Expédition.

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 L’homme tenait sa fille contre lui, assis dans un fauteuil mit à leur disposition par Ninil ; elle dormait confortablement agrippée à sa tunique pendant qu’il méditait. Il écoutait attentivement son cœur battre ; son sang pulsé dans ses veines, et la vie faire son office dans ce petit corps fragile. Il se rendit compte qu’une peur infime naissait en lui ; celle de perdre son enfant une seconde fois. « Je ne laisserai rien t’arriver », pensa-t-il. Il inspira profondément pour remplir ses poumons restés vides trop longtemps.

 Une table basse se trouvait devant eux, il y posait un pied botté de cuir. Devant ce dernier, se tenaient dix araignées ; jeunes et intrépides, elles chuchotaient entrent-elles des cachotteries. Au milieu du groupe, se trouvaient To et No. La chef du projet spécial d’aujourd’hui était Ri, puisque To avait échoué dans la récupération du donut.

 « Aujourd’hui nous allons explorer l’endroit de tous les trésors ! annonça Ri. La manque !

 — Elle y était presque, s’amusa Zo.

 — C’est “manche” ! corrigea Ni.

 — Qu’est-ce qu’on fait ? se questionna Ku.

 — La manche ! » zozota Ha.

 Les trois dernières roupillaient les unes sur les autres sans plus écouter. Ri – qui les utilisaient comme estrade – agitait frénétiquement les pattes. « Meh, meh, meh ! » s’excitait-elle, honteuse. Ce faisant, elle fit tomber une grande araignée du plafond. La vive intelligence de Ka lui avait vite fait comprendre que quelque chose se tramait par ici. Son apparition soudaine souleva une volée de cris des enfants surexcités – hormis des dormeuses qui se firent capturer en première.

 « À la manque ! criait Ri. À la manque ! »

 Les sept araignées se précipitèrent vers le pied de l’homme. Ku se fit attraper par Ka qui la séquestra dans une petite poche de toile. Ha, fière et déterminée, zozota à ses amies de continuer sans elle. Il fallait quelqu’un pour retenir la géante afin de permettre aux autres de percer le mystère de la manche. Au sommet de la botte, elle écarta les pattes devant les chélicères de Ka et lui jeta un fil dans un œil. Adroitement, elle se balança entre ses pattes, sauta sur son abdomen renflé et le lui frappa frénétiquement. « Attaque spéciale : mille millions de mille coups de patte ! » s’écriait-elle avant d’être capturée à son tour.

 To suivait sa sœur, No, qui avait décidé de passer sous la jambe afin d’être les dernières visées par Ka. « Nous n’avons aucune chance contre elle, avait-elle décrété. Nous allons devoir faire des sacrifices. Elle ne peut pas toutes nous prendre pour cible. Restons discrètes. »

 Au-dessus d’elles, Ri esquivait habilement les tentatives de Ka pour l’attraper ; au moment fatidique, Ni se jeta sur elle afin d’être prise à sa place. « Tu dois découvrir le secret de la manche », lui hurla-t-elle avant de disparaître dans le sac. Mue d’une nouvelle détermination, Ri accéléra. Elle arrivait bientôt au genou, que dépassait déjà Zo. Mais une ombre les survola. Ka tomba sur la cuisse de l’homme et faucha Zo au passage. L’enfant cria à tue-tête, appela sa maman, mais finit dans le sac. Ri accéléra encore. Elle bondit par-dessus la patte de Ka, lança un fil sur l’une de ses chélicères et se balança sous son abdomen, se détacha pour s’agripper à son ventre et bondit une nouvelle fois afin de la dépasser. À mi-cuisse, elle voyait la manche s’ouvrir à quelques centimètres d’elle. « À moi les trésors ! » s’exclama-t-elle victorieuse. Or, une nouvelle ombre la recouvrit, elle pensa d’abord à Ka, mais ce fut un filet de gaze collante qui l’immobilisa. « Tu n’iras nulle part, petite chipie », lui dit cette dernière en la jetant dans son sac.

 To et No – qui avaient atteint la limite de la jambe – s’engageaient discrètement sur la hanche de l’homme, cachées par les plis de la tunique et le corps de la fillette. Elles attendirent que Ka s’en aille pour se précipiter vers la manche. « On a réussi ; on est trop malignes ! » s’enorgueillit No. Elles s’engouffrèrent à l’intérieur de l’obscurité oppressante qui régnait à l’intérieur du vêtement et… se découvrirent dans un sac de toile en compagnie de huit autres araignées. « Comment vous êtes arrivées-là, vous ? » s’étonna Ri devant leur soudaine apparition. Mais elles furent incapables de lui répondre.

 L’homme secoua sa manche, et en sortit un donut qu’il jeta sur la table basse pour éviter que d’autres curieuses viennent l’embêter.

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