La Danse des Araignées.

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 Il attendait assis dans le fauteuil garni d’ouate, calé contre le mur du fond du magasin ; les doigts enfoncés dans les accoudoirs, il était interloqué par les évènements futurs qui s’apprêtaient à se dérouler devant lui. Les araignées s’activaient dans toutes les directions ; elles poussaient les étagères, désorganisaient les rayons au point de mettre le chaos dans l’ordre instauré par Ninil. Elle avait elle-même demandé que tout soit dégagé. Elle prit même la peine de dépêcher Ka et toute une troupe de guerrières aux côtés de Lily qu’elle avait gentiment envoyé jouer dehors ; et, surtout, elle avait longuement insisté pour que l’homme s’assît là, à l’attendre.

 Les petites billes noires se pendirent à des fils et commencèrent à faire pleuvoir des confettis soigneusement découpés en forme de fleurs ; elles firent ainsi intentionnellement disparaître le sol carrelé, morose, au profit de couleurs plus joyeuses. Le pauvre homme commençait à se sentir gêné. Il ne savait pas à quoi s’attendre. Il espérait seulement que tout se termine au plus vite, qu’il puisse rejoindre sa petite dans son exploration de la ville.

 Les araignées se mirent soudain à chanter un refrain lent et doux ; une complainte sur la vie d’une petite goutte. Certaines se balançaient, d’autres galopaient sur les allées de toiles, ou encore bondissaient sur les confettis afin d’en soulever des paquets de flocons. Une danse harmonieuse et maîtrisée, parfaitement coordonnée. Puis, la porte de l’arrière-salle du magasin s’ouvrit ; des bras de ténèbres s’en extirpèrent et entourèrent la silhouette malingre, mais élégante, d’une Ninil vêtue d’une longue robe rouge rafistolée pour s’adapter à son étrange physique. Elle dépassa le comptoir, applaudi par la réceptionniste, et traversa la mer de confettis virevoltants, pieds nus.

 Elle s’arrêta à la hauteur de l’homme, lui octroya un joli sourire et s’inclina poliment. Elle claqua ensuite dans ses nombreuses mains. Le chant des araignées prit un rythme plus entraînant, et elle commença à faire onduler son corps. Elle tournoya sur elle-même, s’arc-bouta, leva les genoux, frappa le sol de ses pieds menus, se contorsionna dans des positions qu’il ne lui aurait pas crues possible et qu’il aurait préféré ne jamais voir. Néanmoins, il ne pouvait s’empêcher de ressentir de l’admiration pour elle qui lui rappelait sa jeunesse perdue.

 Malheureusement, la sonnette – une araignée chargée de couiner à l’arrivée de clients – résonna par-dessus le chant ; une gueule monstrueuse et sans poils repoussa le battant de verre, trop grosse pour pouvoir s’y glisser entièrement. « Excusez-moi », fit la voix gémissante au fond de sa gorge, coupant court aux efforts de Ninil, qui s’arrêta, agacée, les joues rougies gonflées du toupet de cet invité inopportun.

 « J’arrive », soupira-t-elle sans cacher sa déception.

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