Se rejoindre

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Un chapitre / Une musique

Fall (Remixed by M83 VS Big Black Delta)

https://www.youtube.com/watch?v=LILZ8OtroMk&list=OLAK5uy_kz9Brj8gmLAVi9Whaqoec5alD-m6N0tks&index=2

*

Mardi 4 août 1981.

Hier soir, dans la nuit, j’ai entendu mon père rentrer. Il devait être quatre heures du matin. Quand je suis descendu, j’ai vu qu’il était saoul. Mais pas assez pour ne pas avoir une petite conversation avec lui. Avant même que je ne dise quoi que ce soit, il m’a juré que ce n’était pas ce que je croyais et qu’il maîtrisait la situation. J’étais si en colère après lui ! Pourtant il y avait ce truc dans ses yeux auquel je me suis raccroché. Il ne mentait pas. Quand je lui ai demandé pourquoi il était allé à la gendarmerie, j’ai vu qu’il ne me disait pas tout. La seule chose qu’il n’a pas arrêté de me répéter, c’est qu’il n’avait rien à voir dans l’histoire Colombani. Jamais, il n’avait eu affaire à lui. À force de tourner en rond et de le presser de questions sans qu’il daigne me répondre, j'ai fini par renoncer et nous sommes allés nous coucher. J’ai continué à cogiter dans mon lit. Cette fois-ci, je me suis juré que j’arrêtais de me prendre la tête avec lui. Après tout, je ne suis pas son sauveur, juste son fils.

Et si je commençais réellement à penser à moi pour une fois ? Il serait plus que temps. J’espère qu’il n’est pas trop tard pour réparer mon erreur avec Alex. C’est la dernière fois que je me comporte comme un con avec lui. Voilà ce à quoi je pense sur mon vélo qui me mène rue des cascades. Peu importe si je croise son père, il ne m’empêchera pas de voir son fils. Quitte à grimper par la fenêtre de sa chambre pour le retrouver.

Je roule à toute vitesse, quand j'aperçois au loin, un autre vélo. C’est Alex qui me fait de grands signes !

— Hey Lucas, qu’est-ce que tu fais là ?

— J’allais chez toi, idiot !

Il se met à rire.

— Et moi, chez toi !

Il sort de sa poche un billet de cent francs.

— On va s’acheter de quoi bouffer à la superette. Il vaudrait mieux se dépêcher avant que ça ferme.

— Alors vite, magnons-nous !

Nous roulons aussi vite que possible. Alors que la gérante est en train de faire sa caisse, je lui fais les yeux doux en posant sur le tapis roulant les deux derniers sandwichs qui restaient dans le rayon frais. Par contre, impossible pour les bières. Elle refuse catégoriquement.

— Vous êtes mineurs jeunes hommes. À moins que vos papiers d’identités me prouvent le contraire.

*

Je fais attendre deux minutes Alex devant chez moi. Mission accomplie, j’ai réussi à choper les deux dernières bières qui restaient dans le garage. Elles ne sont pas fraîches, mais peu importe, nous ferons avec.

Je décide de l’emmener dans un petit parc, tout près de l’école primaire de Saint-Amant. Il y a encore des enfants qui jouent dans le soleil du soir. Ils tentent de faire passer les balançoires par-dessus la barre du haut, d’autres s’accrochent au tourniquet de toutes leurs forces. Assis sur les bancs, les parents les surveillent. Un peu à l’écart, il reste un banc de libre sur lequel nous nous asseyons. Nous mangeons notre sandwich.

— Il est à quoi le tien ?

— Jambon, tomate et cornichon, dit-il en tirant la tronche.

— Il est pas bon ?

— Dégueulasse, et le tien ?

Je fais semblant de vomir, ce qui le fait marrer. Nous ouvrons chacun notre bière. Elle s’avère chaude et tout simplement infecte. Nous nous regardons en échangeant deux puissants rots. Ça nous fait marrer. Mais ce n’est pas du goût de la dernière famille qui s’en va enfin.

Nous décidons à notre tour de monter sur le tourniquet. Cela faisait une éternité que je n’avais pas ressenti cette sensation de liberté malgré les hauts de cœur. Puis nous arrêtons là nos pitreries pour ne pas risquer de gerber notre repas. Les balançoires nous appellent et nous voilà comme deux gosses à nous bercer tranquillement. Nous ralentissons notre cadence, en freinant doucement avec nos pieds. La nature devient plus silencieuse. Nous sommes tous seuls dans ce petit parc qui nous offre son intimité de fin de journée.

Nous assistons, au coucher du soleil derrière la colline que nous apercevons au loin. Les lampadaires du parc s’allument, mais il y a encore de la lumière dans le ciel, il ne fait jamais tout à fait nuit à cette époque de l’année.

Nous restons assis sur nos balançoires, timides l’un envers l’autre. Je me sens hyper bien à ses côtés. Alex continue à se balancer tout doucement avec la pointe des pieds qui frôle le sol. Je le vois regarder par terre, pensif. Ça y est, je me mets à bander. Je regarde la forme de mon short en jean au niveau de mon entrejambe, ça ne se voit presque pas, enfin pour l’instant. Alex relève la tête d’un coup et me regarde, sans un mot, en posant ses mains sur les chaînes de la balançoire. Je l’imite et le regarde droit dans les yeux. Je me sens rougir. Un petit vent léger fait voler quelques mèches de ses cheveux blonds. Son regard me transporte sur des terres inconnues sur lesquelles j’ai envie de passer beaucoup de temps. Non, je ne rêve pas, son visage se rapproche du mien. Je lui facilite les choses en faisant de même. Ses lèvres tremblent imperceptiblement, tout comme les miennes. Suis-je vraiment sûr de vouloir faire ce que je m’apprête à faire ? Oui. Hors de question de fermer les yeux pour notre premier baiser. Aucun signal ne nous est donné, mais nos lèvres décident d’un commun accord de se poser l’unes contre l’autres. Je presse ma bouche contre la sienne. Ma langue trouve facilement le chemin de la sienne. C’est chaud et terriblement excitant. Sans nous en apercevoir, nous commençons à tourner sur nous-même, en continuant à nous embrasser. Nous finissons collés l’un à l’autre dans une position inconfortable, au vu des chaînes de nos deux balançoires qui s’entortillent sur elles-mêmes. Nous sommes obligés de mettre un terme à notre baiser qui se transforme en un véritable fou rire. Nous déroulons en sens inverse nos balançoires avec amusement. Nous hésitons à nous regarder de nouveau, ne sachant pas quelle suite donner à notre baiser. Alex finit par se lever de la balançoire, regarde autour de lui. Il se rapproche de moi, ferme un à un les boutons de ma veste en jean, se colle contre mon dos, et vient glisser ses mains dans mes poches, pour m’embrasser dans le cou. Je me laisse faire avec envie, bascule la tête en arrière puis sur le côté pour accueillir ses baisers. Mes mains viennent se glisser étroitement contre les siennes. Bientôt, ses doigts chauds viennent se poser sur mon ventre et me serre comme ça un long moment. Je sens que lui aussi bande. Ça me fait bizarre de ressentir pour la première fois l’érection d’un mec contre moi. Cette sensation nouvelle m’excite encore plus que ce que je n’aurais imaginé. Je finis par me retourner pour attraper son visage et y déposer un baiser. Alex ouvre doucement la bouche pour accueillir ma langue. Nous échangeons un nouveau baiser chaud et humide. Je le sens frissonner.

— J’ai pas envie de rentrer chez moi, Lucas.

Je lui souris.

— Moi non plus.

Il dépose un nouveau baiser sur mes lèvres.

— On fait quoi ?

Je dépose moi aussi un baiser sur ses lèvres.

— J’en sais rien.

Il dépose deux baisers dans mon cou.

— J’ai une idée.

Je dépose deux baisers dans son cou.

— Ah oui, je t’écoute.

Il met ses mains dans les poches arrière de mon short.

— Tu vois le gros cylindre en béton, dans le bac à sable d’à côté, on pourrait y rester la nuit.

Je mets mes mains dans les poches arrière de son bermuda.

— Bonne idée, mais on risque de se cailler.

Il se presse tout contre moi.

— On aura qu’à se coller l’un contre l’autre pour se réchauffer.

Je renforce notre étreinte.

— Marché conclu.

Nous voilà recroquivillés dans ce tunnel où je jouais gamin. Un tunnel sombre qui me faisait peur, mais qui aujourd’hui, est étrangement petit et accueillant. Nos épaules sont collées l’une à l’autre. J’ai froid, mais je m’en fous. Alex pose sa tête contre mon épaule.

— Tu sais Lucas, c’est la première fois pour moi…

— Moi aussi.

Il me regarde, me sourit et vient réclamer un baiser que je m’empresse de lui donner.

— Je suis si content de t’avoir rencontré, Alex.

Nous restons là, à nous embrasser maladroitement, avec fougue et avidité. Nous faisons quelques pauses pour reprendre notre souffle et nos esprits. Je commence à avoir mal à la mâchoire, ce qui me fait sourire.

— Il est quelle heure ? je demande.

Alex regarde sa montre, mais il fait trop noir à présent.

— Si on rentrait, je t’avoue que je commence à cailler sévère, dis-je.

Je suis soulagé quand il me répond que lui aussi. Nous ressortons de notre abri, avant de reprendre nos vélos.

Nous arrivons devant ma maison. Je me mets à chuchoter.

— T’es sûr que tu veux pas que je t’accompagne jusqu’à chez toi, ça ne me dérange pas, tu sais.

— Je sais, mais non, tu vas te cailler encore plus, sinon.

— Je suis prêt à ça, tu sais ! dis-je en plaisantant.

— Et moi, à bien plus avec toi, dit-il très sérieusement.

Je me sens soudain tout drôle.

— Je te promets qu’à partir de maintenant, on se voit tous les jours…

Alex ne me laisse pas finir et m’embrasse avec empressement.

— Ok, ok, j’ai compris ! dis-je, attendri par sa fougue. Retrouve moi au marché demain matin si tu veux.

— Super, ça me fera un prétexte pour éviter à ma mère d’y aller, elle sera contente.

— Mais pas dupe.

— Je me fous de mes parents maintenant.

— C’est marrant que tu dises ça, moi aussi je m’en fous de mon père, je lui réponds, avant de lui rouler une grosse pelle.

— Ok, ok, moi aussi, j’ai compris ! dit-il, en m'imitant. Bon allez, je me sauve, fais de beaux rêves.

— T’inquiète pas pour ça, dis-je.

Je m’apprête à imiter le geste du mec qui se branle, mais je me retiens, il va penser que je suis un obsédé et que mon humour est déplacé.

— Ne te branle pas trop, hein ?

J’étouffe un rire nerveux.

— Promis.

Il va vraiment falloir qu’on arrive à décoller nos bouches l’une de l’autre, sinon, on va rester ici toute la nuit. Nous nous roulons une dernière grosse pelle. C’est trop bon. Puis je lâche sa main et le vois partir en vélo.

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