Mon plus bel été

Ce fut mon plus bel été. Ou peut-être le pire. C’était il y a 17 ans. J’étais lycéen et suivais, sans doute pour la dernière fois, mes parents sur leur lieu de vacances. L’année suivante m’attendait, à n’en pas douter, la liberté et la découverte des plaisirs de la majorité, vitre ouverte, cheveux au vent, permis de conduire en poche.

Les premiers jours du séjour, je passais mes après-midis à hanter d’une aura cafardeuse la chambre qui m’avait été octroyée en lisant et relisant les poèmes de Raymond Carver. Parfois ponctuées de quelques suées dues aux sauts endiablés effectués au son de Miss You des Rolling Stones auxquels je m’astreignais afin d’éviter de sombrer dans un état léthargique, ces lectures me transportaient dans une humeur mélancolique tout autant délectable que terrifiante.

Lassé d’entendre à longueur de journée la rengaine de ma mère se lamentant de me voir à peine sortir de ma chambre, je lui offrais chaque soir le plaisir de m’éclipser gouter la douceur de la fin de l’été en bord de mer. La location se trouvant à l’écart de toute vie active et festive, j’errais sur les chemins de la lande bordant la maison et caressant sur des kilomètres la dune nous séparant de la mer. Terriers de lapin et bruyères accompagnaient mes errances nocturnes répétées où je me rêvais parfois en Sherlock Holmes lunaire.

Ce fut le dixième ou onzième soir que l'habituel ressac berçant des vagues laissa émerger une voix à la fois douce et forte. Mue par le vent, la mélodie qu’elle produisait était accompagnée d’accords de guitare sèche et provenait d’un des vieux blockhaus tagués datant de la seconde guerre mondiale qui semblaient avoir été déposés là par un géant distrait. Je m’approchais sans discrétion et découvris une sorte de grotte sombre et abandonnée au milieu de laquelle trônait une fille pas beaucoup plus vieille que moi, ni beaucoup plus jeune d’ailleurs, assise en tailleur sur un tabouret bancal. La flamme d'une bougie soufflée par le vent luttait pour laisser paraitre un visage rond que recouvraient en partie des cheveux blonds bouclés. Je la devinais revêtant une veste en jean plutôt passée de mode, un tee-shirt blanc échancré et un short en toile. Malgré ma présence, elle poursuivit sa chanson jusqu’à son terme, laissant alors planer un silence un peu gêné, parfumé des effluves résiduels de la mélodie.

-Salut !, lâcha-t-elle, confirmant la douceur de sa voix et me gratifiant d’un sourire amical.

-Salut !, dupliquais-je sottement, sans savoir quoi rajouter.

Voyant mon tâtonnement maladroit, elle me proposa de m’asseoir sur un tabouret à peine plus présentable que le sien.

Elle s’appelait Margaux et se remit à chanter dans la lueur vibrante de la bougie. Ce fut notre premier moment magique.

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