Chapitre 10 Deux destins magiquement liés

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"Le printemps est là. Partout s’exhale la joie. Les bourgeons, gonflés de sève, éclatent, et les robes vermeilles des fleurs s’étalent de toute leur beauté sous les rayons du soleil.

Seule, je contemple le lever du jour. Je suis heureuse. J’ai enfin pu poser mon fardeau. Les missions de défense m’ont usée, tout comme les tensions familiales et politiques.

Une clameur me tire de mes pensées, emplit l’espace. Je ne m’inquiète pas. Je suis trop confiante : en ma force, en celle de mon aimé, en la solidité de notre bonheur. Je descends au jardin, m’attarde sur les fleurs, savoure ce fragile moment de paix.

Soudain, ma servante Rosa surgit, paniquée. Elle, si posée d’habitude. Je me redresse, en alerte. Elle halète, peine à parler, puis parvient à souffler :

  • Les assassins… Ils tuent tout le monde… Votre mari… Parti… Vite…

Je vacille. Puis la guerrière en moi reprend le dessus. Je cours à ma chambre, attrape quelques affaires, enfile ma tenue de voyage. Je traverse les ruines, fuis par un passage secret.

Je ne me reprocherai jamais cette décision. Il m’a fallu un immense courage pour tout laisser : mon époux, mon peuple, ma terre. Mais je fuis pour protéger celle qui grandit en moi. Magicienne, je sens sa présence depuis le début. Ma mission est claire : la préserver.

Je trouve refuge ici, chez le maître Toryx et son épouse. Je me fais passer pour une cousine. Les voisins soupçonnent sans doute qui je suis, mais se taisent. Je me repose… pour un temps.

Neuf mois plus tard, je donne naissance à une petite fille. Une merveille. Des voyageurs m’apprennent la mort de mon époux. Je n’y crois pas. Je le sens vivant.

On croit que j’ai fui vers l’ennemi, celui qui a détruit la moitié du royaume, que je me suis offerte à lui en traîtresse.

Je décide alors de partir à sa recherche. Me séparer de mon enfant me déchire. Mais je la confie à Maria. Je sais qu’elle en prendra soin.

En larmes, je retrouve mon armure et mes vêtements d’antan. Mais c’est les yeux secs que je monte à cheval. Mon passé et mon amour me guident. Ma fille vit en moi. Je la protège, encore aujourd’hui, de loin.

Je pars. Des années durant, tandis qu’elle grandit, je poursuis les responsables du massacre. Je les traque, les interroge, rassemble les indices.
En parallèle, je rachète mes terres, reconstruis mon peuple, replante les cultures. Je recommence tout à zéro, sous un faux nom.

Et puis une question me hante : dois-je renoncer à mes recherches pour retrouver ma fille ? Je la sais en sécurité."

Tous écoutent le récit en silence. Bree veut parler, mais aucun mot ne franchit sa gorge nouée. La magicienne lui sourit doucement.

  • Oui, Bree. Tu es ma fille. Je t’ai donné ce nom pour que tu ne puisses jamais m’oublier. Je…

La jeune fille fond en larmes. Elerrina pose une main sur son épaule, puis se tourne :

  • Vous parliez d’un obstacle à vos recherches… Que s’est-il passé ?

Elle hoche la tête et reprend :

  • J’ai gardé le silence. Mais quand les pouvoirs de Bree sont apparus, tout a changé. J’ai senti le danger chez les villageois, chez les voyageurs. Certains voulaient lui nuire. Le sort qui nous lie, renforcé par l’amour maternel et mes dons, me permet de suivre chacun de ses pas. Mais ce lien l’expose aussi. Je suis fière de ce qu’elle devient, et brisée de ne pas en faire partie. Je veux tout lui dire mais me révéler la mettrait en danger.
  • Si vous avez perçu un malaise chez Bree, c’est parce que j’avais relâché la surveillance ce jour-là. Je testais un vieux sort. Vous avez senti ma présence, comme j’ai senti la vôtre. Je suis repartie rapidement. Vous ne représentiez aucun danger. J’espérais que vous penseriez à une illusion. Mais ce lien vous a touchée aussi.
  • Je vous ai sentie bienveillante répond Elerrina. Et même si vous êtes puissante, je n’ai pas peur. Je vous fais confiance. Mais je veux comprendre. Et je dois vous demander… Ma Dame ?
  • Elerrina, fille de Miriel… rien ne t’échappe donc jamais ? Tu as raison.

Elle retient son souffle.

  • Mon nom est Alraë, magicienne de la Maison d’Émeraude, héritière du royaume d’Arandil.

Le silence tombe. Même les parents ne soufflent mot. Pour tous, Alraë appartient aux légendes. La voir ici relève du miracle.

Une lueur traverse le regard de Bree. Elle fixe la magicienne, troublée.

  • Que me voulez-vous ?
  • Tu viens d’apprendre beaucoup. Mais je dois partir. Le temps m’est compté.
  • Restez !
  • Je ne peux. Je confie ta protection à cette jeune guerrière.
  • Oui, madame, dit Elerrina en s’inclinant. J’avais déjà fait ce choix. Vos paroles ne font que le confirmer. Mais j’ai une mission. Je ne resterai pas longtemps. Je la confierai aux mages de Glemrynn. Elle y sera en sécurité.
  • Partez vite. Que votre destin s’accomplisse.

Alraë se détourne, puis revient sur ses pas. Elle regarde sa fille dans les yeux.

  • N’aie pas honte de ta chevelure, ma chérie. Elle prouve que tu es fille de magiciens puissants. C’est ta marque. Sois-en fière.

Deux larmes, pures comme le cristal, roulent sur les joues de Bree. Et la magicienne disparaît dans un scintillement d’étoiles.

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