Un invité surprise

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Karen Schaeffer s’activait à réchauffer les plats aux fourneaux : cette année, Noël se déroulait dans son chalet aux beaux volumes. Elle avait congédié en fin d’après-midi sa cuisinière et commençait à le regretter. Son mari et elle avaient invité leurs amis Deyfaschelles pour le réveillon.

Lorsque la mère d’Apolline s’avança dans le salon, elle aperçut Pierre assis dans un fauteuil de cuir près de la cheminée :

— Oh tu es là !

— Nous aurions dû insister pour qu’Apolline nous accompagne, soupira Jean.

— Paris doit être bien plus attractif en périodes de fêtes de fin d’année que la montagne pour une jeune fille de son âge, supposa Marius.

— Non même pas, s’assombrit la mère d’Apolline. Nous avons juste quelques difficultés avec notre fille depuis …depuis notre retour à Paris début septembre.

Karen fronça les sourcils et prit Claire par le bras en la priant de s’installer sur un confortable canapé vert sauge, et de lui en dire plus. Pierre releva la tête de son téléphone pour écouter la suite de la conversation.

— Est-ce l’université à laquelle elle ne se fait pas ? reprit Karen.

— Elle s’est totalement métamorphosée, lâcha Claire. Et nous n’arrivons plus à parler avec elle. Elle ne vient quasiment plus nous voir.

— Mais vous vivez ensemble ! s’exclama Pierre.

— Non, corrigea Claire. Apolline a finalement pris une chambre universitaire, grâce à quelques-uns de nos contacts.

— Pour étudier plus sérieusement, compléta Jean. Même si sa chambre universitaire est d’un confort spartiate.

— Quant aux transports : elle ne les prend plus, ajouta Claire. Plus de bus, plus de métro plus rien. Impossible de savoir pour quelle raison.

— Et les cours ? s’inquiéta Karen. Elle prépare le concours de la PACES n’est-ce pas ?

— Oh pour ça elle travaille, assura Jean. A en perdre raison. Nous sommes allés lui rendre visite juste avant de partir et je l’ai à peine reconnu. Les soupes déshydratées et la caféine ça ne nourrit pas spécialement.

— Avez-vous essayé d’en discuter avec ses amis ? s’enquit Marius.

Claire hocha la tête avant de continuer :

— J’ai eu Mélia au téléphone. Elle est sa plus proche amie depuis le collège. Elle m’a confié qu’Apolline avait choisi de suspendre tous liens pendant l’année afin de rester concentrée sur ses études.

— Tout lien ? releva Marius.

— Et bien : ne pas se voir, ni se téléphoner, pas de SMS, pas de réseaux sociaux, compléta Jean. Notre fille est en train de se replier sur elle-même, et nous sommes persuadés qu’il y a une raison autre que la préparation de son concours. Elle nous repousse, nous n’arrivons pas à avoir de conversation avec elle. Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses.

— Quelles hypothèses ? interrogea Pierre en intervenant à nouveau.

— Et bien…

— Claire ne vous sentez pas obligée de répondre à mon fils si vous n’en avez pas le courage, fit Karen.

— C’est gentil, mais peut-être qu’un esprit plus jeune pourra y comprendre quelque chose. Elle a cessé de voir celui que l’on suspectait être son petit ami, Clément. En tout cas à notre retour en septembre, ils n’étaient plus ensemble. Depuis leur classe de seconde, ils étaient un peu …comme des amoureux artistiques. Ils s’enrichissaient l’un l’autre : courant de musées en expositions, de cinémas en concerts quand ils ne travaillaient pas ensemble sur leurs devoirs. Et puis, il y a son refus catégorique de prendre les transports en commun, préférant marcher des kilomètres, ou prendre un vélib. On ne décide pas à dix-huit ans du jour au lendemain de rayer les transports en commun de sa vie, surtout quand on vit à Paris. Lui est-il arrivé quelque chose dans le métro ? Nous sommes persuadés qu’elle nous cache quelque chose.

— Et toi ? Elle ne t’a fait part de rien ? demanda Marius en se tournant vers son fils.

Le regard de Pierre passa de son père au couple Deysfachelles car il ne comprenait pas où il voulait en venir.

— Pourquoi à moi ?

— Parce que vous êtes inséparables ici tous les deux ! s’exclama avec évidence Marius. Peut-être qu’elle a pu se confier à toi.

— Apolline et moi n’avons jamais rien échangé de nos vies respectives à Paris ou Lyon ! fit Pierre en se levant de son fauteuil. Nous n’avons jamais été en contact l’un l’autre une fois l’été terminé. Même pour souhaiter un anniversaire.

Pierre reçut quatre regards interloqués comme si les quatre adultes découvraient seulement la réalité sur leurs progénitures qu’ils pensaient plus proches.

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