22a. Frustration : Matt

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Mon entretien avec Sandrine s’est révélé intéressant. Bon, j’ai eu droit à ses rituels de purification et de vérité, mais je m’y attendais. Avoir besoin de notre aide ne signifie pas qu’elle nous accorde toute sa confiance, et c’est réciproque.

Elle m’a écouté, mais surtout, elle m’a surpris en acceptant ma proposition. Nous faisons le bon choix, nous en sommes convaincus tous les deux. Elle m’a également confié approcher de la solution. Sa rapidité m’impressionne. Il faut dire qu’elle n’a pas abandonné ses livres de la nuit. Elle veut en terminer avec le fléau, le plus vite possible.

Alors que je descends, plein de bonnes résolutions, la porte ouverte du garage m’intrigue. Quelqu’un aurait prévu de sortir ? En m’approchant, je reconnais les voix de Bob et Clément. Ça tombe bien, c’est lui que je cherchais. Ils préparent des cannes à pêche ! Ont-ils oublié de quelle manière ont fini le type et la gamine ? Ils me saluent d’un bref hochement de tête, et continuent leur tâche, sans plus d’attention pour moi. J’avoue que mon comportement de la veille n’encourage pas la communication.

— Vous allez au barrage ? demandé-je sur le ton du badinage.

— Oui, répond Bob sans relever les yeux.

— Je viendrai vous y retrouver si ça ne vous dérange pas. Il faut bien que je fasse ma part de travail.

Un son s'échappe de ma gorge. Le rire débile d'une personne en manque de confiance en soi. Il ne manquait plus ça. Clément s’est redressé et me toise d’un regard sombre. Il ne doit pas savoir que penser de ma proposition. À moins que Lana lui ait parlé de notre relation ? J’en doute. Je l'observe, tandis qu'il passe des accessoires sur le fil. Je suis impressionné par sa dextérité. Il maîtrise l'exercice, le gars !

— On te prépare une canne ? propose-t-il d'une voix un tantinet agressive.

— Volontiers. Si cela ne vous retarde pas.

Incertain quant aux regards que j'ai pu lui adresser, je préfère m'en aller.

— À plus tard, leur lancé-je avant de me détourner.

Je déteste la pêche. C’est un sport ennuyeux, trop calme. Je préfère de loin des activités plus viriles. J’adore me mesurer aux autres, les impressionner en leur montrant que je suis le meilleur. Je me régale quand ils transpirent, alors que mon corps ne ruisselle d’aucune goutte de sueur. J’aime la compétition. Sauf celle à laquelle je fais face depuis peu de temps. Je suis en train de perdre pour la première fois. Je n’étais pas préparé à une lutte de sentiments.

Bref, aujourd’hui, je préfèrerais aller taper du malaforme qu’attendre qu’un abruti de poisson vienne se planter un hameçon dans la gueule !

Quoique je ne suis pas sûr de ce dont j’ai envie. Pour l’instant, seuls mes crocs me démangent. Je me retiens de les planter dans la gorge de Clément. Alors, si je fais des efforts, il va devoir se montrer un peu plus conciliant !

Quoiqu’il en soit, j’ai besoin de me ressaisir avant de tenter une nouvelle approche.

Lana a raison, j’ai anéanti tous mes efforts pour devenir un bon humain. Le désarroi dans lequel je sombre me pousse à retourner dans les salles où je l’entrainais. Ces souvenirs vont me faire souffrir, mais mes jambes sont bien décidées. Elles m’y emmènent.

La salle des armes. C’est là que j’ai reçu ma première décharge à son contact. Je lui faisais seulement essayer une arme. Mes yeux se posent sur l’arc. Quelles sensations étranges m’ont traversé quand je lui apprenais à s’en servir ! Et ce moment où elle essayait de détendre l’atmosphère en faisant le clown en face de moi... j'agrippais mon épée pour retenir un fou rire grandissant.

C’est douloureux de repenser à tous ces moments qui ont fini par faire de moi un homme, un homme avec des sentiments, un homme qui éprouve des sensations inconnues. En même temps, ces visions sont tellement agréables ! Toutes ces nouvelles émotions m’apportaient l’espoir, encore un nouveau sentiment.

J’effleure le sabre, et de nouvelles images m’envahissent. Je revis cet entrainement avec tant de réalité ! Je sens encore son corps chaud contre le mien et son odeur qui m’enivre et ne me quitte pas.

Il faut que je sorte de là. Je vais aller me défouler sur les sacs de frappe dans l’autre salle.

Une fois de plus, mon choix s’avère malheureux.

Ma main n’a pas quitté la poignée de la porte que je la vois sur le rameur. Elle ne m’a pas entendu, elle me tourne le dos. Je devrais m’éloigner sans bruit, mais je suis comme hypnotisé. Je retiens mon souffle de peur qu’il ne vienne briser cet instant. J’ignore comment j’ai pu me rendre derrière elle, mais quand je sors de ma torpeur, je la regarde, si près, alors qu’elle stoppe ses exercices et attrape sa serviette. Elle va se retourner et me trouver là, tel un voyeur, tel un homme mal intentionné, mais il est déjà trop tard pour que je sorte. Même avec ma rapidité coutumière car elle la connait maintenant. Elle sursaute quand elle me surprend. Je suis tendu. Comment va-t-elle réagir ?

— Tu… es là depuis longtemps ? demande-t-elle, gênée.

Je choisis l’attitude sarcastique :

— Un petit moment. Je venais me changer les idées, mais tu étais tellement concentrée que je n’ai pas voulu t’interrompre.

— Je suppose que je dois te remercier. J’ai finis, tu seras tranquille.

Elle me dépasse et s’apprête à sortir. Non, reste !

— Attends ! Je… Je vais aller parler à ton mari. Je voulais que tu le saches.

Je me suis rapproché d’elle. J’ai tellement envie de la serrer dans mes bras, contre moi ! Je voudrais que nos corps se mêlent une dernière fois et qu’au moment ultime, elle m’offre sa gorge pour que je puisse me griser de l’entêtant nectar qui coule dans ses veines. Je frémis à l’idée des petits cris qu’elle se permet et de son corps qui se cambre, qui me cherche plus loin, quand enfin, elle s’abandonne à la volupté.

Mais ces souvenirs doivent rester ce qu’ils sont, et surtout là où ils sont à jamais gravés, dans ma mémoire.

— Pourquoi lui raconter tout cela, Matt ? Quels bénéfices sortiras-tu de notre souffrance, à ma famille et moi ? Tu as détruit notre… amitié quand tu as tué tous ces gens !

— Holà ! On se calme, ma petite dame ! J’ai juste l’intention de faire connaissance puisqu’on doit cohabiter.

Le sarcasme laisse place à la frustration et à la colère.

— Et ma chère, celui qui a brisé notre… amitié, comme tu l’appelle, c’est lui ! Vous vous êtes retrouvés, tant mieux pour vous ! Mais garde tes leçons de morale, car ton honnêteté en a pris un sacré coup !

— Il y a un océan entre mon honnêteté et ta cruauté ! Il n’a jamais été question de plus entre nous. C’était juste une histoire de sexe, ainsi qu’une manière agréable de te nourrir. Je te rappelle que tu as pris ce que tu voulais sans me demander mon avis, sans tenir compte de mon refus ! Tu as profité de ma peine, de mes faiblesses ! Tout cela n’a pu avoir lieu que parce que nous cherchions mon mari !!! L’issue pour toi et moi était inévitable et nous le savions tous les deux. Alors ne me fais pas porter la responsabilité de tes états d’âme !

Mes canines surgissent en même temps que ma fureur. Fureur provoquée par la douleur que m’infligent ses mots. Je la saisie à la gorge et la plaque contre le mur.

— Tu sembles avoir oublié quelques détails : à moins que je ne me trompe, tu as toujours aimé ça, et je n’ai pas eu à te demander la dernière fois…

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