Lettre à l'adolescent que j'ai été
Bonjour Gaël,
Je sais que tu n’as jamais été très porté sur la science-fiction, tu vas croire que cette lettre est une mauvaise plaisanterie, comment peut-on recevoir une lettre du futur ? Pourtant, tout est vrai, je suis toi dans quelques années, onze pour être précis. Rassure-toi, tu n’es pas fou, la technologie d’aujourd’hui nous permet simplement de faire des choses incroyables, tu verras !
Aujourd’hui tu as quinze ans, tu rentres surement du collège ou d’un entraînement de basket. Comme souvent, tu es fatigué, par le sport et tout le reste. Je sais que tu appréhendes un peu ta rentrée au lycée, tu as peur de ne pas y trouver tes repères, de ne pas réussir tes études, de ne pas savoir quoi faire de ta vie, de perdre tes amis. Soyons honnêtes Gaël, c’est uniquement pour tes amis que tu t’inquiètes, n’est-ce pas ? Je ne le répéterais pas ! En ce moment, tu n’arrêtes pas de vadrouiller ici et là, tu fais le plus de choses possibles avec eux, tes amis qui -pour ton plus grand bien- ne t’ont jamais laissé une seconde de répit.
Comme tu aimes à le dire sur tes vidéos, sur ton blog ou sur MSN, tes amis c’est toute ta vie, jamais tu ne les quitteras. Alors je ne veux pas te saper le moral, mais sache que tout ce que l’on promet dans sa jeunesse part très souvent aux oubliettes quelques années plus tard. Bref, je sais que tu es bien comme ça, tu es bien avec eux et j’aime te voir comme ça. Je sais également que tu commences à grandir, tu commences à découvrir l’amour, tu vois apparaître des poils, tu imagines déjà être un petit homme ! Tu découvres également la réflexion, les pensées dans la tête. Gaël, je te rappelle que je suis toi, je te connais plus que quiconque, je sais que tu ne crois pas un strict mot de ce que je te raconte. Tu sais, m’adresser à toi, à ton âge, est un exercice assez compliqué pour moi, alors même si tu ne me crois pas, sache que je serais heureux si je peux t’apporter un peu d’espoir avec cette lettre. J’ai la chance de pouvoir me rappeler quelques moments de la période que tu vis, avec des photos, des vidéos. Tu es beau Gaël, n’écoute pas les gens qui te disent que tu ne souris jamais, je vois sur les photos un jeune homme qui ne demande qu’à aimer. Ne crois-tu pas ?
Non, malheureusement je sais déjà que tu ne le crois pas. Tu t’évertues pourtant si fort à le faire paraître, mais je sais que c’est faux. Tu te souviens quand je t’ai dit que tu grandissais ? Tu découvres également qu’il va falloir que tu commences à vivre pour toi, à penser pour toi, à te débrouiller petit à petit par toi-même. En vrai, cette idée te révulse. Pourquoi on ne pourrait pas vivre toute sa vie à jouer aux jeux-vidéos et à manger des bonbons avec ses copains, hein ? Je crois ne pas me tromper en te disant que tu n’es jamais sorti de ta zone de confort, tu as peur de tout perdre. Tu as peur que ton socle de bienveillance et de douceur s’effondre. Même si ça doit te faire mal de te le dire, c’est tout ce qui peut t’arriver de mieux. Les blogs, les vidéos, on sait tous les deux que ça ne va pas durer, que ce n’est pas ce dont tu as besoin. Tu n’es pas encore en capacité de le savoir, tu es encore inconscient de ces choses-là. Je suis désolé d’être franc avec toi. Tu n’aimes pas trop quand on parle de choses « sérieuses », tu préfère quand on parle de basket, de jeu-vidéo, ça te rassure. C’est pour ça que tu as toujours du mal avec papa, c’est le coté trop sérieux qui t’impressionne.
J’ai bien pensé te dévoiler quelques trucs cools qu’on a en 2018, mais ce serait gâcher la surprise. C’est tellement énorme que tu ne me croirais pas, tu verrais les graphismes aujourd’hui, c’est comme sur les photos ! Avec cette lettre, c’est à toi et à toi seul que je veux m’adresser. Tu n’aimes pas ça, pourtant je veux avoir ton attention toute entière. Tu crois que je passe mon temps à te faire la morale, peut-être que dans cinq minutes tu auras jeté cette lettre sans même un petit effort pour la comprendre. Pourtant Gaël, s’il y a bien quelqu’un qui peut comprendre ce que tu vis, c’est moi. Tu ne vois pas de quoi je parle, hein, t’es plus fort que ça de toute façon ? Tu fais le caïd avec tes amis, ils te protègent et tu ne crains rien tant que tu es avec eux. Alors comment m’expliques-tu ces fois où tu regardes le plafond, le soir dans ton lit, où tu attends désespérément une réponse qui n’existe pas ? Quand tu questionnes ton existence, quand tu remets tout en question, lors de ces nuits toujours trop longues où tu n’arrives pas à trouver le sommeil. Je tiens à être ferme sur un point Gaël : tu es un jeune comme tout le monde, et tous les jeunes ont des problèmes. Ne t’épuise pas à chercher quelque chose que tu ne trouveras jamais, ne te sens pas coupable de vivre la vie que tu as et surtout, ne t’en sers jamais comme raison pour forcer le contact. Les gens t’aiment et vont t’aimer pour ce que tu es, non pas pour la pitié. Je veux te dire combien tu es important dans la vie de tous ces gens Gaël, tu comptes pour eux, comme ils comptent pour toi.
C’est assez difficile de savoir ce que tu penses, tu ne parles pas beaucoup si ce n’est presque pas. Si ça peut te rassurer, ce point-là ne va pas s’améliorer du jour au lendemain, il va nous falloir du temps. Tu n’es pas « bizarre » et les autres « normaux », c’est dans ta tête, en apparence les gens peuvent te faire croire ce qu’ils veulent. Retiens-bien ce conseil. Tu n’oses pas parler car tu as peur qu’on te le reproche, pourtant avec tes amis, tes vidéos pour eux et sur ton blog, tu n’hésites pas à être toi-même, quitte à être un peu niais parfois. Oui mais internet est devenu ta barrière, tout est permis et surtout c’est ton lieu préféré pour être sûr qu’on ne te reprochera pas d’avoir dit quelque chose, puisque les gens ne sont pas en face de toi. Pourtant, j’aimerais au plus profond de moi que tu prennes conscience que tu as tant de belles choses à offrir aux gens, en dehors des réseaux, même si tu n’assumes pas longtemps celui que tu es. C’est tellement libérateur de parler à quelqu’un, même si tu ne dis pas grand-chose, c’est déjà quelque chose. Ose un peu, la vie te le rendra au centuple.
J’aimerais te raconter comment je suis devenu, comment tu es devenu en 2018, malheureusement je crains que ce ne soit pas la bonne solution pour toi. Si je peux t’écrire aujourd’hui et te livrer ces quelques lignes, c’est bien parce que tu es en train de vivre ta vie comme tu l’entends. Avant de te quitter et de te laisser à ta vie, je tiens à te rappeler une dernière fois (ouais, si t’avais mal compris les premières fois) qu’il ne faut jamais avoir peur de la vie. Ce que tu vis aujourd’hui, tu ne le vivras certainement pas demain ou dans dix ans. La preuve. Sois bienveillant avec toutes les personnes de ton entourage, je sais que tu crois parfois tout savoir, tu te permets d’être méchant avec ta famille (tous des cons, hein ?), d’être hautain avec tes amis, de te sentir supérieur alors que tu n’es rien sans eux. Ne perds pas ton temps à porter le poids de la vie, tu verras très vite que c’est un sac qui n’arrête pas de se remplir. Pourquoi ai-je choisi cette période de ta vie pour t’écrire ? Tu es maintenant assez éloigné de moi pour avoir suffisamment de recul, j’ai acquis l’expérience et l’humilité qui me manquait pour faire le point. Dans le futur, attends-toi à rencontrer des gens extraordinaires, à vivre des expériences hors du commun. Attends-toi également à vivre des moments difficiles, des étapes indispensables à ta future vie d’homme qui vont te mettre le doute, te briser en mille morceaux, te reconstruire comme il le faut et consolider toutes tes fondations. Tu es incroyablement beau Gaël, ne cesse jamais de penser que tu as une place dans ce monde. Fais-les te regarder, fais-les trembler, fais-les frémir, fais-les t’aimer. Sois toujours fier de ce que tu accompliras dans la vie, toujours. Et apprends à accepter les défaites, ce sont elles qui te forgeront cet esprit d’acier, cette volonté de fer. Tu arriveras à construire ta vie, comme je vis aujourd’hui la mienne, la tienne, la nôtre. Tu veux un indice pour te motiver ? Ça en vaut largement le coup.
N’oublie pas que je t’aime, Gaël.
P.S : Bientôt tu vas devoir prendre une décision importante à propos du basket, tu vois de quoi je parle. Réfléchis bien à toutes les possibilités, liste tes priorités, n’oublie jamais tes vraies passions.
P.S.2 : Commence dès maintenant à changer ta garde-robe. Les sweats et pantalons deux fois trop larges pour toi, ce n’est plus possible. Vraiment.
P.S.3 : Fais toujours attention à ne pas sous-estimer la vie. Faire le bonhomme avec sa petite moto c’est bien, se protéger c’est mieux. Un short et un tee-shirt n’est pas une tenue adaptée, bon sang !
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