Le Choix (Part. 2)

6 minutes de lecture

Ozanne menait la marche alors qu’Aslan et Alida aidaient Léontine à avancer dans le froid. Heureusement que les contractions n’étaient pas trop fortes et la permettaient de progresser dans les ruelles de Biloaï. Le ciel se dégagea à l’arrivée de la nuit. Le petit groupe entra dans l’arrière-cour de la maison du général Ana. Léontine retrouva un léger sourire. Elle expliqua ce qu’il s’était passé le soir des enchères.

La verrière était fermée à clé, mais Ozanne frappa férocement dessus. La chevelure rousse de Nathanaëlle apparut derrière. L’aventurière lut dans son regard l’inquiétude de les voir.

Léontine reconnut de suite la femme derrière la porte. Il s’agissait de celle qui avait frappé au tisonnier brûlant le duc Méristone. En voyant sa manche fantôme, elle écarquilla les yeux. La générale déverrouilla la porte et s’adressa à eux d’une voix ferme :

- Mademoiselle Léontine, ne me dites pas que vous avez perdu les eaux ? Vous êtes si pâle !

- Je veux voir Peio, répondit-elle, méthodiquement.

Nathanaëlle foudroya du regard Ozanne qui fixait les graviers sous elle.

- Je dois vous prévenir, Léontine, commença Ana. Peio a perdu la mémoire. Il ne se montre pas très coopérant et souhaite partir pour refaire sa vie…

- Ozanne m’a prévenu ! Laissez-moi entrer, je vous en prie…

Nathanaëlle émit une petite prière silencieuse et la laissa pénétrer dans la maison. Léontine ne tarda pas. La jeune femme traversa quelques pièces et le découvrit, plongé dans la lecture d'un journal en compagnie de deux autres personnes. Ana arriva derrière eux et tenta d’y mettre un peu d’ordre.

- Peio, votre femme va bientôt accouchée. Elle veut vous parler. Cyrille, Lars, laissons-les seuls. Il faut aller prévenir un médecin !

Ozanne se confondit dans un coin de la pièce alors que Léontine se jeta sur son amant :

- Peio !

Alida l’a retenu, alors que celui-ci semblait totalement paniqué :

- Il est malade. Laissons-lui un peu de temps.

Léontine ne pouvait s’arrêter de pleurer. Elle s’assit à ses côtés en lui prenant sa main :

- Peio, c’est moi, Léontine ! Tu me reconnais ?

Il ne répondit pas, fixant le sol sans pour autant parvenir à s’exprimer. Alida le rejoignit en s’agenouillant devant lui.

- Peio, nous avons été prévenus de ton état. Pour nous, le simple fait que tu sois en vie nous rend heureux !

Léontine posa la main de son mari sur son ventre rond qui lui causait de plus en plus de souffrance.

- On peut se reconstruire ensemble ! Et puis, tu te rétabliras avec les années, même sans te souvenir de nous.

Peio semblait totalement étrangé à la scène. Il se leva, se libérant des mains de Léontine qui tenta de le retenir de ses ongles. Ses yeux se rivèrent vers Ozanne qui détourna le regard, puis sur Aslan qui les observait silencieusement. L'historien obesrav Léontine qui le regardait de ses yeux émeraude, les mêmes que son père. Il osa briser le silence glaciale pour s'échapper de cette situation :

- Je… je me souviens que j’étais en danger à cause de Liosan Ferl. Il veut ma peau et je préfère m’enfuir pour ne plus jamais le voir. J’ai refait ma vie loin d’ici. Je compte bientôt me marier…

- Pardon ? l’interrompit Léontine.

- Je... je vais me marier avec Sarra, hésita-t-il. J’ai appris que son père venait de mourir, il faut que je sois à ses côtés. Elle me manque !

Léontine tenta de se lever malgré les douleurs qui irradiaient son nombril. Elle le dévisagea. Peio était à peine reconnaissable. Son sérieux et sa barbe lui donnaient les airs de son père. Ses yeux gonflés montraient qu’il avait versé de nombreux sanglots. Sa colère la surpassa. Léontine le gifla brutalement. Le jeune homme écarquilla ses yeux. Elle reprit :

- J’aurais préféré que tu sois mort !

- Léontine, l’interrompit Alida.

- Qu’il retourne avec sa Sarra qui lui manque tant alors que je me crève pour donner la vie à son enfant.

Peio partit de la pièce. Léontine se rassit, essoufflée. Alida tenta de la rassurer alors qu’elle pleurait à nouveau.

- Je vais aller lui parler !

La jeune femme courut pour rattraper son frère. Celui-ci s’était immobilisé dans la cour.

- Peio, raconte moi cette histoire avec Sarra !

Il se retourna vers elle, totalement perdu. Sa sœur lui prit la main et le fit sortir de la petite cour. Elle croisa Ana et ses coéquipiers revenant avec un médecin. Alida les salua d’un signe de tête. Ils se dépêchèrent pour arriver sur la place du Théâtre, essoufflés. Dans la nuit, la bâtisse semblait dormir sous la lune éclatante. La jeune femme força son frère à s’asseoir sur un banc et sortit deux fines cigarettes.

- Comme au bon vieux temps !

Peio la prit avec hésitation. Alida l’alluma pour lui et le questionna doucement :

- Léontine n’est pas des plus douce quand elle agit avec ses émotions. Elle est prise en charge par un médecin compétent. L’accouchement se passera parfaitement, le rassura-t-elle. Je suis ta sœur. Alors, raconte-moi, ton histoire avec cette fille.

Peio hésita. Il inspira une taffe, puis tenta de lui expliquer sa mission dans les océans pour trouver les reliques sous les eaux, de son voyage avec Cyrille et de sa rencontre avec les Hajouack. Alida tenta de garder son calme face à la folie de son frère qui semblait persuadé que leur père lui avait donné l'ordre de rejoindre une capitale qui n'existait sur aucune carte. Pourtant, son nom était le même qu’avait confié le duc Méristone à Léontine. Alida ne voulait pas nourrir sa démence, mais quelques questions la taraudaient :

- Qui est Ozanne pour toi ?

- Ozanne…, hésita Peio. C’est… c’est comme mon Alter Ego. C’était une amie, avant qu’elle n’ait essayé de me vendre à Liosan Ferl.

Alida savait qu’Ozanne se méfiait grandement du père de Léontine.

- Que te veut Liosan ? continua-t-elle.

- Me torturer jusqu’à ma mort.

- Pourquoi ?

Peio haussa des épaules. Ses yeux se mesurèrent à l’important Théâtre de Biloaï. L’air frais de la nuit le calma.

- Le problème c’est que je ne peux différencier le vrai du faux. Si je reste ici, je vivrais dans un monde qui me sera toujours inconnu. Là-bas, j’y retrouverai mes certitudes grâce à Ezyld !

Alida sentit son sang se glacer. Il lui était difficile de suivre les dires de Peio, mais le nom, Ezyld, lui rappela ses sombres lectures sur la science du courage. Le dilemme de Peio lui parut d’ailleurs assez proche des horribles expériences qu’elle avait étudiées.

- Peio, nous nous sommes renseignés sur les explications de la science du courage. Un type du nom de Méristone de Larialle a tenté de poignarder Léontine. Le sien et celui d’Ezyld sont ceux des personnes qui ont perpétré des meurtres pour connaître les limites de l’être humain. S’ils ont réussi à te faire oublier ton ancienne vie, ils ont dû te faire subir d’atroces tortures. Je ne voudrais pas que tu y retournes. Nous t’aiderons et te guiderons pour que Liosan ne mette pas la main sur toi. Tu vivras dans la réalité. Léontine et ton enfant auront besoin de toi et t’apporteront beaucoup d’amour.

Peio ne répondit pas. Des pas arrivèrent dans leur dos. Alida se retourna et vit Ozanne, qui dans l’ombre de la nuit, se confondait parfaitement dans les rues sombres. Le jeune homme s’en méfiait encore.

- Léontine s’en sort bien malgré toutes les insultes qu’elle a proférés. Peio, je vais rejoindre Baltazar pour qu'il me ramene chez moi. Liosan ne va pas tarder à rentrer dans son voyage d'affaires.

L’historien se mordit les lèvres d’incertitudes. L’aventurière reprit :

- Nathanaëlle repart avec Cyrille dès que tu auras donnés ton choix. Elle ne souhaite pas croiser Liosan. La générale compte lui laisser une lettre pour expliquer la situation. Lars reste avec vous. Le père de Léontine s’en occupera.

Ozanne hésita un peu avant de partir pour de bon. Elle finit par lui tendre une petite enveloppe.

- Je ne sais pas écrire, expliqua-t-elle. J’ai demandé à Cyrille de le faire à ma place. J’aurais préféré que Nathanaëlle le fasse à la place de cette décérébrée, mais, elle ne sait écrire de la main gauche. La lettre récapitule tout ce que je ne serais te dire à voix haute. Bonne chance, Peio.

Elle lui tourna le dos. Derrière elle, un faible filet de voix laissa prévoir qu’il s’agissait d'un au revoir plutôt que d'un adieu.

- Bonne chance, Ozanne…

Le visage de la jeune femme se para d’un léger sourire. Rassurée, l'aventurière disparu dans les rues glaciales.

FIN

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Blanche Demay ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0