. La chaleur est intenable. J’allais me servir un grand verre d’eau, dit-il.

— C’est clair, vivement qu’il y ait de l’orage, un peu de pluie nous ferait du bien. Bon et bien, bonne nuit quand même !

— Ouais, bonne nuit, à demain ! dit-il.

Je suis de nouveau dans mon lit, les mains derrière la tête. Impossible de me concentrer sur mon roman. Pourquoi ai-je un mauvais pressentiment concernant mon cousin ? Se servait-il réellement un verre d'eau pour se désaltérer ? Ou bien était-ce lui que j’ai aperçu dehors ? Si oui, pour quelle raison ? Je me triture les méninges avant de me dire que décidément, la visite des gendarmes m'est montée à la tête. J’essaye de prendre de grandes respirations pour me calmer. Je ne trouve le sommeil que très tard dans la nuit.

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