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Doriane, émerveillée par cette douce musique, ne tarde pas à les rejoindre sur l’indication des enfants à qui elle offrit quelques mochi au taro. Elle traverse l’ōdo et y découvre Simon, comme suspendu au temps devant une geisha étrange, aux charmes vipérins dont l’orishoi vulgaire, terne et glaireux, cache sous un plâtre immonde le poids des années, l’écorce des rides en rivières taries.
Elle s’assied auprès de Simon pour assister à cette représentation curieuse, s’inclinant en guise de salutation, et sans mot dire pour ne point perturber celle qui, d’un œil mauvais, la suit.
Doriane n’en prend pas ombrage et sourit : un tel spectacle, si authentique, si intimiste, elle n’aurait jamais pu y assister dans les villes ! Sa main se pose sur le bermuda de Simon, qui ne bouge pas, figé dans la contemplation de cette femme, le regard fixe, les lèvres entrouvertes. Et la musique de dérouler sa mélodie sans fin, au travers des minutes longues comme éternelles et Doriane de somnoler quelque peu, à mesure de l’infinie partition.
Sans doute est-ce temps, pense-t-elle, de lever les voiles pour ne pas abuser de cette hospitalité, mais, alors qu’elle se relève péniblement, Simon ne la suit pas : il reste assis, comme imperturbable, captif de cette musique qui déroule ses motifs. Alors qu’elle tire sur sa main pour lui donner un signal fort de son départ, il s’écroule, les yeux révulsés, inanimé, sans… vie.
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