Vendredi 21 août 1981

3 minutes de lecture

Un chapitre / Une musique

Vanessa Wagner - Celeste [Brian & Roger Eno]

https://www.youtube.com/watch?v=4B0PKaKJJhI

*

Il doit être très tôt, car le jour est à peine levé. Il y a de la rosée sur ma couverture et sur le banc sur lequel je suis allongé. J’étais persuadé de m’être endormi dans le tunnel du parc près de l’école de Saint-Amant. Mais ce n’était qu’un rêve ! Aussitôt, mon cœur se serre. L’image de la tête d’Alex contre mon épaule me revient en mémoire. Nos baisers. J’ai envie de me mettre à chialer. Ma couverture est trempée. Fait chier. En plus, j’ai des courbatures, le nez enrhumé. Pour me réchauffer, je décide de reprendre mon sac à dos et d’aller découvrir ce parc. Je le connais à peine, je n'ai dû y venir que deux, trois fois seulement dans ma vie. La marche me réveille. Bientôt, je vois les premières personnes le traverser, les premiers sportifs faire leur jogging. Ils ont l’air décidé et de si bonne humeur ! Ça me donnerait presque envie de me mettre à la course à pied ! Mais j’ai autre chose à penser pour l’instant.

Je quitte le parc et commence à arpenter les rues de la ville. J’arrive bientôt dans le quartier de l’université. Et dire que les profs du lycée nous rabâchent les oreilles avec la fac ! En regardant le grand bâtiment gris et austère, ça ne me donne pas du tout envie. Je préfère aller prendre une boisson chaude dans ce café devant moi, qui me tend les bras. L’Ecluse s’avère être déjà animé, du moins au zinc où sont attablés plusieurs hommes, devant leur café. Une panière posée remplie de croissants me fait de l'œil. L’odeur beurrée de la viennoiserie me fait gargouiller le ventre. Je m'assois à l’autre bout du comptoir, le serveur prend ma commande. Ce sera un café serré et un croissant. Tout en le dégustant, je continue de regarder le serveur plaisanter avec les clients. La couleur orange des lampes suspendues sur le comptoir, les blagues éculées que j’entends, la fumée de cigarette de mon voisin, tout ça me redonne un peu de vie. Car oui, la vie continue.

La mienne semble s’être définitivement arrêtée. Comment vais-je pouvoir survivre sans toi, Alex ? La douleur abyssale que je ressens dans mon cœur ravagé ne m’a pas quittée depuis la grotte. J’ai l’impression qu’à tout moment, je vais m’écrouler et ne plus jamais me relever. Pourtant, une lueur de vie se cache au fond de moi, je le sais aussi. Mais c’est si dur. Je n’ai pas encore réalisé ce qui vient d’arriver en l’espace de quelques jours. Je ne sais même plus quel jour nous sommes. J’aperçois le journal du jour dans les mains d’un mec en costard. Je plisse les yeux pour lire les gros titres. Le nom “Colombani” est écrit en gros et en gras. Je détourne aussitôt le regard. Inutile de se faire encore plus de mal. J’ai eu ma dose.

*

J’ai passé la journée à marcher dans les rues de la ville, et à franchir les portes des cafés pour demander s’ils avaient besoin d’un serveur. On me regardait bizarrement avec mon sac à dos, on me répondait poliment ou on me faisait comprendre qu’il valait mieux que j’aille voir ailleurs. Qu’est-ce-que je croyais ? Je ne suis pas encore majeur de toute façon.

Me voilà de retour au parc, les pieds en compote. La pluie s’est arrêtée en début d’après-midi. L’air a commencé à se réchauffer doucement. Je ne sais pas quelle heure il est, mais on doit s’approcher de la fin de l’après-midi. La perspective de dormir de nouveau ici ne m’enchante guère. Je sais bien que je fais n’importe quoi et que ma petite escapade touche déjà à sa fin. Quelle aventure Lucas ! Tu es vraiment pathétique. Pour me réconforter, je sors de mon sac le livre de Walt Whitman. Lis quelques poèmes. J’imagine Alex, allongé sur son lit, avec ce bouquin entre les mains. Je souris, et en même temps, c’est comme si je recevais un coup de poignard dans le ventre, tellement j’ai mal.

C’est trop dur sans lui, insupportable, inhumain.

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