Désobéissance

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Un chapitre / Une musique

The Grid (Remixed by The Crystal Method) · Daft Punk

https://www.youtube.com/watch?v=aP_GsUh4uNE&list=OLAK5uy_kz9Brj8gmLAVi9Whaqoec5alD-m6N0tks&index=3

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Mardi 4 août 1981.

J’ai passé ma soirée d’hier et ma journée enfermé dans ma chambre. Je n’ai pas envie que mes parents me voient les yeux rouges, signe que j’ai pleuré. Je ne comprends pas pourquoi Lucas m’a repoussé comme ça. On n’aurait pu s'entraider. C’est bien la preuve qu’il n’a pas confiance en moi, en vérité.

Ce soir, ma mère essaye encore une fois de savoir pourquoi je ne veux pas sortir. Mais je tiens bon.
— Mais enfin Alexandre, je suis ta mère, et j’ai le droit de savoir tout de même ! Sors au moins pour manger quelque chose mon chéri !
— Laisse-le, Françoise, ça va passer, j’en suis sûr, dit Gaspard.
— Mais qu’est-ce que tu en sais ! Alexandre, réponds-moi !
Tout à coup, c’est la voix de mon père que j’entends. Il doit être rentré de son cabinet.
— Ça suffit Alexandre, sors d’ici immédiatement !
— Non !!!
— Je te l’ordonne !
— Allez-vous-en !
Même d’ici, je devine qu'il fulmine.
— Très bien mon fils, je m’en souviendrai. J’espère au moins que ce ne n’est pas à cause de ce Lucas Mercier.
Quoi ? Ai-je bien entendu ? Je saute de mon lit et déverrouille la porte.
— Qu’est-ce que tu as dit papa ?
— J’en étais sûr ! dit-il en me tirant par la main.
— Mais la^che-moi !
— Charles, enfin, lâche-le, qu’est-ce qui te prend ?
Mais mon père me tire si violemment que je suis contraint de dévaler les escaliers avec lui. Nous nous retrouvons dans le hall. Il me prend par les épaules et me secoue de toutes ses forces.
— Me dis pas que tu as quelque chose à voir avec ce petit merdeux de Lucas Mercier ! Je t’avais interdit de le fréquenter.
Je ne l’ai jamais vu avec des yeux aussi furieux et plein de haine.
— Qu’est-ce que ça peut te foutre d’abord !
Je reçois une gifle si inattendue que je ne sais plus où je suis. Je vois ma mère fondre sur mon père, en le tapant de ses poings.
— Charles, mais qu’est-ce que tu as fait ! Tu es devenu fou !
Mon père la repousse. Elle manque de trébucher. Arrive Gaspard qui s’empresse de vérifier si elle n’a rien.
— Charles, ne la touche pas. Et Alexandre non plus ! Ça va pas la tête ?
— Oh toi, tu ferais mieux de la fermer !
Gaspard et mon père se regardent. Ils ont tous les deux les poings serrés. Si cela continue comme ça, ils ne vont pas tarder à en venir aux mains.
-— Ça suffit, taisez-vous ! crié-je d’une voix tellement forte qu’ils me regardent tous.
— Papa, dis-moi ce que tu sais sur Lucas !
J’ai dû l’impressionner.
— Je suis désolé pour la gifle, Alexandre. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Ce midi, en sortant de mon cabinet, j’ai appris que le père de ton copain était allé à la gendarmerie hier soir. Il aurait passé la nuit là-bas.
Je sens comme des vertiges dans ma tête.
— D’après madame Langlois, il se serait compromis avec l’un des frères Colombani. Il l’aurait aidé à se cacher.
Cette fois-ci, ce n’est pas dans ma tête que je crie, mais tout fort.
— Quoi ? Mais c’est n’importe quoi ? Tu ne vas pas croire cette vipère, quand même, elle raconte n’importe quoi cette conne !
— Alexandre, je t’en prie, surveille ton langage. Ce que j’essaye de t’expliquer depuis que nous sommes arrivés ici, c’est de faire attention à tes fréquentations, et j’estime que la famille Mercier…
— Mais putain papa, j’en ai marre de tes règles à la con ! Regarde-toi plutôt ! Si vous avez envie de fréquenter ces coincés de Leduc, c’est votre problème ! Si tu crois que je vais continuer à voir Juliette, c’est hors de question ! Et arrête de vouloir contrôler mes moindres faits et gestes. Tu ferais mieux de t’occuper de ton cul !
C’est sorti tout seul. Je vois se dessiner un faible sourire sur les lèvres de Gaspard. Ma mère hésite à applaudir devant la tête effaré de mon père.
— Tu es devenu vulgaire mon fils. Je te conseille de revoir ton jugement très rapidement. Sinon…
— Tu ne m’empêchera pas de revoir Lucas de quelque manière que ce soit. Car moi aussi j’en sais des choses sur toi.
Je vois les yeux de mon père s’écarquiller. Ceux de Gaspard me fixent intensément.
— Je vois que la langue de vipère de madame Langlois t’as déjà contaminé. Tu ne vas pas t’en tirer comme ça jeune homme, je peux te le garantir.
— Et qu’est-ce que tu comptes faire ? M’enfermer dans ma chambre tout l’été ?
Ma mère décide de sortir de son silence.
— Écoute Charles, calmons-nous. Je te propose…
— Oh, arrête Françoise. Si tu ne l’avais pas autant couvé, on en serait pas là ! Regarde-le ! Tu vois bien qu’il fait n’importe quoi !
— T’as rien compris, et tu ne comprendras jamais rien. Je ne serais jamais comme toi, tu m’entends ? crie-je en sortant de la maison.
Je me fiche s’il m’a répondu ou non. Cette fois-ci, il est allé trop loin. Je suis au bord des larmes. Je vais dans le garage récupérer mon vélo. Quand j’en sors, Gaspard m’attend.
— Alex, attends deux minutes.
— Quoi, qu’est-ce qu’il y a encore ? C’est papa qui t’envoie ?
— Non, pas du tout. Je croyais que l’on s'entraîdait toi et moi.
Je le sens sincère.
— Bravo pour tout à l’heure, il n’en menait pas large le docteur, dit-il en me souriant.
— Il peut aller se faire foutre. C’est un gros con.
— Pas seulement.
Cette fois-ci, je décide de lui sourire.
— Où vas-tu avec ton vélo ? Rejoindre Lucas ?
— Oui.
— Ok, je te couvre. Laisse-moi m’occuper de ton père. Il va bien falloir qu’il lâche un peu la bride avec toi.
— Il a plutôt intérêt. Sinon…
— Sinon, rien. Tiens, allez vous acheter un truc à bouffer et à boire pour la soirée. Vis ta vie Alex, t’occupe pas de nos affaires. Elles ne sont pas belles.
Je vois de la tristesse dans ses yeux. Je ne sais pas comment réagir.
— Merci Gaspard. T’as toujours été là pour moi.
— Non, ne me remercie pas. Allez, ne perds pas de temps, vas le rejoindre. J’irais dans ta chambre pour laisser la porte-fenêtre ouverte, pour que tu puisses rentrer. Tu n’y avais pas pensé, hein ?
Je lui fais un grand sourire avant de monter sur mon vélo. Je franchis le portail avec un tel empressement que j’ai l’impression que mon cœur va exploser. Qu’est-ce que ça fait du bien d’avoir fait entendre ma voix ! Je me sens tellement soulagé. Peu importe si Lucas ne veut pas me voir, je resterai devant sa porte à cogner jusqu’à ce qui m’ouvre. Toute la nuit, s’il le faut. Je me sens invincible.

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