Ulysses
- Tu es sûr de vouloir le faire ? hurla Eldon à travers le bruit des cascades et des moteurs des bateaux volants amarrés.
- Je n’ai jamais été aussi excité, répliqua Ulysses.
Il avait conscience de répéter la même chose à chacune de ses bêtises, mais il les poussait toujours plus loin. Il lui fallait toujours plus de sensation ; un enivrement dont il n’arriverait pas à se détacher.
Sloedale, sa ville natale, avait cette particularité d'être un port géant, dont les maisons et autres bâtisses s'étalaient tout en hauteur sur le flanc de la montagne. Ci-et-là de petites cascades – peut-être plus proche de rivières – dévalaient la pente au travers de moulins de toutes tailles.
Les deux amis étaient sortis par la fenêtre de leurs chambres et s’étaient rejoints en début d’après-midi à la naissance d’une de ces cascades. Ils se tenaient maintenant assis sur une planche de bois qui ressemblait à une luge et s’apprêtaient à traverser la ville sur ses flots déchaînes.
- Je te fais confiance, dit Eldon en l’enlaçant. Mais si je meurs, je veux que tu viennes en robe et perruque rose a mon enterrement !
Ulysses ne releva pas et lâcha les cordes qui les tenaient amarrés. Aussitôt, l’embarcation s’ébranla et s’élança à toute vitesse en direction du premier moulin. Ulysses poussa un cri de joie tandis qu’il sentit les bras de son ami se serrer contre sa poitrine.
- On arrive à la première cascade ! s’époumona Ulysses sans être certain qu’il a été entendu.
Ils ralentirent sur les pales du moulin, se sentirent soulevés au-dessus de l’eau et c’est à ce moment qu’Ulysses se demanda s’ils n’avaient pas été trop loin cette fois. D’où ils étaient, ils avaient une vue imprenable sur la ville et les quelques marchands nomades en contre-bas ; ils avaient également une vue imprenable sur l’eau qui s’écrasait dans le lac. Il était maintenant trop tard pour faire machine arrière et ils tombèrent en pic. Ulysses vit sa vie défilée devant ses yeux et fit sa prière.
Pourtant, en un réflexe, il attrapa la corde d’un bateau non loin et entraîné par le poids de son ami, glissa de tout son long a s’en arracher la peau des mains. Il réussit néanmoins à réduire leur vitesse et ils tombèrent sans trop de fracas dans le lac.
Ulysses fut le premier à refaire surface et poussa un soupir de soulagement lorsque la tête d’Eldon réapparut.
- C’était… GÉANT ! cria Ulysses. On a réussi !
Eldon regarda ses mains, se toucha le visage et dit en écarquillant les yeux :
- On est vivant… On est vivant Ulysses ! Bon Dieu, je me voyais déjà au paradis.
- Ahah ! On peut remercier ma bonne étoile d’avoir mis cette corde de bateau sur notre chemin, ajouta-t-il en montrant ses mains brûlées.
- Hey les gosses ! cria un passant sur le chemin des nomades. Vous allez bien ?
Ulysses lui lança son plus grand sourire et remarqua qu’ils avaient attiré l’attention du monde alentour.
- Je suggère qu’on se tire avant que la Garde n'arrive.
Eldon ne se fit pas prier.
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