La légende

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Un chapitre / Une musique

Orca (Tema Dell’Orca, IV) · Ennio Morricone

https://www.youtube.com/watch?v=Fey5omczigU

*

Jeudi 16 juillet 1981.

Les oiseaux ont encore la bonne idée de me tirer de mon sommeil. Je m'étire complètement dans mon lit. Je retire le drap, enleve le bas de mon pyjama et regarde mon sexe déjà en pleine forme. Je le caresse doucement. Le plaisir vient instantanément. Je me revois hier après-midi observer Lucas, concentré sur le montage de la bibliothèque. J’ai noté dans ma tête chaque mouvement de ses mains, de ses bras, de ses muscles. J’ai profité qu’il soit agenouillé pour contempler l’échancrure de ses fesses que son caleçon laissait deviner. J’ai aussi aperçu les quelques poils au-dessus de sa ceinture, lorsqu’il levait les bras pour placer une étagère et que son t-shirt se relevait. Plusieurs fois j’ai dû passer pour un vrai empoté lorsqu’il me répétait ce qu’il fallait que je fasse. Il ne suffit que de quelques allers retours de la main sur mon sexe pour jouir abondamment sur mon ventre. J’étale ma semence sur mon ventre avec mon doigt. La sensation visqueuse et chaude me procure une sensation agréable sur la peau. Je finis par aller me nettoyer au lavabo.

*

Vers 9h30, il fait déjà chaud. J’arrive en sueur à l’entrée du village. La place de l'église, quasi déserte, est devenue poussiéreuse et sèche. Je croise pour la première fois le curé de Saint-Amant-La-Rivière. Il porte sa soutane noire. Je pensais que cet habit était révolu à notre époque ! Visiblement non. Il a le crâne dégarni, son visage affiche une fatigue extrême, malgré un sourire avenant.

— Bonjour jeune homme. Excusez-moi de vous importuner. Vous devez être le fils du nouveau docteur du village, vous lui ressemblez trait pour trait.

Je le salue poliment.

— Votre père m'a dit que vous ne manquerez pas de venir à notre messe de dimanche prochain. Je m' en réjouis à l'avance.

Première nouvelle. Encore une information que mon père a oublié de nous dire. Je lui réponds que moi aussi, je suis enchanté. Ce qui est entièrement faux. La perspective de retourner à la messe, comme à Paris, me désespère déjà. Je sais que ma mère sera inflexible là-dessus. Je m'apprête à prendre congé lorsque une petite dame, habillé de noir, arrive à notre rencontre. Il me semble l’avoir déjà vu, mais où ? Ah oui…au feu d’artifice. Son austérité ne semble pas l’avoir quittée depuis.

— Monsieur le curé, ma nuit a été atroce. Je l’ai encore vu.

Le curé me regarde, gêné d’une telle intrusion. Elle se retourne vers moi, m'observe de la tête aux pieds et finit par mettre sa main devant la bouche, comme si elle avait vu le diable. Ses yeux sombres s’ouvrent en grand. Elle semble terrorisée.

— Pauvre jeune homme. Quel âge avez-vous ?

— Arrête, Bertille, je t’en prie. N' importune pas le fils du docteur Dumont. Viens plutôt avec moi. Nous allons prier notre seigneur.

Je suis déconcerté. Il serait quand même préférable que je lui réponde pour la satisfaire et peut-être la calmer.

— Je vais avoir 17 ans, madame.

— Comme vous êtes jeune ! Mais ne vous inquiétez surtout pas, vous serez sauvé, car vous êtes l’élu. Votre âme est encore pure. Attention aux tentations, elles sont si grandes. Restez sur le droit chemin, jeune homme !

Cette femme a perdu la raison. De quoi parle t-elle ?

— Ça suffit Bertille. Tu ne vas pas remettre ça. Je croyais que nous en avions déjà parlé.

— Lâchez-moi, monsieur le curé. C’est ce garçon que j’ai vu dans mon rêve, à côté de la vierge Marie. C'est lui, j’en suis certaine !

— Je suis désolé, monsieur Dumont. Comme vous pouvez le constater, ce matin, madame Debois n'est pas dans son état normal.

Elle me sourit, des larmes coulent sur ses joues. Je suis mal à l'aise. Je ne sais absolument pas quoi faire. Elle se met à se signer en marmonnant ce que je devine être une prière. Le curé la prend par les épaules et l'emmène calmement vers l'église, me laissant seul sur la place. Elle se retourne une dernière fois vers moi, avant de suivre le curé, sans faire plus d’histoires.

Ce qui vient de se passer me paraît irréel. Je reprends quelque peu mes esprits, avant d’entrer dans la boulangerie où règne une odeur sucrée mélangée à celle de la sueur. Celle-ci semble provenir de la patronne, vêtue d’une blouse trop petite pour elle, qui la serre de partout. Elle a du mal à respirer, tout comme sa cliente, au gros chignon, elle aussi vếtue d’une blouse, à la propreté douteuse. La boulangère me regarde, amusée.

— Ne faites pas attention à Madame Desbois. La pauvre n’a plus toute sa tête. Je parie qu’elle vous a demandé votre âge, en vous promettant que la vierge Marie vous sauvera.

J'acquiesce et je les vois rire grassement.

— Ne vous en faites pas, ajoute la cliente, ce que dit Madame Desbois n’a aucune importance. C’est l’approche du centenaire de la fête des Cascades qui lui monte à la tête.

— La fête des Cascades ?

— Ah mais oui, vous ne pouvez pas connaître la fête des Cascades. Vous venez d’arriver, c’est normal. C’est bien vous le fils Dumont ?

J’acquiesce de nouveau.

— Le 15 août prochain, nous fêtons le centenaire du miracle de la Vierge Marie. A l’époque, en 1881, on raconte qu’un couple illégitime s’était donné rendez-vous, comme chaque nuit de l’été, à la rivière, à l’endroit où les Cascades se déversent dans le grand bassin. Seulement, voilà, le mari trompé les attendait sagement, caché. Il se serait mis à découvert, aurait sorti son révolver et abattu d’une balle en plein coeur l’amant de sa femme. Celui-ci serait tombé dans l’eau, mort sur le coup. La légende raconte aussi l’apparition soudaine de la Vierge Marie. Le meurtrier, à genoux, aurait imploré son pardon. Mais le plus mystérieux, c’est que quelques heures plus tard, L’amant fut retrouvé sain et sauf, sans la moindre blessure. Depuis, chaque année, depuis un siècle, les plus superstitieux déposent une bougie au pied de la cascade, espérant voir apparaître la Sainte Vierge. Certains iront jusqu’à dire que l’eau qui coule des cascades serait miraculeuse.

Je reste bouche bée.

— C’est une légende jeune homme, juste l’occasion pour nous de faire la fête ! dit la boulangère. Excusez-nous, vous n’êtes pas venu pour entendre de telles sornettes, mais pour acheter mon pain, n’est-ce-pas ?

— Heu, oui…Une baguette, s’il vous plaît.

Une fois sorti, je reste un moment devant mon vélo, posé contre un banc encore un peu sonné par ce qui vient de m’arriver. Je pose la baguette dans le porte-bagages, monte sur la selle et me met en route, sans faire attention à la personne qui s’avance vers moi.

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